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Procédure pénale
Perquisitions, visites, et autres constatations…
Mots-clefs : Perquisitions, Visites, Juridiction interrégionale spécialisée (déssaisissement)
Les faits du présent arrêt auraient pu être un excellent cas pratique relatif aux règles régissant les perquisitions soumis à la sagacité des étudiants.
Lors de l’exécution de l’expulsion hors de leur domicile d’un couple, ont été découverts des produits stupéfiants, des armes, des espèces et divers objets. Une enquête de flagrance a été ouverte par le parquet, lequel a désigné un service de police qui a procédé à une perquisition et à des saisies en l’absence des occupants. Cette mesure a permis de découvrir et saisir des documents permettant d’identifier un troisième individu et de porter les soupçons à son encontre. Les personnes expulsées ont été mises hors de cause. Au cours de l’enquête, de nouvelles investigations ont été effectuées dans un box pour voiture loué par ce dernier sous une fausse identité, et dans les parties communes du parking souterrain d’une résidence privée. Plus tard, cet individu et deux autres personnes étaient interpellés alors qu’ils transportaient des produits stupéfiants et, par la suite, mis en examen dans une information ouverte notamment des chefs de détention d'armes et de munitions, importation de produits stupéfiants en bande organisée, infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs.
Les mis en examen invoquaient d’abord, la nullité de la perquisition et des saisies effectuées au domicile du couple expulsé, aux motifs, d’une part, de l’absence de signature du procès-verbal de perquisition par les témoins requis, d’autre part, de l’irrégularité de l’inventaire de l’argent saisi. Ces premiers moyens sont déclarés irrecevables par la chambre criminelle « en ce qu’ils visent des opérations effectuées dans un local sur lequel les demandeurs ne peuvent se prévaloir d’aucun droit ». Autrement dit, la méconnaissance des formalités substantielles en matière de perquisitions ne peut être invoquée que par la partie concernée, c’est à dire par la personne ayant des droits sur ce lieu. Une telle solution n’est pas nouvelle (Crim. 6 mars 2013, n° 12-87.810). L'intérêt à agir invoqué pour restreindre l'étendue du droit au recours aux seules personnes visées par la procédure initiale est sujet à discussion et n’a pas toujours prévalu. Dans un arrêt en date du 6 septembre 2006, la Cour de cassation avait ainsi considéré que le requérant pouvait invoquer l'irrégularité d'un acte de la procédure concernant un tiers si cet acte, illégalement accompli, a porté atteinte à ses intérêts (Crim. 6 sept. 2006, n° 06-84.869).
Les demandeurs au pourvoi soulevaient ensuite l'exception de nullité des investigations effectuées par la police, de nuit, dans le parking souterrain d'une résidence privée, prise notamment de la violation de l'article 59 du Code de procédure pénale lequel prévoit que « … les perquisitions et les visites domiciliaires ne peuvent être commencées avant 6 heures et après 21 heures ». La chambre criminelle, rejette l’argument rappelant d’abord que de simples constatations visuelles ne constituent pas une perquisition et échappent donc aux règles relatives à ces dernières. Elle reprend ensuite la motivation de la cour d’appel qui, pour rejeter l'exception de nullité, énonçait que les policiers étaient autorisés, de manière permanente, par une décision de l'assemblée générale des copropriétaires, à pénétrer en ce lieu. En effet, si les parties communes d’un immeuble sont considérées comme un lieu privé (Crim. 2 mai 2009, n° 09-82.115) dans lequel les policiers ne peuvent librement s’introduire, il en va autrement si l’autorisation d’une personne titulaire d’un droit d’accès à cette partie commune leur a été donnée (Crim. 23 oct. 2013, n° 13-82.762).
Il était encore invoqué la nullité de la perquisition effectuée, l’absence de l’un des suspects, à l’intérieur du box pour voiture dont il était locataire, en faisant valoir que les témoins n’avaient pas signé le procès-verbal des opérations. Rappelons qu’en matière de perquisitions réalisées dans le cadre d’une enquête de flagrance, l’article 57 du Code de procédure pénale dispose qu’en cas d’impossibilité de réaliser l’opération en présence de la personne, l'officier de police judiciaire choisit deux témoins requis à cet effet et ceux-ci doivent signer le procès-verbal. L’article 59 du Code de procédure pénale prévoit en outre que ces formalités sont prescrites à peine de nullité. La chambre criminelle censure ici la cour d’appel qui avait cru pouvoir retenir à tort que faute pour la défense d’apporter des éléments de preuve contraires aux mentions du procès-verbal relatives à la présence des témoins, l’absence de signature de ces derniers ne fait pas grief. Comme le rappelle la Cour de cassation, en l’absence de signature des témoins requis, le titulaire de droits sur le local, n’est pas en mesure de s’assurer de la régularité des opérations.
Enfin, un dernier moyen de cassation était tiré de la nullité des actes pris par la juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) en violation des règles de compétence. Par ordonnance du 7 avril 2014, le juge d’instruction localement compétent s’était dessaisi, en application de l’article 706-77 du Code de procédure pénale, au profit JIRS de Paris, ordonnance notifiée le même jour aux parties. Le lendemain, le procureur de la République de Paris a, d’une part, requis la désignation de juges d'instruction relevant de la juridiction interrégionale spécialisée, d’autre part, pris des réquisitions supplétives du chef, notamment, d’importation de produits stupéfiants en bande organisée. Les magistrats instructeurs ont été désignés par ordonnance le surlendemain.
Au terme d’un attendu de principe reprenant les termes de l’article 706-77 du Code de procédure pénale, la chambre criminelle censure la cour d’appel et rappelle que « l’ordonnance de dessaisissement du juge d’instruction au profit de la juridiction interrégionale spécialisée ne prend effet, en l'absence de recours des parties, qu'à l'expiration d'un délai de cinq jours suivant la notification qui leur est faite ». Dès lors, avant l’écoulement de ce délai, le magistrat d’instruction local demeure seul légalement saisi de l'information.
Crim. 14 octobre 2015, n° 15-81.765
Références
■ Code de procédure pénale
■ Crim. 6 mars 2013, n° 12-87.810, D. 2013. 1993, obs. J. Pradel ; AJ pénal 2013. 349, obs. J. Pronier.
■ Crim. 6 sept. 2006, n° 06-84.869, D. 2006. 2483 ; ibid. 2007. 973, obs. J. Pradel ; AJ pénal 2006. 509, obs. C. Girault
■ Crim. 2 mai 2009, n° 09-82.115, Bull. crim. n° 108 ; D. 2009. 1697, obs. C. Girault ; ibid. 2238, obs. J. Pradel ; AJDI 2010. 228, obs. G. Roujou de Boubée ; AJ pénal 2009. 367, obs. L. Ascenci ; RSC 2009. 595, obs. Y. Mayaud.
■ Crim. 23 oct. 2013, n° 13-82.762, Dalloz actualité, 15 nov. 2013, obs. M. Bombled.
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