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[ 29 septembre 2021 ] Imprimer

Procédure pénale

Perquisition : toute partie a qualité pour invoquer l’absence de signature du PV

Il se déduit des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, et préliminaire du Code de procédure pénale que toute partie a qualité pour invoquer la méconnaissance de la formalité prise de l’absence de signature du procès-verbal de perquisition et saisie.

Crim. 7 sept. 2021, n° 21-80.642

Après le signalement par le propriétaire d’un hôtel que l’une des chambres de son établissement servait potentiellement pour le conditionnement de stupéfiants, des opérations de surveillance furent réalisées, qui permirent l’interpellation de trois suspects qui sortaient d’un véhicule dans lequel furent retrouvés des sachets de cannabis. Un quatrième individu, également présent, parvint cependant à prendre la fuite. Une perquisition fut réalisée dans la chambre d’hôtel en présence de l’un des suspects interpellés, au cours de laquelle du cannabis et de l’argent furent saisis. Les investigations établirent que la chambre avait été louée par l’homme qui avait pris la fuite lors de l’interpellation. 

Le 2 décembre 2019, une information judiciaire pour infractions à la législation sur les stupéfiants fut ouverte. Les trois suspects appréhendés furent mis en examen. Le quatrième homme fut arrêté le 7 juillet 2020 et mis à son tour en examen du même chef. Le 17 septembre, il saisit la chambre de l’instruction d’une requête en nullité de la perquisition au motif que le suspect en présence duquel l’opération avait été réalisée n’avait pas signé le procès-verbal de transport et de perquisition. Se posait la question de savoir s’il avait bien qualité pour soulever cette nullité. 

La chambre de l’instruction répondit par la négative, expliquant que le requérant ayant fait le choix de fuir, il ne pouvait se prévaloir de l’absence de signature de son complice présumé, étant relevé qu’aucun des mis en cause n’avait spécialement revendiqué avoir un droit sur la chambre d’hôtel (qui avait été payée avec la carte bancaire de la compagne d’un des co-mis en examen) et que chacun des occupants était légitime à s’assurer de la régularité des opérations de perquisition en y assistant. 

La chambre criminelle, revenant en partie sur sa jurisprudence, invalide ce raisonnement et juge que l’intéressé avait bien qualité à agir. 

Pour se faire, elle commence par rappeler l’alpha et l’omega du régime des nullités des articles 171 et 802 du Code de procédure pénale - dont il résulte que « l'inobservation des formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité doit entraîner la nullité de la procédure, lorsqu'il en est résulté une atteinte aux intérêts de la partie concernée » (§ 11), puis le modus operandi à suivre pour la chambre de l’instruction : « Hors les cas de nullité d’ordre public, qui touchent à la bonne administration de la justice, la chambre de l’instruction, saisie d’une requête en nullité, doit successivement d’abord rechercher si le requérant a intérêt à demander l’annulation de l’acte, puis, s’il a qualité pour la demander et, enfin, si l’irrégularité alléguée lui a causé un grief » (§ 13). L’intérêt à agir correspond à l’intérêt d’une partie à obtenir l’annulation de l’acte, mais sa qualité à agir ne sera retenue si la formalité dont la méconnaissance est alléguée protège un droit ou un intérêt qui lui est propre. Enfin, le grief est caractérisé lorsque l’irrégularité a occasionné un préjudice, qui ne peut résulter de la seule mise en cause par l’acte critiqué. 

En l’espèce, la formalité en cause était celle prévue par l’article 57, alinéa 3, du Code de procédure pénale qui dispose que le procès-verbal des opérations de perquisition « est signé par les personnes visées » à l’article 57, c’est-à-dire la personne au domicile de laquelle la perquisition a lieu (ou le représentant de son choix ou, à défaut, deux témoins requis par l’officier de police judiciaire), cette formalité ayant « pour objet d'authentifier la présence effective sur les lieux des objets découverts et saisis au cours de la perquisition » (§ 19). 

Par la suite, la chambre criminelle confronte la portée de sa propre jurisprudence aux exigences de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et de l’article préliminaire du Code de procédure pénale. D’un côté, la jurisprudence de la Cour de cassation restreint la faculté d’invoquer la méconnaissance des formalités substantielles régissant les perquisitions et les saisies au seul titulaire d’un droit sur le local dans lequel elles ont été effectuées (citée par elle, Crim. 6 févr. 2018, n° 17-84.380 ; V. déjà Crim. 14 oct. 2015, n° 15-81.765; Crim. 9 mai 2018, n° 17-86.558). De l’autre, le droit à un procès équitable au sens large implique de pouvoir remettre en question l’authenticité des éléments de preuve et de s’opposer à leur utilisation (V. not. cité par la Cour de cassation, CEDH 10 mars 2009, Bykov c/ Russie, n° 4378/02, § 90, dans lequel la CEDH énonce que « Pour déterminer si la procédure dans son ensemble a été équitable, il faut aussi se demander si les droits de la défense ont été respectés. Il faut rechercher notamment si le requérant s'est vu offrir la possibilité de remettre en question l'authenticité de l'élément de preuve et de s'opposer à son utilisation. Il faut prendre également en compte la qualité de l'élément de preuve, y compris le point de savoir si les circonstances dans lesquelles il a été recueilli font douter de sa fiabilité ou de son exactitude »). 

Pour la chambre criminelle, il en résulte que « [s]a jurisprudence […] ne peut être maintenue en cas de violation d’une formalité substantielle dont l'objet est de garantir le caractère contradictoire du déroulement des opérations de perquisition ainsi que la présence effective sur les lieux des objets découverts et saisis » (§ 22). Elle retient en conséquence que « toute partie a qualité pour invoquer la méconnaissance de la formalité prise de l’absence de signature du procès-verbal de perquisition et saisie » (§ 23). Le demandeur au pourvoi avait donc bien qualité pour agir en nullité du procès-verbal de perquisition en tant que partie à la procédure démontrant une atteinte au droit protégé par la formalité violée (ici, le droit à une procédure équitable et contradictoire, impliquant le droit de contester les éléments de preuve recueillis par les autorités), et la chambre de l’instruction ne pouvait lui opposer l’absence de contestation de son complice présumé sur la présence dans la chambre des produits stupéfiants.

Références :

■ Crim. 6 févr. 2018, n° 17-84.380 P: D. actu. 22 févr. 2018, obs. D. Goetz ; AJ pénal 2018. 204, obs. Y. Capdepon ; Gaz. Pal. 2018, no 16, p. 63, obs. F. Fourment

■ Crim. 14 oct. 2015, n° 15-81.765 P: DAE 10 nov. 2015; D. actu. 27 oct. 2015, obs. S Fucini ; AJ pénal 2016. 154, obs. J. Gallois ; RSC 2015. 900, obs. F. Cordier

■ Crim. 9 mai 2018, n° 17-86.558: S. Fucini, « Nullités de procédure : état des lieux de la jurisprudence de la Chambre criminelle », AJ pénal 2018. 359

■ CEDH, gr. ch., 10 mars 2009, Bykov c/ Russie, n° 4378/02 § 90: RTDH 2010. 383, obs. L. Kennes

 

Auteur :Sabrina Lavric

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