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Droit pénal général
Permis, s’il vous plait !
Mots-clefs : Permis, Principe de légalité, Acte administratif (retrait)
Le retrait d'un acte administratif implique que cet acte est réputé n'avoir jamais existé et prive de base légale la poursuite engagée pour violation de cet acte.
La perte totale de points, sanction administrative mise en œuvre par une autorité administrative, est redoutée par les automobilistes. Il s'agit d'un acte administratif individuel lequel sert de support juridique à l’incrimination prévue à l’article L. 223-5 du Code de la route réprimant la conduite malgré le retrait de la totalité des points. En cette matière, la solution du procès pénal dépendant de l'examen d'un acte administratif, le juge pénal a compétence pour interpréter un tel acte et pour en apprécier la légalité (C. pén., art. 111-5).
Ainsi, la juridiction correctionnelle, saisie de poursuites pour conduite malgré invalidation du permis de conduire en raison de la perte totale des points, est tenue d'apprécier la légalité de l'arrêté préfectoral enjoignant à l'intéressé de restituer son permis, dès lors qu'elle est saisie d'une exception d'illégalité de cet acte administratif et qu'il résulte des propres énonciations de l'arrêt que le solde des points pourrait être positif (Crim. 30 janv. 2008).
Au-delà, l’existence de la décision administrative de retrait total de points conditionne la possibilité de condamner pour conduite sans permis. Ainsi, par de précédentes décisions, la chambre criminelle avait clairement affirmé que l'annulation par la juridiction administrative d'un acte administratif implique que cet acte est réputé n'avoir jamais existé et prive de base légale la poursuite engagée pour violation de cet acte. Dès lors, l'annulation d'un arrêté préfectoral enjoignant à une personne de restituer son permis de conduire en raison de la perte de la totalité des points dont il était affecté a pour conséquence d'enlever toute base légale à la poursuite et à la condamnation qui sont intervenues pour conduite d'un véhicule à moteur malgré l'invalidation du permis de conduire (Crim. 12 mars 2008).
La chambre criminelle étend, dans son arrêt du 4 mars 2014, la solution au retrait de l’acte administratif : toute poursuite reposant sur un acte retiré par l’autorité administrative est également privée de base légale.
En l’espèce, un conducteur avait été condamné à 900 € d’amende pour avoir conduit un véhicule malgré l'invalidation de son permis de conduire résultant de la perte de la totalité des points par la cour d’appel de Toulouse le 6 mars 2013. Le requérant s’est alors prévalu, devant la chambre criminelle, d’un courrier du ministre de l'Intérieur, en date du 19 mars 2013, l’informant de ce que les mentions relatives à plusieurs infractions commises de 2003 à 2007 avaient été rectifiées et qu’ainsi, son permis de conduire initial avait recouvré sa validité. Il invoquait donc la rétroactivité de ce retrait et en conséquence l’absence de base légale de la peine prononcée.
La Cour de cassation valide le raisonnement, affirmant dans un attendu de principe, au visa du principe de légalité criminelle, que « le retrait d'un acte administratif implique que cet acte est réputé n'avoir jamais existé et prive de base légale la poursuite engagée pour violation de cet acte ».
Une telle solution ne peut être qu’approuvée. Le retrait d'un acte administratif par son auteur, est une mesure qui, par définition, a un caractère rétroactif ; il est donc logique qu’elle enraye une condamnation pénale fondée sur l'acte en question.
Crim. 4 mars 2014, n°13-82.078
Références
■ Crim. 30 janv. 2008, n°06-81.027 ; AJ pénal 2008. 187, obs. Roussel ; Dr. pénal 2008. 46, obs. J.-H. Robert.
■ Crim. 12 mars 2008, n°07-84.104 ; AJ pénal 2008. 278, obs. Céré ; Dr. pénal 2008. 64, obs. J.-H. Robert.
■ Article L. 223-5 du Code de la route
« I.-En cas de retrait de la totalité des points, l'intéressé reçoit de l'autorité administrative l'injonction de remettre son permis de conduire au préfet de son département de résidence et perd le droit de conduire un véhicule.
II.-Il ne peut obtenir un nouveau permis de conduire avant l'expiration d'un délai de six mois à compter de la date de remise de son permis au préfet et sous réserve d'être reconnu apte après un examen ou une analyse médical, clinique, biologique et psychotechnique effectué à ses frais. Ce délai est porté à un an lorsqu'un nouveau retrait de la totalité des points intervient dans un délai de cinq ans suivant le précédent.
III.-Le fait de refuser de se soumettre à l'injonction prévue au premier alinéa du présent article est puni de deux ans d'emprisonnement et de 4 500 euros d'amende.
IV.-Toute personne coupable de ce délit encourt également les peines complémentaires suivantes :
1° La suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire, cette suspension pouvant être limitée à la conduite en dehors de l'activité professionnelle ;
2° La peine de travail d'intérêt général selon des modalités prévues à l'article 131-8 du code pénal et selon les conditions prévues aux articles 131-22 à 131-24 du même code et à l'article 20-5 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante ;
3° La peine de jours-amende dans les conditions fixées aux articles 131-5 et 131-25 du code pénal.
4° L'interdiction de conduire certains véhicules terrestres à moteur, y compris ceux pour la conduite desquels le permis de conduire n'est pas exigé, pour une durée de cinq ans au plus ;
5° L'obligation d'accomplir, à ses frais, un stage de sensibilisation à la sécurité routière ;
6° La confiscation du véhicule dont le condamné s'est servi pour commettre l'infraction, s'il en est le propriétaire.
V.-Le fait pour toute personne de conduire un véhicule à moteur pour la conduite duquel le permis est nécessaire, malgré l'injonction qui lui a été faite de remettre son permis de conduire conformément au I, est puni des peines prévues aux III et IV. »
« Les juridictions pénales sont compétentes pour interpréter les actes administratifs, réglementaires ou individuels et pour en apprécier la légalité lorsque, de cet examen, dépend la solution du procès pénal qui leur est soumis. »
■ Sur le principe de légalité criminelle : v. Xavier Pin, Droit pénal général, 5e éd., Dalloz, coll. « Cour », 2012, n°21.
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