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[ 28 novembre 2022 ] Imprimer

Procédure pénale

Piqûre de rappel en matière de nullités de procédure et consultation du TAJ : l’importance de l’habilitation conditionnant l’accès aux données

Il résulte des articles 230-10 et R. 40-28 du Code de procédure pénale que peuvent accéder aux informations, y compris nominatives, figurant dans le traitement d’antécédents judiciaires (TAJ), les agents de la police nationale exerçant des missions de police judiciaire individuellement désignés et spécialement habilités par les autorités dont ils relèvent, l’habilitation précisant la nature des données auxquelles elle autorise l’accès. En conséquence, cette habilitation doit figurer au dossier de la procédure. Le défaut d'une telle habilitation porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne dont les données personnelles ont été consultées.

Crim. 25 oct. 2022, n° 22-81.466 B

Les nullités sont régulièrement au cœur de l’actualité. En témoigne cet arrêt rendu le 25 octobre 2022 à l’occasion duquel la chambre criminelle rappelle quelques règles essentielles et ne manque pas de sanctionner les juges qui ne les auraient pas respectées. En l’espèce, mis en examen des chefs de vol et tentatives de vol en bande organisée et association de malfaiteurs, l’intéressé déposait plusieurs requêtes en nullités.

■ La première ne soulevait pas de difficulté. Elle portait sur la régularité du contrôle d’identité et du procès-verbal d’interpellation. Alors qu’ils patrouillaient, les policiers avaient constaté la présence d’un groupe d’individus et de plusieurs motocyclettes sans plaque d’immatriculation. Ils constataient également la présence de deux jerricans d’où émanait une forte odeur d’essence. Pour les policiers, tous ces éléments étaient de nature à constituer à l’égard de l’intéressé un indice de commission d’une infraction de nature à justifier le contrôle d’identité sur le fondement de l’article 78-2 du Code de procédure pénale, ce que contestait le mis en examen. Sans surprise, les juges n’y font pas droit au motif que des raisons plausibles de soupçonner la commission d’une infraction existaient au moment du contrôle d’identité et permettaient ainsi de le justifier.

■ La deuxième nullité portait quant à elle sur la violation de l’article 77-1-1 du Code de procédure pénale. Selon ce texte, l’officier ou l’agent de police judiciaire peut, sur autorisation du procureur de la République, requérir des informations intéressant l’enquête de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public ou de toute administration publique. En l’espèce, les autorisations données par le procureur en vue de requérir la remise de ces informations dataient des 16 mai 2018 et 13 janvier 2020 alors que les faits s’étaient déroulés postérieurement, dans la nuit du 15 au 16 mai 2020. Se posait donc la question de la régularité de cette autorisation préalable délivrée par le procureur et de son caractère général.

La Cour de cassation rappelle les exigences posées par ce texte : l’autorisation donnée par le procureur de la République aux officiers ou agents de police judiciaire de requérir de telles informations doit être donnée dans le cadre de la procédure d’enquête en cours et non par voie d’autorisation générale et permanente préalable, cette interprétation étant commandée par la nécessité de garantir une direction effective des enquêtes préliminaires par le procureur de la République.

Pour la chambre criminelle, en rejetant ce moyen de nullité, la chambre de l’instruction a méconnu les exigences de l’article 77-1-1. Elle rappelle que l’irrégularité qui découle de la méconnaissance de cette exigence fait nécessairement grief à l’intéressé.

■ La troisième nullité concernait l’accès au fichier de traitement des antécédents judiciaires (TAJ). Pour le mis en examen, le procès-verbal de consultation du TAJ ne faisait pas mention de l’habilitation de l’agent de la police nationale qui a procédé à cette opération, alors même que cette habilitation est indispensable en ce qu’elle conditionne la nature des données auxquelles elle autorise l’accès. En effet, conformément à ce que prévoit l’article R. 40-26, peuvent être enregistrées dans le TAJ des données à caractère personnel et des informations concernant l’identité de la personne, son adresse, ses numéros de téléphone, sa profession, son état civil ou encore des photographies de son visage. Une multitude de données peuvent ainsi être enregistrées et consultées, qu’il s’agisse soit de données à caractère personnel, soit de données à caractère non personnel qui concernent les faits mais qui peuvent permettre indirectement d’identifier les personnes concernées.

La chambre de l’instruction rejetait pourtant ce moyen de nullité se contentant d’affirmer que l’agent qui avait consulté ce fichier disposait d’un code d’accès personnalisé et que ce code était techniquement délivré aux seules personnes habilitées. Pour les juges, aucune irrégularité ne pouvait dès lors être contestée, ni aucun grief caractérisé.

La chambre criminelle n’est pourtant pas de cet avis. Dans la lignée d’un arrêt rendu le 19 février 2019 au sujet de la consultation du fichier LAPI (lecture automatisée des plaques d’immatriculation), la chambre criminelle considère que les dispositions des articles 230-10 et R. 40-28 du Code de procédure pénales sont claires. Il résulte de ces textes que ne peuvent accéder aux informations figurant dans le TAJ que des agents individuellement désignés et spécialement habilités par les autorités dont ils relèvent et cette habilitation précise la nature des données auxquelles elle autorise l’accès. En conséquence, doit figurer au dossier de la procédure le document ou la mention qui établit que l’accès à ce traitement a été le fait d’un agent désigné à cette fin et spécialement habilité. Le défaut d’une telle habilitation porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne dont les données et informations personnelles ont été consultées (Crim. 19 févr. 2019, n° 18-84.671).

L’arrêt de la chambre de l’instruction est donc cassé sur ce point. En statuant comme elle l’avait fait, la chambre de l’instruction s’était prononcée par des motifs hypothétiques alors qu’il lui appartenait, au besoin par un supplément d’information, de rechercher si l’agent de la police nationale en cause disposait de l’habilitation lui permettant d’accéder aux informations dont il a fait état dans son rapport.

■ Enfin, la dernière nullité portait sur l’enregistrement audiovisuel de la garde à vue. Comme le prévoit l’article 64-1 du Code de procédure pénale, les auditions des personnes placées en garde à vue pour crime dans les locaux d’un service de police exerçant une mission de police judiciaire font l’objet d’un enregistrement audiovisuel. Le non-respect de cette exigence porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne placée en garde à vue. Or, à la différence des autres procès-verbaux d’audition, le procès-verbal de deuxième audition de garde à vue ne mentionnait pas cet enregistrement. La chambre de l’instruction écartait ce moyen de nullité considérant qu’il ressort de la procédure que l’officier de police judiciaire avait placé sous scellé le DVD supportant les auditions filmées de l’intéressé, qu’une copie de ce scellé était annexée à la procédure et qu’il n’était pas invoqué par le requérant l’absence d’enregistrement effectif.

Là encore, s’agissant du respect des droits de la défense, la chambre criminelle est intransigeante. Considérant une nouvelle fois les motifs de la chambre de l’instruction comme hypothétiques, la Cour considère qu’il appartenait à cette dernière de s’assurer, au besoin par un supplément d’information, que la deuxième audition de l’intéressé avait fait l’objet d’un enregistrement audiovisuel.

Finalement, au-delà des règles essentielles qu’il rappelle, cet arrêt illustre combien les nullités participent à la protection des droits fondamentaux.

Référence :

■ Crim. 19 févr. 2019, n° 18-84.671 P : Dalloz actu. 8 mars 2019, note S. Fucini ; D. 2019. 434 ; AJ pénal 2019. 277, obs. É. Clément.

 

Auteur :Laura Pignatel

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