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[ 1 décembre 2014 ] Imprimer

Procédure pénale

Pas de renvoi devant le tribunal correctionnel du témoin assisté

Mots-clefs : Témoin assisté, Statut, Mis en examen, Juridiction de jugement, Juridiction d’instruction

Seule une personne mise en examen peut être renvoyée devant la juridiction de jugement par la juridiction d’instruction.

À la suite d’une plainte des chefs de harcèlement moral et harcèlement sexuel, une information judiciaire a été ouverte au cours de laquelle un individu a été entendu comme témoin assisté. Le juge d’instruction a finalement rendu une ordonnance de non-lieu. Sur le seul appel de la partie civile, la chambre de l’instruction, après avoir confirmé le non-lieu du chef de harcèlement sexuel, a ordonné le renvoi du témoin assisté devant le tribunal correctionnel sous la prévention de harcèlement moral.

Cette décision est cassée par la Cour de cassation au visa des articles 113-5179204 et 213 du Code de procédure pénale. La Haute juridiction, dans un attendu de principe, affirme que « seule une personne mise en examen peut être renvoyée devant la juridiction de jugement par la juridiction d’instruction ».

Le témoin assisté est une personne à l’encontre de laquelle existent des indices minces de participation à l’infraction, mais dont le statut n’est ni assimilable à celui du simple témoin, ni à celui de la personne mise en examen (à l’encontre de laquelle il existe des indices graves et concordants).

Ce statut a été créé par une loi du 30 décembre 1987 avant d’être redéfini par la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes. Si ce statut confère moins de droits qu’à la personne mise en examen, il offre des garanties. Le témoin assisté ne peut « être placé sous contrôle judiciaire, sous assignation à résidence avec surveillance électronique ou en détention provisoire, ni faire l’objet d’une ordonnance de renvoi ou de mise en accusation » (C. pr. pén., art. 113-5).

En conséquence, si la juridiction d’instruction estime que des charges suffisantes ont été réunies, une mise en examen doit intervenir avant de renvoyer le témoin assisté devant une juridiction de jugement, ce qui lui ouvrira des droits afférents à ce statut.

Cette solution est logique dans la mesure où le Code de procédure pénale conditionne la mise en examen à la réunion d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable que la personne mise en cause ait pu participer, comme auteur ou complice, à la commission de l'infraction dont le juge d'instruction était saisi. En l’absence de tels indices, la chambre de l'instruction est tenue de prononcer l'annulation d'une mise en examen (C. pr. pén., art. 80-1). La personne doit alors être considérée comme un témoin assisté en vertu de l'article 174-1 (Crim. 1er oct. 2003).

En l’espèce, la chambre de l’instruction qui estime, contrairement au magistrat instructeur, qu’il existe des charges suffisantes contre le témoin assisté d’avoir commis l’infraction de harcèlement moral, doit ordonner un supplément d’information aux fins de notification de cette mise en examen (C. pr. pén., art. 204).

Crim. 17 sept. 2014, 14-84.187 F-P+B+I

Références

 Crim. 1er oct. 2003, n°03-82.909 ; D. 2004. Somm. 671, obs. Pradel JCP 2003. IV. 2892.

■ Code de procédure pénale

Article 80-1

« A peine de nullité, le juge d'instruction ne peut mettre en examen que les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont il est saisi.

Il ne peut procéder à cette mise en examen qu'après avoir préalablement entendu les observations de la personne ou l'avoir mise en mesure de les faire, en étant assistée par son avocat, soit dans les conditions prévues par l'article 116 relatif à l'interrogatoire de première comparution, soit en tant que témoin assisté conformément aux dispositions des articles 113-1 à 113-8.

Le juge d'instruction ne peut procéder à la mise en examen de la personne que s'il estime ne pas pouvoir recourir à la procédure de témoin assisté. »

Article 113-5

« Le témoin assisté ne peut être placé sous contrôle judiciaire, sous assignation à résidence avec surveillance électronique ou en détention provisoire, ni faire l'objet d'une ordonnance de renvoi ou de mise en accusation. »

Article 174-1

« Lorsque la chambre de l'instruction annule une mise en examen pour violation des dispositions de l'article 80-1, la personne est considérée comme témoin assisté à compter de son interrogatoire de première comparution et pour l'ensemble de ses interrogatoires ultérieurs, jusqu'à l'issue de l'information, sous réserve des dispositions des articles 113-6 et 113-8. »

Article 179

« Si le juge estime que les faits constituent un délit, il prononce, par ordonnance, le renvoi de l'affaire devant le tribunal correctionnel. Cette ordonnance précise, s'il y a lieu, que le prévenu bénéficie des dispositions de l'article 132-78 du code pénal.

L'ordonnance de règlement met fin à la détention provisoire, à l'assignation à résidence avec surveillance électronique ou au contrôle judiciaire. S'il a été décerné, le mandat d'arrêt conserve sa force exécutoire ; s'ils ont été décernés, les mandats d'amener ou de recherche cessent de pouvoir recevoir exécution, sans préjudice de la possibilité pour le juge d'instruction de délivrer un mandat d'arrêt contre le prévenu.

Toutefois, le juge d'instruction peut, par ordonnance distincte spécialement motivée, maintenir le prévenu en détention, sous assignation à résidence avec surveillance électronique ou sous contrôle judiciaire jusqu'à sa comparution devant le tribunal. L'ordonnance de maintien en détention provisoire est motivée par référence aux 2°, 4°, 5° et 6° de l'article 144.

Le prévenu en détention est immédiatement remis en liberté si le tribunal correctionnel n'a pas commencé à examiner au fond à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la date de l'ordonnance de renvoi.

Toutefois, si l'audience sur le fond ne peut se tenir avant l'expiration de ce délai, le tribunal peut, à titre exceptionnel, par une décision mentionnant les raisons de fait ou de droit faisant obstacle au jugement de l'affaire, ordonner la prolongation de la détention pour une nouvelle durée de deux mois. La comparution personnelle du prévenu est de droit si lui-même ou son avocat en font la demande. Cette décision peut être renouvelée une fois dans les mêmes formes. Si le prévenu n'a toujours pas été jugé à l'issue de cette nouvelle prolongation, il est remis immédiatement en liberté.

Lorsqu'elle est devenue définitive, l'ordonnance mentionnée au premier alinéa couvre, s'il en existe, les vices de la procédure. »

Article 204

« La chambre de l'instruction peut également, quant aux infractions résultant du dossier de la procédure, ordonner que soient mises en examen, dans les conditions prévues à l'article 205, des personnes qui n'ont pas été renvoyées devant elle, à moins qu'elles n'aient fait l'objet d'une ordonnance de non-lieu devenue définitive.

Cette décision ne pourra pas faire l'objet d'un pourvoi en cassation. »

Article 213

« Si la chambre de l'instruction estime que les faits constituent un délit ou une contravention, elle prononce le renvoi de l'affaire, dans le premier cas devant le tribunal correctionnel, dans le second cas devant le tribunal de police ou devant la juridiction de proximité.

Le prévenu détenu est immédiatement remis en liberté et le contrôle judiciaire prend fin. Toutefois, la chambre de l'instruction peut faire application, par un arrêt spécialement motivé, des dispositions prévues aux troisième et quatrième alinéas de l'article 179.

En cas de renvoi devant le tribunal de police ou devant la juridiction de proximité, le prévenu détenu est immédiatement remis en liberté ; le contrôle judiciaire prend fin. »

 

Auteur :C. L.

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