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[ 24 septembre 2010 ] Imprimer

Droit de la responsabilité civile

Pas de rupture d’égalité entre les différentes victimes d’accident de la circulation

Mots-clefs : Loi du 5 juillet 1985, Accident de la circulation, Victime, Indemnisation, Faute simple, Faute inexcusable, Invalidité, Cause exclusive, QPC

La Cour de cassation refuse de transmettre au Conseil constitutionnel une QPC concernant la rupture d’égalité entre les différentes victimes d’accidents de la circulation. L’occasion pour Dalloz Actu Étudiants de revenir sur les différents régimes d’indemnisation applicables aux victimes d’accidents de la circulation.

En l’espèce, un conducteur automobile avait été victime d’un accident de la circulation, causé par la faute d’un autre automobiliste. La cour d’appel de Colmar avait limité l’indemnisation de la victime, puisque cette dernière avait commis une faute de conduite, et ce conformément à l’article 4 de la loi du 5 juillet 1985 sur les accidents de la circulation.

La loi du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation vise à faciliter l’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation. Avant son entré en vigueur, les victimes devaient mettre en œuvre la responsabilité civile délictuelle du conducteur fautif, ce qui entraînait un contentieux long, coûteux et incertain devant les tribunaux.

L’objectif de la loi était de mettre en place un système d’assurance individuelle obligatoire, permettant à chaque victime d’obtenir une indemnisation, sans que soit prise en compte la faute ou le fait dommageable de l’auteur comme c’est le cas dans le régime de la responsabilité civile délictuelle (art. 1382 C. civ.).

Cependant, le législateur — convaincu en cela par les assureurs —, ne voulait pas d’un régime d’indemnisation automatique, considéré comme trop « déresponsabilisant ». Dès lors, en fonction du ‘statut’ des personnes touchées par l’accident, divers régimes de réparation sont prévus.

Ainsi, la victime non conductrice âgée de moins de 16 ans ou de plus de 70 ans, ou bien « titulaire d’un taux d'incapacité permanente ou d'invalidité au moins égal à 80 % » est toujours indemnisée de l’intégralité de son dommage, sous réserve qu’elle n’ait pas cherché à provoquer l’accident (art. 3).

De son côté, la victime non conductrice âgée de 16 à 70 ans pourra être intégralement indemnisée à deux conditions :

– n’avoir pas commis de faute inexcusable ;

– cette faute ne devant pas être la cause exclusive de l’accident (art. 3, al. 1er).

La jurisprudence apprécie strictement la notion de faute inexcusable. Elle l’a défini comme étant « la faute volontaire, d’une exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience » (Civ. 2e, 20 juill. 1987). Cette faute est appréciée in abstracto par les juges du fond (v. infra).

Les victimes les moins privilégiées sont celles qui, au cours de l’accident, conduisaient elles-mêmes un véhicule terrestre à moteur. Au terme de l’article 4 de la loi, elles peuvent se voir imposer une limitation de leur indemnisation, en raison de la faute qu’elles ont commise au volant de leur véhicule. Les juges peuvent également exclure en totalité le droit à l’indemnisation du conducteur dans les cas où la faute du conducteur est  une faute grave, « sans avoir à rechercher si cette faute était la cause exclusive de l’accident » (Civ. 2e, 9 oct. 2003).

C’était le cas en l’espèce, et le requérant invoquait la non-conformité de cette disposition législative avec l’article 1er de la Déclaration des droits de l’homme. Or, selon la deuxième chambre civile de la cour de cassation, cette situation n’a rien d’inégalitaire puisqu’elle « répond à une situation objective particulière dans laquelle se trouvent toutes les victimes conductrices fautives d’accidents de la circulation ». En effet, le législateur a pu considérer que la protection accordée par le véhicule était plus importante que pour le simple piéton, et ainsi établir un régime indemnitaire différent.

C’est déjà ce qu’avait considéré la cour d’appel de Paris dans un arrêt du 4 mars 2002 : « La différence instaurée par les art. 3 et 4 de la loi du 5 juillet 1985 entre les fautes des conducteurs et celles des non-conducteurs se justifie pleinement par le fait que les premiers constituent une catégorie de personnes ayant le contrôle, l'usage et la direction de leurs véhicules dont ils sont par conséquent responsables de la conduite, au contraire des seconds ; elle n'est donc pas discriminatoire » (Paris, 4 mars 2002).

Civ. 2e, 9 sept. 2010, n° 1741 FS-D

 

 

Références

Faute

« Attitude d’une personne qui par négligence, imprudence ou malveillance ne respecte pas ses engagements contractuels ou son devoir de ne causer aucun dommage à autrui. »

Implication (d’un véhicule terrestre à moteur dans un accident de la circulation)

« Notion qui sert de fondement au droit à indemnisation des victimes d’un accident de la circulation (L. no 85-677 du 5 juill. 1985). Pour que le véhicule soit impliqué et, partant, que son conducteur ou gardien soit tenu à réparation, il n’est pas demandé qu’il ait eu une fonction causale ; il suffit que sa présence ait été objectivement nécessaire à la survenance du dommage. Au plan probatoire, la jurisprudence distingue deux situations : ou bien le véhicule, qu’il soit à l’arrêt ou en mouvement, a été heurté et il y a implication; ou bien la victime n’a pas eu de contact avec le véhicule et il lui incombe de prouver l’implication. »

 

Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.

Article 1382 du Code civil

« Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

Loi n°85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation

Article 3

« Les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l'exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l'accident.

Les victimes désignées à l'alinéa précédent, lorsqu'elles sont âgées de moins de seize ans ou de plus de soixante-dix ans, ou lorsque, quel que soit leur âge, elles sont titulaires, au moment de l'accident, d'un titre leur reconnaissant un taux d'incapacité permanente ou d'invalidité au moins égal à 80 p. 100, sont, dans tous les cas, indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis.

Toutefois, dans les cas visés aux deux alinéas précédents, la victime n'est pas indemnisée par l'auteur de l'accident des dommages résultant des atteintes à sa personne lorsqu'elle a volontairement recherché le dommage qu'elle a subi. »

Article 4

« La faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages qu'il a subis. »

Article 1er de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen

« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune. »

Civ. 2e, 20 juill. 1987, Bull. civ. II, n° 160.

Civ. 2e, 9 oct. 2003, Bull. civ. II, n° 291 ; D. 2003. IR. 2550 ; Gaz. Pal. 2004. 1877, note Landel.

Paris, 4 mars 2002, RG no 2000/03243.

Fr. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, Droit civil, Les obligations, 10e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2009, n°929 s.

 

Auteur :B. H.


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