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Droit des obligations
Performance énergétique : conséquences d’une erreur de diagnostic
S’il se révèle inexact ou lacunaire, le diagnostic de performance énergétique (DPE) annexé à la vente d’un immeuble à usage d’habitation engage la seule responsabilité de son auteur, à l’exclusion de celle du propriétaire, et ne donne lieu qu’à la réparation de la perte de chance de l’acheteur d’avoir pu négocier un meilleur prix de vente.
Un couple de particuliers avait vendu à un autre une maison d’habitation. Or une expertise avait révélé que le diagnostic de performance énergétique (DPE) qui leur avait été transmis était erroné. Rappelons qu’ « En cas de vente de tout ou partie d'un immeuble bâti, un dossier de diagnostic technique, fourni par le vendeur, est annexé à la promesse de vente ou, à défaut de promesse, à l'acte authentique de vente » (CCH, art. L. 271-4, I). Ce dossier comprend, notamment, le diagnostic de performance énergétique (CCH, art. L. 134-1).
Les acquéreurs avaient alors assigné le couple de vendeurs, l’auteur du diagnostic et l’assureur de ce dernier en résolution de la vente, sur le fondement de la garantie des vices cachés, ainsi qu’en indemnisation de leurs préjudices.
Les juges du fond ont déclaré le diagnostiqueur responsable de la seule perte de chance d’acquérir le bien à moindre coût. Devant la Cour de cassation, les acheteurs demandaient, au-delà de l’action rédhibitoire en garantie des vices cachés, une indemnisation équivalente au coût des travaux nécessaires pour rendre le bien conforme aux normes énergétiques applicables ; en effet, selon eux, lorsque le diagnostic prévu à l’article L. 271-4, 6°, du Code de la construction et de l’habitation, n’a pas été réalisé conformément aux normes édictées et aux règles de l’art et qu’il se révèle, en outre, erroné, le coût des travaux à réaliser pour y remédier constitue un préjudice certain dont l’auteur du diagnostic doit réparation.
La Cour de cassation était ainsi amenée à déterminer, lorsque l’acheteur s’est vu transmettre un DPE erroné, l’étendue de son préjudice réparable, et à identifier les personnes susceptibles d’engager, à ce titre, leur responsabilité.
Elle rejette leur pourvoi, jugeant le diagnostiqueur comme étant l’unique responsable du préjudice subi, consistant seulement en la perte de chance d’avoir contracté à un meilleur prix. Les juges relèvent en effet que selon l’article L. 271-4, II, 6° du Code précité, le DPE n’a, à la différence des autres documents constituant le dossier de diagnostic technique, qu’une valeur informative. Dès lors, « ayant retenu que (le diagnostiqueur) avait commis une faute dans l’accomplissement de sa mission à l’origine d’une mauvaise appréciation de la qualité énergétique du bien, la cour d’appel en a déduit à bon droit que le préjudice subi par les acquéreurs du fait de cette information erronée ne consistait pas dans le coût de l’isolation, mais en une perte de chance de négocier une réduction du prix de vente ». En revanche, en vertu du même texte, selon lequel « l'acquéreur ne peut se prévaloir à l'encontre du propriétaire des informations contenues dans le diagnostic de performance énergétique qui n'a qu'une valeur informative », la Cour écarte la responsabilité du vendeur, auquel ne peut être imputé cette erreur de diagnostic.
Le diagnostiqueur engage donc seul sa responsabilité à l’égard de l’acheteur (v. déjà Ch. mixte, 8 juill. 2015, n° 13-26.686). Le vendeur ne peut, quant à lui, être tenu pour responsable d’un DPE erroné. Cette conclusion est logique, le vendeur ayant seulement mandaté un professionnel pour effectuer un rapport dont il ne peut, faute de compétence, apprécier la fiabilité ni l’exhaustivité, aucun manquement contractuel ne peut lui être reproché. En vérité, la seule obligation contractuelle du vendeur en cette matière consiste à annexer le dossier de diagnostic technique au contrat de promesse ou à l’acte définitif de vente. En revanche, quoique que l’arrêt ne se prononce pas sur ce point, pourtant soulevé par les demandeurs au pourvoi, le vendeur reste tenu, en cas d’erreur de diagnostic, à la garantie des vices cachés lorsque l’erreur commise par l’expert porte sur un défaut de la chose pouvant revêtir ce qualificatif, à savoir un vice interne au bien vendu, non apparent, antérieur à la vente et compromettant l’usage normalement attendu du bien acquis. La garantie trouvera à s’appliquer lorsque le vendeur, en sa qualité de professionnel, sera présumé avoir eu connaissance du vice ou que les circonstances révéleront qu’il l’a tu sciemment (Civ. 3e, 13 janv. 2010, n° 08-21.677); dans cette hypothèse, l’acheteur peut obtenir la résolution de la vente ou la réduction du prix plus facilement qu’auprès d’un vendeur profane, tel que le couple mis en cause en l’espèce; en sa qualité de particulier ; le vendeur est en effet présumé de bonne foi et peut en outre échapper, contrairement au vendeur professionnel, à la mise en œuvre de cette garantie légale par une clause exonératoire de responsabilité (Civ. 3e, 8 déc. 2016, n° 15-20.497).
En revanche, dès lors que « le diagnostic n’a pas été réalisé conformément aux normes édictées et aux règles de l’art, et qu’il se révèle erroné, (…), la responsabilité du diagnostiqueur se trouve engagée ». Lorsqu’un rapport de diagnostic technique contient des informations erronées ou omet de mentionner certains risques que la loi lui impose de divulguer (par ex. présence de termites ou d’amiante), l’expert manque à son obligation d’information et engage, à ce titre, sa responsabilité, qui est de nature extra-contractuelle, le diagnostiqueur ne pouvant être tenu pour responsable, sur le terrain contractuel, d’une opération de vente à laquelle il n’est pas intervenu directement. En l’espèce, c’est sur le fondement de l’article 1240 nouveau du Code civil que la responsabilité du professionnel a été engagée, en raison de diverses lacunes et erreurs décelées dans son rapport, grevant la performance énergétique du bien. Concernant l’étendue du préjudice indemnisable, si les juges admettent généralement d’indemniser intégralement les dommages, principalement matériels, subis (v. notam., Ch. mixte, 8 juill. 2015, n° 13-26.686, préc. : « les préjudices matériels et de jouissance subis par M. et Mme X... du fait de ce diagnostic erroné avaient un caractère certain » ; Civ. 3e, 21 mai 2014, n° 13-14.891, pour la réparation des coûts de travaux de désamiantage), ils peuvent aussi s’y montrer rétifs, comme en témoigne la décision rapportée limitant, par une appréciation stricte du lien de causalité et de la portée attribuée au DPE, la réparation du préjudice à la perte d’une chance. Suivant ce raisonnement, il n’était pas en l’espèce justifié de faire supporter à l’auteur du DPE, sur un plan indemnitaire, le remboursement du prix de vente du bien et de ses accessoires dès lors que son rapport n’avait qu’une valeur informative, de même que n’étant pas à l’origine des déficiences de l’isolation ni des travaux nécessaires pour y remédier, sa responsabilité ne pouvait être recherchée que dans le cadre de la perte de chance pour les acquéreur de négocier un meilleur prix. La portée de cette solution, rendue en faveur des assureurs hostiles à garantir l’intégralité des risques, demeure toutefois incertaine. En effet, la loi Élan du 23 novembre 2018 (L. n° 2018-1021) a modifié le dernier alinéa de l’article L. 271-4 du Code de la construction et de l’habitation, en sorte qu’à compter du 1er janvier 2021, l'acquéreur ne pourra « se prévaloir à l'encontre du propriétaire des recommandations accompagnant le diagnostic de performance énergétique qui n’ont qu'une valeur informative ». Seules les recommandations insérées dans le DPE se voient donc légalement conférer une « valeur informative », et non l’intégralité du rapport. Au-delà d’une seule perte de chance de négocier une réduction du prix de vente, le principe d’une réparation intégrale envers l’acheteur, en cas de diagnostic erroné, pourrait ainsi peut-être être admis.
Civ. 3e, 21 nov. 2019, n°18-23.251
Références
■ Ch. mixte, 8 juill. 2015, n°13-26.686 P: D. 2015. 2155, note V. Mazeaud ; ibid. 2016. 35, obs. P. Brun et O. Gout ; AJDI 2015. 868, obs. F. Cohet ; RTD civ. 2015. 895, obs. P.-Y. Gautier ; ibid. 2016. 130, obs. P. Jourdain
■ Civ. 3e, 13 janv. 2010, n° 08-21.677 P: D. 2010. 324 ; AJDI 2010. 581, obs. S. Prigent
■ Civ. 3e, 8 déc. 2016, n° 15-20.497: D. 2016. 2567 ; AJDI 2017. 375, obs. F. Cohet
■ Civ. 3e, 21 mai 2014, n° 13-14.891 P: D. 2014. 1201
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