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Droit des sûretés et de la publicité foncière
Pas de recours de la caution solvens contre son cofidéjusseur après clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif.
Après clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif, l’article L. 643-11, II du Code de commerce ne permet pas à la caution ayant acquitté la dette principale d’exercer son recours contre le cofidéjusseur auquel la liquidation judiciaire a été étendue, à moins que le patrimoine de ce dernier ne soit confondu avec celui du débiteur principal.
L’ouverture d’une procédure collective à l’égard d’un débiteur annonce des temps difficiles pour la caution. N’étant pas systématiquement à l’abri des poursuites et autorisée à se prévaloir des dispositions du plan, la caution peut être appelée en paiement par le créancier. La suspension des poursuites à l’encontre de la caution n’est prévue qu’en cas de sauvegarde ou de redressement judiciaire et jusqu’au jugement arrêtant le plan (C. com., art. L. 622-28 et L. 631-14) ; une fois le plan arrêté, seule la caution personne physique du débiteur en sauvegarde peut se prévaloir des dispositions de ce dernier (C. com., art. L. 626-11) ; dans le cadre du redressement judiciaire en revanche, la caution ne peut se prévaloir des dispositions du plan et se trouve exposée aux poursuites du créancier (C. com., art. L. 631-20). Le projet de réforme du droit des sûretés prévoit de renforcer la protection de la caution dans ce cas de figure (V. C. Favre-Rochex, « Premiers regards sur l’avant-projet de réforme des sûretés dans les procédures collectives », D. 2021. 190). Dans le cadre de la liquidation judiciaire, enfin, aucune protection particulière n’est accordée à la caution qui peut être appelée en paiement par le créancier, la défaillance du débiteur étant caractérisée.
Afin de préserver ses intérêts, le législateur autorise toutefois la caution qui a payé le créancier à exercer son recours contre le débiteur lorsque la procédure a abouti à un jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif. Cette possibilité offerte à la caution (mais également aux coobligés et, depuis l’ordonnance du 12 mars 2014, aux autres personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie) fait exception au principe d’interdiction de reprise des poursuites individuelles qui s’impose au créancier et qui l’empêche, sauf circonstances particulières, d’agir après un tel jugement contre le débiteur (C. com., art. L. 643-11, I).
L’article L. 643-11, II du Code de commerce prévoit ainsi que « Les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent poursuivre le débiteur s'ils ont payé à la place de celui-ci ».
Ce traitement de faveur s’explique, en ce qui concerne la caution, par la volonté de protéger ce garant dont l’engagement n’est qu’accessoire et subsidiaire à celui du débiteur principal.
Il a ainsi été rappelé par la chambre commerciale que la différence de traitement entre les débiteurs cautionnés – qui peuvent être poursuivis par la caution après clôture de la liquidation judiciaire – et les débiteurs non cautionnés – qui sont quant à eux entièrement libérés – se justifiait « dans l’intérêt des cautions lesquelles, en l'absence de ce texte, supporteraient définitivement une dette dont le débiteur principal serait lui-même déchargé » (non-lieu à QPC : Com., QPC, 21 juin 2011, n° 11-40.015).
Ce texte protecteur des intérêts de la caution vise expressément la reprise des poursuites individuelles contre le débiteur. Peut-on toutefois en faire une application extensive et admettre qu’il ouvre également le droit à la caution solvens d’agir contre le cofidéjusseur ayant fait l’objet de la procédure ?
Telle était la question posée par l’arrêt du 5 mai 2021 à la chambre commerciale de la Cour de cassation.
Dans cette affaire, une banque avait consenti à une SCI des prêts garantis par le cautionnement de deux époux et par le cautionnement donné par une société partenaire de la banque créancière. Par la suite, une procédure de liquidation judiciaire ouverte à l’égard d’une société tierce avait été étendue d’abord au patrimoine de l’un des époux cautions, puis à la SCI débitrice principale. La banque déclara sa créance à la procédure et la société caution lui régla l’intégralité des sommes dues.
La procédure de liquidation judiciaire ayant été clôturée pour insuffisance d’actif, la société caution entendait se prévaloir des dispositions de l’article L. 643-11, II du Code de commerce pour exercer son recours contre l’époux caution. Elle soutenait, dans son pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel l’ayant déclarée irrecevable, que le caractère accessoire du cautionnement devait conduire à une appréhension extensive du texte et autoriser la reprise des poursuites individuelles de la caution non seulement contre le débiteur mais également contre le cofidéjusseur.
La Cour de cassation fit échec à cette analyse et rejeta le pourvoi, affirmant que « l'article, L. 643-11, II du code de commerce […] ne permet pas à la caution qui a acquitté la dette principale d'exercer dans les conditions prévues par ce texte un recours contre un cofidéjusseur, en application de l'article 2310 du code civil, à moins que le patrimoine de celui-ci soit confondu avec celui du débiteur principal ». Le principe et son exception formulés par la Cour de cassation ne peuvent qu’être approuvés.
■ Le principe : l’interdiction de la reprise des poursuites individuelles de la caution contre le cofidéjusseur
La caution invoquait, au soutien de sa demande, le caractère accessoire du cautionnement et l’unicité de la dette du débiteur principal et de la caution.
Le pourvoit postulait que « Le caractère accessoire du cautionnement implique que la notion de débiteur au sens de L. 643-11, II […] inclut la caution du débiteur principal ». Le débiteur au sens de ce texte s’entendrait donc non seulement du débiteur stricto sensu mais également de sa caution.
Nul n’ignore, en effet, que la spécificité du cautionnement réside dans son caractère accessoire, que certains désignent comme étant renforcé (V. notamment M. Bourassin et V. Bremond, Droit des sûretés, Sirey, 7e éd., 2020, n° 134 s.). Ce caractère accessoire exprime l’idée que la caution s’engage à payer très précisément la dette même du débiteur principal et qu’il existe ainsi une unicité de la dette de la caution et du débiteur principal.
Pour la demanderesse, il résultait de cette unicité de la dette la possibilité d’admettre une analogie entre les qualités de caution et de débiteur dans le cadre de l’action ouverte par l’article L. 643-11, II du Code de commerce.
Cette analyse est cependant tronquée car elle laisse de côté un autre aspect essentiel du caractère accessoire du cautionnement. Ce dernier, en effet, traduit également la subsidiarité de l’engagement de la caution par rapport à celui du débiteur principal. En dépit de l’unicité de la dette, il y a toujours, en matière de cautionnement, deux obligations distinctes, l’une principale et l’autre accessoire, la caution n’étant tenue de payer qu’à titre subsidiaire en cas défaillance du débiteur principal.
Ainsi, en l’espèce, invoquer le caractère accessoire du cautionnement n’était pas particulièrement pertinent dans la mesure où le privilège accordé à la caution par l’article L. 643-11, II du Code de commerce se justifie précisément par le caractère subsidiaire de son engagement par rapport à celui du débiteur principal. C’est parce que la caution n’est pas tenue à titre définitif du paiement de la dette du débiteur principal que la loi lui permet d’échapper au principe de l’interdiction de la reprise des poursuites individuelles après clôture de la liquidation judiciaire (Voir en ce sens Com., QPC, 21 juin 2011, n° 11-40.015). Les rapports entre cofidéjusseurs, en revanche, ne sont pas accessoires les uns par rapports aux autres mais bien placés sur un pied d’égalité. En cas de défaillance du débiteur principal, le cofidéjusseur doit assumer à titre définitif une fraction de la dette. Dès lors, la faveur conférée par l’article L. 643-11, II du Code de commerce ne saurait lui être étendue.
On ne peut donc qu’approuver la Cour de cassation d’avoir affirmé que « L'article L. 643-11, II, du code de commerce […] ne permet pas à la caution qui a acquitté la dette principale d'exercer dans les conditions prévues par ce texte un recours contre un cofidéjusseur, en application de l'article 2310 du code civil ». Une exception est cependant réservée en cas de confusion des patrimoines de la caution et du débiteur.
■ L’exception en cas de confusion des patrimoines du cofidéjusseur et du débiteur principal
Deux situations peuvent conduire le tribunal à étendre la procédure collective du débiteur à une ou plusieurs autres personnes : la confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou la fictivité de la personne morale (C. com., art. L. 621-1, al. 2). Lorsque par suite d’une telle décision, la procédure collective concerne à la fois un débiteur et sa caution, la jurisprudence considère que l’obligation issue du cautionnement s'éteint par voie de confusion (Com. 17 févr. 2009, n° 07-16.558).
Cette solution s’explique par la règle classique selon laquelle une même personne ne peut cumuler les qualités de débiteur principal d'une obligation et de caution (Com. 28 avr. 1964; Com. 3 mai 1972). Or, lorsque les patrimoines de la caution et du débiteur sont confondus, il n’est plus possible de dissocier l’engagement principal du débiteur principal de l’engagement subsidiaire de la caution. Dans une telle hypothèse, l’extinction du cautionnement dans le cadre des relations entre la caution et le débiteur autorise le cofidéjusseur à agir sur le fondement de l'article L. 643-11, II du Code de commerce contre la caution.
En l’espèce toutefois, la cour d’appel avait retenu que la société caution n’apportait pas la preuve de la confusion des patrimoines de l’époux caution et de la SCI débitrice principale. Le seul fait que le patrimoine de la caution et celui de la société débitrice principale soient concernés par une même procédure collective ne suffit pas à démontrer la confusion des patrimoines. Le pourvoi fut donc rejeté.
En conclusion, on observera que la solution rendue en l’espèce s’explique d’autant mieux que la caution qui entendait exercer le recours prévu par le texte était une caution personne morale, partenaire de la banque. Or, depuis un arrêt de 2016 (Com. 28 juin 2016, n° 14-21.810), le recours contre le débiteur exercé par les cautions personnes morales, qui sont souvent des filiales de la banque créancière, fait l’objet de critiques de la part de la Cour de cassation notamment. Depuis 2016 (V. notamment Rapport annuel 2019, p. 57 s.), cette dernière suggère au législateur de réserver le bénéfice de l’article L. 643-11, II du Code de commerce aux seules cautions personnes physiques, arguant que l’exercice de ce recours par des cautions filiales de la banque créancière permettrait en réalité au créancier de contourner la règle de l’interdiction de la reprise des poursuites individuelles contre le débiteur. Cette question est actuellement débattue dans le cadre de la préparation de la future ordonnance réformant le droit des sûretés (le questionnaire soumis à consultation publique comprenait ainsi une question (n° 5.15) relative au recours de la caution après clôture de la liquidation judiciaire. Le rapport annuel de la Cour de cassation 2019 fait état de réactions contrastées de la part des parties prenantes sur cette question).
Références
■ Com., QPC, 21 juin 2011, n° 11-40.015: D. 2011. 1815, obs. A. Lienhard ; RTD com. 2012. 196, obs. A. Martin-Serf
■ Com. 17 févr. 2009, n° 07-16.558 P : D. 2009. 2207, note Y. Dagorne-Labbe ; RTD civ. 2009. 722, obs. B. Fages ; RTD com. 2009. 615, obs. A. Martin-Serf
■ Com. 28 avr. 1964: RTD civ. 1965. 116, obs. Chevallier
■ Com. 3 mai 1972 : Gaz. Pal. 1972. 2. 742, note Delaisi
■ Com. 28 juin 2016, n° 14-21.810 P : D. 2016. 1494; RTD com. 2016. 848, obs. A. Martin-Serf
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