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Procédure civile
Persistance du refus de l’action de groupe en droit français
Mots-clefs : Action de groupe, Qualité pour agir, Class action, Préjudice, Consommation, Association, Appel public
Une association de consommateurs est déboutée de son action à l’encontre d’un opérateur téléphonique, la prohibition des actions de groupe en droit français ne permettant pas à l’association de faire un appel public en vue de provoquer une action en justice au nom des consommateurs lésés.
Le concept de class action (action de groupe) est tiré du droit américain. Il permet, par l’intermédiaire d’un appel au public, de regrouper les demandes de plusieurs personnes ayant subi un préjudice causé par un seul et même trouble (objet défectueux, action humaine, etc.).
En droit français, il se heurte principalement à deux obstacles :
– l’obligation de posséder la qualité pour agir, qui empêche une personne d’agir en justice pour réparer le préjudice d’autrui en même temps que son préjudice personnel, sans que cette autre personne n’ait donné son accord ;
– l’interdiction, pour les avocats, de procéder à des opérations de publicités, qui sont le corollaire de la class action (nécessité d’informer les victimes potentielles de l’existence de la class action).
Les partisans de l’action de groupe mettent en avant la nécessité de pallier la réticence de certaines victimes à engager une action en justice lorsque le rapport coût de l’action en justice dépasse le montant du préjudice, et le gain d’efficacité qu’il y aurait à en tirer pour la justice, qui pourrait ainsi traiter globalement plusieurs affaires ayant le même fait générateur (sur le débat, v. S. Guinchard, « Vers une class action à la française ? »).
En l’espèce, l’association UFC Que choisir, sur le fondement d’une décision de l’Autorité de la concurrence condamnant les opérateurs téléphoniques pour entente illicite sur les tarifs des communications, avait recherché l’indemnisation des clients de la société Bouygues telecom. À cette fin, elle avait mis en place un calculateur de préjudice sur son site Internet, et avait procédé à des actions de démarchage et d’appel au public via son site.
Selon les juges du fond, cet appel public était en contradiction avec les dispositions de l’article L. 422-1 du Code de la consommation. En effet, si cet article permet l’action d’une association de consommateurs dûment mandatée par les victimes d’un préjudice, il prohibe sa constitution « par voie d'appel public télévisé ou radiophonique, [ou] par voie d'affichage, de tract ou de lettre personnalisée ».
Ainsi, l’association n’avait pas pris le relais des demandes de consommateurs, mais elle avait devancé leurs actions, ce qui la privait de qualité pour agir, n’étant pas victime de ces agissements anticoncurrentiels. Dès lors, la première chambre civile rejette le pourvoi de l’UFC Que choisir.
Signalons que le projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs présenté par le gouvernement le 1er juin 2011 ne prévoit pas la mise en place d’une action de groupe, malgré les débats parlementaires en ce sens (v. proposition de loi tendant à la création d’une action de groupe, déposée au Sénat le 22 déc. 2010) et la pression du droit européen.
Civ. 1re, 26 mai 2011, n° 10-15.676, F-P+B+I
Références
« Action visant à la réparation d’un préjudice collectif, celui subi par les consommateurs du fait de l’inexécution ou de la mauvaise exécution d’obligations contractuelles de la part du même professionnel, à l’occasion d’un même type de contrat relatif à une vente de produits ou une prestation de service.
L’objectif est de faciliter l’action du consommateur victime d’un préjudice personnel peu élevé, qui hésiterait pour ce motif à demander réparation.
L’action de groupe qu’une doctrine propose d’appeler action en déclaration de responsabilité pour préjudice de masse est à l’état de projet. Elle est connue dans le monde anglo-saxon, avec un schéma procédural différent, sous l’expression class action. »
« Action collective ayant pour objet ou pour effet de fausser ou d’entraver le jeu de la concurrence, formalisée dans un accord ou résultant seulement d’une pratique concertée. Les ententes sont en principe interdites en droit interne et communautaire. Toutefois certaines d’entre elles peuvent être justifiées notamment en démontrant la contribution qu’elles apportent au progrès économique. »
« En règle générale, le pouvoir d’agir en justice n’ayant pas été réservé par la loi à certaines personnes, appartient à tout intéressé, c’est-à-dire à tous ceux qui peuvent justifier d’un intérêt direct et personnel à la reconnaissance du bien-fondé de leur prétention. La qualité se confond alors avec l’intérêt.
Au contraire, lorsque la loi a attribué le monopole de l’action à certains, seules les personnes qu’elle désigne ont qualité pour agir. Ainsi la recherche de paternité ou de maternité est réservée à l’enfant, et, pendant sa minorité, elle ne peut être exercée que par le parent à l’égard duquel la filiation est établie ; toute autre personne, y aurait-elle intérêt, serait sans droit pour l’introduire. »
Source : Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.
Article L. 421-1
« Les associations régulièrement déclarées ayant pour objet statutaire explicite la défense des intérêts des consommateurs peuvent, si elles ont été agréées à cette fin, exercer les droits reconnus à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs.
Les organisations définies à l'article L. 211-2 du code de l'action sociale et des familles sont dispensées de l'agrément pour agir en justice dans les conditions prévues au présent article. »
Article L. 421-7
« Les associations mentionnées à l'article L. 421-1 peuvent intervenir devant les juridictions civiles et demander notamment l'application des mesures prévues à l'article L. 421-2, lorsque la demande initiale a pour objet la réparation d'un préjudice subi par un ou plusieurs consommateurs à raison de faits non constitutifs d'une infraction pénale. »
Article L. 422-1
« Lorsque plusieurs consommateurs, personnes physiques, identifiés ont subi des préjudices individuels qui ont été causés par le fait d'un même professionnel, et qui ont une origine commune, toute association agréée et reconnue représentative sur le plan national en application des dispositions du titre Ier peut, si elle a été mandatée par au moins deux des consommateurs concernés, agir en réparation devant toute juridiction au nom de ces consommateurs.
Le mandat ne peut être sollicité par voie d'appel public télévisé ou radiophonique, ni par voie d'affichage, de tract ou de lettre personnalisée. Il doit être donné par écrit par chaque consommateur. »
■ Guinchard S., « Vers une class action à la française ? », D. 2005. 2180.
■ Commission européenne, Consultation publique sur les recours collectifs, 4 févr. 2011/30 avr. 2011.
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