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[ 23 janvier 2017 ] Imprimer

Libertés fondamentales - droits de l'homme

Peut-on contraindre une personne à rester mariée contre son gré ?

Mots-clefs : Droit européen, Marge d’appréciation nationale, Divorce, Droit polonais, Droit français, Cour européenne des droit de l’homme, Droit au divorce, Convention européenne des droits de l’homme

La Cour européenne des droits de l’homme vient de rappeler que le droit au divorce est exclu de la Convention.

La décision rendue par la Cour européenne des droits de l’homme le 10 janvier 2017 relative aux refus des autorités polonaises d’accorder le divorce dans certaines circonstances permet de rappeler que le droit européen ne reconnait pas un droit au divorce mais également de faire un parallèle avec la législation française sur ce thème.

En l’espèce, un ressortissant polonais s’était marié en 1997. Après avoir rencontré en 2004 une nouvelle femme, il s’installa avec elle et eurent un enfant. En 2006, il formula une demande de divorce sans faute mais son épouse délaissée la refusa et demanda au tribunal de rejeter cette demande. Son mari fit alors une demande de divorce pour faute. Son épouse ne souhaitait pas divorcer. Les tribunaux polonais refusèrent d’accorder le divorce, l’époux étant le seul responsable de la détérioration du mariage en raison de son infidélité. 

En vertu des dispositions du code de la famille et des tutelles polonais, il n’est pas possible d’accorder le divorce lorsque la partie qui en fait la demande est celle qui a détérioré le mariage et si l’autre partie refuse. Le divorce demandé par le conjoint fautif est accordé par les tribunaux si le conjoint délaissé y consent ou s’il est prouvé que le refus de ce dernier est abusif. En l’espèce, l’épouse refusait le divorce ni par haine ou vengeance mais bien parce qu’elle aimait son époux et souhaitait se réconcilier.

L’époux malgré lui, saisit alors la Cour européenne des droits de l’homme en invoquant les articles 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) et 12 (droit au mariage) de la Convention en soutenant que le refus de prononcer son divorce par les tribunaux l’avait empêché d’épouser sa compagne. La Cour ne fait pas droit à sa demande. En effet, les articles 8 et 12 de la Convention « ne peuvent être interprétés de manière à garantir le droit au divorce » notamment parce que « les travaux préparatoires de la Convention indiquent clairement la volonté des Hautes Parties contractantes d’exclure délibérément ce droit du champ d’application de la Convention » (CEDH 14 juin 2011, Ivanov et Petrova c/ Bulgarie, n° 15001/04, § 61. CEDH 18 déc. 1986, Johnston c/ Irlande, n° 9697/82, § 52). On constate que le droit européen laisse une grande place à la marge nationale d’appréciation en l’espèce.

Le droit français quant à lui, reconnait le droit au divorce même lorsque l’époux ou l’épouse délaissé refuse la séparation. Ainsi, il y a altération définitive du lien conjugal (anciennement divorce pour rupture de la vie commune datant de la L. n° 75-617 du 11 juill. 1975) lorsque les époux vivent séparés depuis deux ans lors de l'assignation en divorce (C. civ., art. 237 et 238 issus de la L. n° 2004-439 du 26 mai 2004). Le prononcé du divorce ne peut être contraire aux dispositions de l’article 8 de la Convention européenne (Civ. 1re, 15 avr. 2015, n° 13-27.591).

Pour rappel, il existe en France quatre cas permettant le prononcé du divorce: consentement mutuelacceptation du principe de la rupture du mariage; altération définitive du lien conjugal; faute (C. civ., art. 229).

Références

■ Convention européenne des droits de l’homme

Article 8

« Droit au respect de la vie privée et familiale. 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »

Article 12

« Droit au mariage.  A partir de l'âge nubile, l'homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l'exercice de ce droit. »

■ CEDH 14 juin 2011, Ivanov et Petrova c/ Bulgarie, n° 15001/04.

■ CEDH 18 déc. 1986, Johnston c/ Irlande, n° 9697/82.

■ Civ. 1re, 15 avr. 2015, n° 13-27.898 P, D. 2015. 921, obs. R. Mésa ; AJ fam. 2015. 404, obs. S. Ferré-André ; RTD civ. 2015. 591, obs. J. Hauser.

 

Auteur :C. G.

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