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[ 26 février 2010 ] Imprimer

Procédure pénale

Perquisition au domicile d'un avocat étranger : condamnation de la France

Mots-clefs : Perquisition (domicile, avocat), Saisies (objets personnels), Avocat (étranger, ressortissant de l'Union européenne), Protection, Contrôle efficace, Vie privée

Par un arrêt du 21 janvier 2010, la Cour européenne des droits de l'homme condamne la France pour violation de l'article 8 de la Convention, pour une perquisition effectuée au domicile d'un avocat étranger exerçant occasionnellement en France, en dehors des prescriptions de l'article 56-1 du Code de procédure pénale et l'absence de contrôle efficace de la procédure.

Au cours d'une perquisition sur commission rogatoire effectuée dans un château, propriété d'une association, le requérant, présent sur les lieux, avait été requis comme témoin de régularité. Alors que les policiers et les magistrats présents s'apprêtaient à visiter l'une des pièces, le requérant, qui avait indiqué être avocat au barreau de Porto (et présenté une carte de visite professionnelle mentionnant, en langue portugaise, cette qualité), avait fait valoir, pour s'opposer à l'opération, que l'appartement constituait son domicile. Il avait, par ailleurs, indiqué que le bâtonnier de l'Ordre des avocats avait été informé de la situation et qu'il se tenait à la disposition des juges pour assister à la perquisition. En vain, puisque la perquisition eut lieu hors la présence du bâtonnier et que son ordinateur personnel fut saisi. Quelques jours après, le requérant déposa des requêtes en restitution des objets saisis qui furent rejetées. De même, sa requête en annulation fut déclarée irrecevable au motif qu'il n'était ni partie à la procédure ni témoin assisté.

Rappelant que les perquisitions au cabinet ou au domicile d'un avocat doivent faire l'objet de « garanties spéciales de procédure » (CEDH 16 déc. 1992, Niemietz c. Allemagne) et qu'une procédure de « contrôle efficace » (CEDH 6 sept. 1978, Klass et a. c. Allemagne ; 24 août 1998, Lambert c. France ; 29 mars 2005, Matheron c. France) doit, le cas échéant, être prévue, la Cour constate que le requérant a, en l'espèce, été privé des dispositions protectrices de l'article 56-1 du Code de procédure pénale (auxquelles il avait pourtant droit en sa qualité d'avocat ressortissant de la communauté européenne accomplissant son activité professionnelle en France, l'inscription auprès d'un barreau français n'étant pas requise en cas d'exercice occasionnel ; art. 202 décr. n° 91-1197 du 27 nov. 1991 organisant la profession d'avocat) et n'a pas bénéficié d'un contrôle efficace pour contester utilement la perquisition et les saisies opérées. La France est condamnée pour violation de l'article 8 de la Convention (droit au respect de la vie privée).

CEDH 21 janv. 2010

Références

Perquisition

« Recherche policière ou judiciaire des éléments de preuve d’une infraction. Strictement réglementée, elle peut être réalisée au domicile de toute personne ou en tout autre lieu où pourraient se trouver des objets, documents ou données informatiques, dont la découverte serait utile à la manifestation de la vérité. »

Commission rogatoire

Acte par lequel un magistrat délègue ses pouvoirs à un autre magistrat ou à un officier de police judiciaire, pour qu’il exécute à sa place un acte d’instruction.

Bâtonnier

« Chef élu d’un barreau pour une durée de deux ans. Il préside le conseil de l’Ordre des avocats et exerce des fonctions administratives et disciplinaires. »

Source : Lexique des termes juridiques 2010, 17e éd., Dalloz, 2009.

CEDH, 16 déc. 1992, Niemietz c. Allemagne, série A n° 251-B, RTDH 1993.410, chron. Lambert et Rigaux ; F. Sudre, J.-P. Marguénaud, J. Andriantsimbazovina, A. Gouttenoire, M. Levinet, Les grands arrêts de la Cour européenne des Droits de l'Homme, 5e éd., PUF, coll. “Themis”, 2009, n° 44.

CEDH, 6 sept. 1978, Klass et a. c. Allemagne, série A n° 28.

CEDH, 24 août 1998, Lambert c. France, n° 23618/94.

CEDH, 29 mars 2005, Matheron c. France, n° 57752/00, D. 2005. Jur. 1755, note Pradel.

Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme

Article 8 – Droit au respect de la vie privée et familiale

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »

Article 56-1 du Code de procédure pénale

« Les perquisitions dans le cabinet d'un avocat ou à son domicile ne peuvent être effectuées que par un magistrat et en présence du bâtonnier ou de son délégué, à la suite d'une décision écrite et motivée prise par ce magistrat, qui indique la nature de l'infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, les raisons justifiant la perquisition et l'objet de celle-ci. Le contenu de cette décision est porté dès le début de la perquisition à la connaissance du bâtonnier ou de son délégué par le magistrat. Celui-ci et le bâtonnier ou son délégué ont seuls le droit de consulter ou de prendre connaissance des documents ou des objets se trouvant sur les lieux préalablement à leur éventuelle saisie. Aucune saisie ne peut concerner des documents ou des objets relatifs à d'autres infractions que celles mentionnées dans la décision précitée. Les dispositions du présent alinéa sont édictées à peine de nullité.

Le magistrat qui effectue la perquisition veille à ce que les investigations conduites ne portent pas atteinte au libre exercice de la profession d'avocat.

Le bâtonnier ou son délégué peut s'opposer à la saisie d'un document ou d’un objet s'il estime que cette saisie serait irrégulière. Le document ou l’objet doit alors être placé sous scellé fermé. Ces opérations font l'objet d'un procès-verbal mentionnant les objections du bâtonnier ou de son délégué, qui n'est pas joint au dossier de la procédure. Si d'autres documents ou d’autres objets ont été saisis au cours de la perquisition sans soulever de contestation, ce procès-verbal est distinct de celui prévu par l'article 57. Ce procès-verbal ainsi que le document ou l’objet placé sous scellé fermé sont transmis sans délai au juge des libertés et de la détention, avec l'original ou une copie du dossier de la procédure.

Dans les cinq jours de la réception de ces pièces, le juge des libertés et de la détention statue sur la contestation par ordonnance motivée non susceptible de recours.

À cette fin, il entend le magistrat qui a procédé à la perquisition et, le cas échéant, le procureur de la République, ainsi que l'avocat au cabinet ou au domicile duquel elle a été effectuée et le bâtonnier ou son délégué. Il peut ouvrir le scellé en présence de ces personnes.

S'il estime qu'il n'y a pas lieu à saisir le document ou l’objet, le juge des libertés et de la détention ordonne sa restitution immédiate, ainsi que la destruction du procès-verbal des opérations et, le cas échéant, la cancellation de toute référence à ce document, à son contenu ou à cet objet qui figurerait dans le dossier de la procédure.

Dans le cas contraire, il ordonne le versement du scellé et du procès-verbal au dossier de la procédure. Cette décision n'exclut pas la possibilité ultérieure pour les parties de demander la nullité de la saisie devant, selon les cas, la juridiction de jugement ou la chambre de l'instruction.

Les dispositions du présent article sont également applicables aux perquisitions effectuées dans les locaux de l'ordre des avocats ou des caisses de règlement pécuniaire des avocats. Dans ce cas, les attributions confiées au juge des libertés et de la détention sont exercées par le président du tribunal de grande instance qui doit être préalablement avisé de la perquisition. Il en est de même en cas de perquisition au cabinet ou au domicile du bâtonnier. »

Article 202 du décret n° 91-1197 du 27 nov. 1991

« L'activité professionnelle des avocats ressortissants des États membres de la Communauté européenne, des autres États parties à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse établis à titre permanent dans l'un de ces États membres ou parties autre que la France ou en Confédération suisse est exercée dans les conditions ci-après définies. Elle ne peut toutefois s'étendre aux domaines qui relèvent de la compétence exclusive des officiers publics ou ministériels.

Ces avocats font usage, en France, de l'un des titres mentionnés à l'article 201, exprimé dans la ou l'une des langues de l'État où ils sont établis, accompagné du nom de l'organisme professionnel dont ils relèvent ou de celui de la juridiction auprès de laquelle ils sont habilités à exercer en application de la législation de cet État.

Le procureur général près la cour d'appel dans le ressort de laquelle est assurée la prestation de services, le bâtonnier de l'ordre des avocats territorialement compétent, le président et les membres de la juridiction ou de l'organisme juridictionnel ou disciplinaire ou le représentant qualifié de l'autorité publique devant lequel se présente l'avocat peuvent lui demander de justifier de sa qualité. »

 

Auteur :S. L.

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