Actualité > À la une
À la une
Droit des personnes
Perte de nationalité par désuétude : précision sur les conditions d’application au mineur
La désuétude de l’article 30-3 du Code civil ne peut être opposée à un enfant mineur au jour de l’introduction de l’action déclaratoire si elle ne l’a pas été à leur auteur.
Civ. 1re, 27 nov.2024, n° 23-19.405
L’arrêt sélectionné renforce la portée d’une solution adoptée par la même première chambre civile dans un arrêt du 29 juin 2022, dans lequel elle avait jugé que la désuétude de l’article 30-3 du Code civil ne peut être opposée à des enfants mineurs si elle ne l’est pas à leur auteur (Civ.1re, 29 juin 2022, n° 21-50.032). Rappelons à titre liminaire les termes de l’article 30-3, qui fonde la procédure de perte de la nationalité par désuétude : « Lorsqu'un individu réside ou a résidé habituellement à l'étranger, où les ascendants dont il tient par filiation la nationalité sont demeurés fixés pendant plus d'un demi-siècle, cet individu ne sera pas admis à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française si lui-même et celui de ses père et mère qui a été susceptible de la lui transmettre n'ont pas eu la possession d'état de Français ». Cet article interdit de rapporter autrement que par la possession d’état la preuve de la transmission de la nationalité par filiation une fois le délai de cinquante ans après l’entrée en vigueur de l’indépendance d’un ancien territoire écoulé. Dans l’arrêt précité de 2022, la Cour de cassation avait toutefois précisé que la perte de nationalité par désuétude ne peut être opposée à des enfants mineurs au jour de l’introduction de l’action déclaratoire de nationalité si elle n’a pas été préalablement opposée au parent lui ayant transmis la nationalité par filiation. La question était ici de savoir si la solution dégagée en 2022 s’étendait à l’action déclaratoire de nationalité engagée au nom d’un enfant mineur par ses représentants légaux, sans que ces derniers n’agissent pour eux-mêmes. La Cour de cassation y répond par l’affirmative, renforçant en faveur des mineurs la portée de la solution antérieurement dégagée : dans ce cas, la désuétude de l’article 30-3 du Code civil ne peut être opposée à des enfants mineurs au jour de l’action déclaratoire de nationalité introduite par ses représentants légaux si elle ne l’a pas été à leur auteur.
Au cas d’espèce, un mineur né le 17 septembre 2005 en Algérie avait été débouté de l’action déclaratoire de nationalité introduite en son nom par ses représentant légaux à la suite d’un refus de délivrance de certificat de nationalité, motif pris qu’en application de l’article 30-3 du Code civil, il n’était pas admis à prouver qu’il avait la nationalité française par filiation et qu’il était réputé avoir perdu cette nationalité le 4 juillet 2012, soit au lendemain du 50e anniversaire de l’indépendance de l’Algérie. Son père, dont il tient par filiation la nationalité, avait pourtant été reconnu Français, en raison de sa filiation maternelle, par un jugement définitif en date du 15 mai 2014, ce qui avait été retranscrit sur l’acte de naissance du mineur, qui s’était également vu délivrer un passeport français. Les juges du fond considéraient néanmoins que les appelants ne produisaient pas d’éléments suffisants à établir la possession d’état de Français de leur enfant, la transcription dans les registres français de l’état civil de son acte de naissance et la délivrance de son passeport étant en outre postérieures au 4 juillet 2012 (en ce sens, v. Civ. 1re, 28 févr. 2018, n° 17-14.239 : le jugement qui reconnaît la mère du demandeur française par filiation ne suffit pas à caractériser une possession d’état de Français durant la période antérieure à la date d’expiration du délai d’un demi-siècle). La cour d’appel débouta donc les parents de leur action, prenant le soin de préciser que si la désuétude de l’article 30-3 du Code civil n’avait jamais été opposée au père, cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce qu’elle le soit à son enfant mineur, dont la nationalité française est revendiquée, dès lors que les conditions d’application du texte sont réunies, dont aucune n’impose que cet article ait été préalablement opposé à son ascendant. Cette position est censurée par la Cour de cassation : l’article 30-3 ne peut être opposé à l'enfant mineur du parent dont la nationalité française par filiation a été reconnue, sans que cette même disposition ait été préalablement opposée à son ascendant, l'enfant mineur suivant la condition du parent dont il tient la nationalité. En l’espèce, dans la mesure où la nationalité française du père, auquel la désuétude n’a jamais été opposée, avait été reconnue par filiation, la condition de l’enfant mineur devait suivre celle de son père. Ce qui explique l’impossibilité de lui opposer la désuétude de l’article 30-3. Dans son arrêt du 29 juin 2022, la première chambre civile avait déjà écarté la possibilité d’opposer à l’enfant mineur la perte de nationalité par désuétude lorsque celle-ci n’est pas opposée à son auteur. Elle précise ici que pour opposer cette désuétude à l’enfant mineur, celle-ci doit avoir été opposée à son auteur au jour de l’introduction de l’action déclaratoire de nationalité. Dès lors que le demandeur justifie que le parent a la nationalité française au jour où cette action déclaratoire est introduite, et que la filiation a été régulièrement établie durant la minorité, les conditions posées par l’article 30-3 du Code civil ne peuvent lui être opposées. La condition de l’enfant suivant celle du parent dont il tient la nationalité, cela signifie que l’enfant mineur peut arguer de sa nationalité française par filiation même sans rapporter la preuve de sa possession d’état : l’existence d’une filiation régulièrement établie à l’égard d’un Français durant sa minorité suffit.
Références :
■ Civ.1re, 29 juin 2022, n° 21-50.032 : D. 2022. 1310 ; ibid. 2023. 200, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot
■ Civ. 1re, 28 févr. 2018, n° 17-14.239 : D. 2019. 347, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ; Rev. crit. DIP 2018. 801, note E. Ralser ; ibid. 2019. 949, note P. Lagarde
Autres À la une
-
Libertés fondamentales - droits de l'homme
[ 23 janvier 2025 ]
« Attention Mesdames et Messieurs… »
-
Droit des obligations
[ 23 janvier 2025 ]
Vente de la chose d’autrui : la disparition du risque d’éviction en cours d’instance empêche le sous-acquéreur d’agir en nullité
-
Droit des obligations
[ 22 janvier 2025 ]
Restitution de l’indemnité d’occupation consécutive à l’annulation de la vente : précisions importantes sur l’application du droit nouveau
-
Droit des personnes
[ 21 janvier 2025 ]
Acquisition de la nationalité française : la condition relative à la durée de la résidence habituelle en France prévue par l’article 21-13-2 du Code civil s’apprécie au jour de la majorité
-
Droit de la responsabilité civile
[ 20 janvier 2025 ]
Rappel du principe la libre utilisation des fonds alloués à la victime
- >> Toutes les actualités À la une