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Procédure pénale
Perquisitions sans l’assentiment de la personne concernée : QPC non renvoyée
La chambre criminelle a refusé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur l’article 76, alinéa 4 du Code de procédure pénale, qui donne compétence au juge des libertés et de la détention (JLD) pour décider d’une perquisition sans l’assentiment de la personne concernée.
L’article 76 du Code de procédure pénale prévoit que dans le cadre d’une enquête préliminaire « Les perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction ou de biens dont la confiscation est prévue à l'article 131-21 du code pénal ne peuvent être effectuées sans l'assentiment exprès de la personne chez laquelle l'opération a lieu » (al. 1er).
Ce principe, destiné à garantir l’inviolabilité du domicile et le droit de propriété, n’est pas applicable dans le cadre de l’enquête de flagrance qui est coercitive par nature (V. par ex. E. Verny, Procédure pénale, Cours Dalloz, 6e éd., 2018, nos 105 s.). Et il connaît une exception dans le cadre de l’enquête préliminaire, introduite par la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001, puis étendue par la loi no 2004-204 du 9 mars 2004 et la loi n° 2005-1549 du 12 déc. 2005, prévue à l’alinéa 4 de l’article 76 qui dispose « Si les nécessités de l'enquête relative à un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement d'une durée égale ou supérieure à trois ans [seuil récemment modifié par la L. no 2019-222 du 23 mars 2019] l'exigent ou si la recherche de biens dont la confiscation est prévue à l'article 131-21 du code pénal le justifie, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance peut, à la requête du procureur de la République, décider, par une décision écrite et motivée, que les opérations prévues au présent article seront effectuées sans l'assentiment de la personne chez qui elles ont lieu ». Le texte impose alors, à peine de nullité, que la décision du JLD, motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant la nécessité des opérations (exigence qui « constitue une garantie essentielle contre le risque d'une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de la personne concernée et doit permettre au justiciable de connaître les raisons précises pour lesquelles ces opérations ont été autorisées », V. Crim. 23 nov. 2016, no 15-83.649), précise « la qualification de l'infraction dont la preuve est recherchée ainsi que l'adresse des lieux dans lesquels ces opérations peuvent être effectuées ». Point de mention d’un délai de réalisation, et c’est cette prétendue lacune de la loi que le prévenu, poursuivi pour blanchiment et travail dissimulé, entendait dénoncer par le biais d’une QPC transmise par le tribunal correctionnel de Fort-de-France à la chambre criminelle.
Interrogée sur la conformité à l’article 16 de la Déclaration de 1789 (qui proclame la « garantie des droits » auxquels sont notamment rattachés les droits de la défense) de l’absence de mention d’un délai dans lequel doivent se dérouler les opérations, la chambre criminelle juge que la question posée ne revêt pas de caractère sérieux. Pour se faire, elle relève que le texte en cause impose au JLD de « motiver sa décision de façon concrète au regard des éléments de fait et de droit et [de] justifier de la nécessité et de la proportionnalité des mesures autorisées », et qu’il prévoit que les opérations sont menées sous le contrôle de ce magistrat, lequel peut se déplacer sur les lieux pour veiller au respect de la loi. La chambre criminelle estime que le JLD tire de ce contrôle effectif que lui confère la loi le pouvoir de fixer un délai de réalisation des opérations autorisées. Et elle rappelle que la personne concernée peut toujours, le cas échéant, contester le bien-fondé d’opérations qui auraient été menées tardivement, à un moment où « elles n’étaient plus nécessaires à la recherche et à la constatation des infractions en cause », par le biais d’une requête en annulation.
La motivation de la chambre criminelle emprunte autant à la lettre de l’article préliminaire du Code de procédure pénale qu’à sa propre jurisprudence. Ainsi, les dispositions litigieuses semblent conformes à l’article préliminaire III du Code de procédure pénale qui dispose que « Les mesures de contraintes dont la personne suspectée ou poursuivie peut faire l'objet sont prises sur décision ou sous le contrôle effectif de l'autorité judiciaire » (en adéquation avec les exigences du Conseil constitutionnel relatives à la garantie judiciaire ; V. J. Buisson, Rép. pén. Dalloz, vo Enquête préliminaire, no 154) et « doivent être strictement limitées aux nécessités de la procédure [et] proportionnées à la gravité de l'infraction reprochée » (conformément aux principes constitutionnels et conventionnels de nécessité et de proportionnalité ; V. Rép. pén. préc., no 151). En outre, la chambre criminelle avait déjà validé des perquisitions qui s’étaient déroulées six mois après que le JLD les avait autorisées, dès lors qu’il n’était pas établi ni même allégué que les opérations de perquisition sans l'assentiment de la personne chez qui elles avaient eu lieu n'étaient plus nécessaires au moment de leur réalisation (Crim. 16 mai 2018, no 17-84.909). Ainsi, l’absence de mention d’un délai entre la décision du JLD et la mise en œuvre des mesures qu’elle énumère n’est donc pas, en soi, contraire aux droits et libertés constitutionnellement garantis dès lors qu’un délai trop long peut toujours être sanctionné par le biais de la théorie des nullités.
Crim. 9 avr. 2019, n° 19-90.010
Références
■ Crim. 23 nov. 2016, no 15-83.649 P: Dalloz actualité, 23 déc. 2016, obs. C. Fonteix ; AJ pénal 2017. 43, note J.-B. Thierry ; JCP 2017, éd. G, II, 82, note J. Pradel
■ Crim. 16 mai 2018, no 17-84.909 P: D. 2018. 1080
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