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Droit des successions et des libéralités
Perte de l'original d'un testament : pas de cas fortuit
Mots-clefs : Testament (perte, preuve), Force majeure, Cas fortuit (non), Preuve (littérale, production impossible)
L'impossibilité de produire l'original d'un testament olographe résultant de la perte du document par l'avocat de la prétendue légataire ne constitue pas un cas fortuit autorisant celui qui s'en prévaut à rapporter par tous moyens la preuve de son existence et de son contenu.
Par l'arrêt du 12 novembre 2009, la première chambre civile rappelle que la mise en œuvre de l'exception probatoire de l'article 1348, alinéa 1er, du Code civil dépend de la caractérisation d'un cas fortuit ou d'une force majeure. En l'espèce, une personne décédée en 2001 sans laisser d'héritier réservataire avait, en l'état d'un testament olographe daté de 1993 et déposé chez un notaire, institué légataire universel une fondation. En 2004, cette dernière signa une promesse de vente d'un pavillon figurant à l'actif de la succession. Faisant état de l'existence d'un testament olographe, daté de 1999 et l'instituant légataire de l'immeuble, une voisine de la défunte fit assigner la fondation en délivrance du legs.
Se posait le problème de la preuve de l'existence de ce second testament, la prétendue légataire se trouvant dans l'impossibilité de produire l'acte, laissé par son avocat à son ancien cabinet lors d'un changement de barreau. La cour d'appel considéra qu'il s'agissait d'un cas fortuit au sens de l'article 1348, alinéa 1er, du Code civil, qui prévoit une dérogation à l'obligation de preuve littérale des actes juridiques mentionnée à l'article 1341. Prenant soin, pour appliquer l'article 1348, alinéa 2, de constater que l'original du testament n'avait pas pu être repris par la testatrice, l'avocat ayant certifié l'avoir eu en sa possession après son décès, elle admit, sur la base de cette attestation et d'une copie certifiée conforme en mairie de 1999, que la preuve du legs était rapportée.
Cette décision est cassée au visa de l'article 1348, alinéa 1er, la première chambre civile estimant que « les motifs pour lesquels l'original du testament ne pouvait être représenté n'étaient pas constitutifs d'un cas fortuit ou d'une force majeure ». Cette solution s'inscrit dans une jurisprudence rigoureuse qui considère que la perte doit être fortuite et indépendante de la volonté du rédacteur (Civ. 1re, 13 déc. 2005) et qu'il incombe à celui qui se prévaut de la copie d'un testament de prouver que celle-ci constitue une reproduction fidèle et durable de l'original ayant existé jusqu'au décès du testateur (Civ. 1re, 22 oct. 2008).
Civ. 1re 12 nov. 2009
Références
■ Cas fortuit
« Au sens large, synonyme de force majeure.
Dans un sens étroit et discuté, impossibilité d’exécuter une obligation tenant à des causes internes (vice du matériel par exemple). »
■ Force majeure
« Au sens large, tout événement imprévisible et insurmontable empêchant le débiteur d’exécuter son obligation; la force majeure est exonératoire.
Au sens étroit, la force majeure s’oppose au cas fortuit ; elle est un événement d’origine externe, en ce sens que le fait doit être absolument étranger à la personne du débiteur (force de la nature, fait du prince, fait d’un tiers).
La Cour de cassation n’exige plus la condition d’extériorité; elle admet qu’il y a force majeure lorsque le débiteur a été empêché d’exécuter par la maladie, dès lors que cet événement présentait un caractère imprévisible lors de la conclusion du contrat et était irrésistible dans son exécution. (…) »
■ Légataire
« Bénéficiaire d’un legs. »
■ Legs
« Libéralité contenue dans un testament et qui ne prend effet qu’à la mort de son auteur.
• Legs particulier : legs qui porte sur un ou plusieurs biens déterminés ou déterminables.
• Legs “ de residuo ” : legs fait à une personne à charge pour elle de remettre, à son décès, ce dont elle n’aura pas disposé à telle personne désignée par le testateur. À la différence de la substitution fidéicommissaire (devenue libéralité graduelle), le legs “ de residuo ” ne comporte pas l’obligation pour le gratifié de conserver le bien.
• Legs à titre universel : legs qui porte sur une quote-part des biens laissés par le testateur à son décès.
• Legs universel : legs qui donne au bénéficiaire vocation à recueillir l’ensemble de la succession. »
■ Testament
« Acte juridique unilatéral par lequel une personne, le testateur, exprime ses dernières volontés et dispose de ses biens pour le temps qui suivra sa mort.
• Le testament authentique est celui qui est reçu par deux notaires ou un notaire et deux témoins. (…)
• Le testament mystique ou secret est celui qui est écrit par le testateur ou un tiers, signé par le testateur, présenté clos et scellé à un notaire qui dresse un acte de suscription en présence de deux témoins. (…)
• Le testament olographe est celui qui est entièrement écrit, daté et signé de la main du testateur. (…)
• Il existe aussi un testament dit international réglementé par la loi matérielle uniforme annexée à la Convention de Washington du 28 octobre 1973.
• Le testament est dit conjonctif ou conjoint lorsque deux ou plusieurs personnes testent dans le même acte, au profit d’un tiers ou réciproquement les unes au profit des autres. Cette forme est prohibée par la loi. (…) »
■ Code civil
Article 1341
« Il doit être passé acte devant notaires ou sous signatures privées de toutes choses excédant une somme ou une valeur fixée par décret, même pour dépôts volontaires, et il n'est reçu aucune preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes, ni sur ce qui serait allégué avoir été dit avant, lors ou depuis les actes, encore qu'il s'agisse d'une somme ou valeur moindre.
Le tout sans préjudice de ce qui est prescrit dans les lois relatives au commerce. »
Article 1348
« Les règles ci-dessus reçoivent encore exception lorsque l'obligation est née d'un quasi-contrat, d'un délit ou d'un quasi-délit, ou lorsque l'une des parties, soit n'a pas eu la possibilité matérielle ou morale de se procurer une preuve littérale de l'acte juridique, soit a perdu le titre qui lui servait de preuve littérale, par suite d'un cas fortuit ou d'une force majeure.
Elles reçoivent aussi exception lorsqu'une partie ou le dépositaire n'a pas conservé le titre original et présente une copie qui en est la reproduction non seulement fidèle mais aussi durable. Est réputée durable toute reproduction indélébile de l'original qui entraîne une modification irréversible du support. »
Source : Lexique des termes juridiques 2010, 17e éd., Dalloz, 2009.
■ Civ. 1re, 13 déc. 2005, D. 2006. AJ. 102 ; AJ fam. 2006. 73, obs. Bicheron ; Dr. fam. 2006, com. n° 73, obs. Binet.
■ Civ. 1re, 22 oct. 2008, LPA 16 avr. 2009, note Delavaquerie ; Dalloz jurisprudence, pourvoi n° 07-18.732.
■ Rép. civ. Dalloz, V° « Preuve », par J.-L. Mouralis, nos 1364 s.
■ F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Droit civil – Les obligations, 2009, Dalloz, coll. « Précis », 10e éd., n° 158.
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