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[ 29 mars 2010 ] Imprimer

Libertés fondamentales - droits de l'homme

Placement prolongé d'un enfant et droit au respect de la vie familiale

Mots-clefs : Maltraitance, Signalement, Placement (mesure disproportionnée), Droit au respect de la vie familiale, Droit à un recours effectif

Par un arrêt du 16 mars 2010, la Cour européenne des droits de l'homme estime disproportionné le placement prolongé d'un enfant d'un an dans une famille d'accueil et condamne le Royaume-Uni pour violation des articles 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) et 13 (droits à un recours effectif) de la Conv. EDH.

Les parents d'un enfant âgé de quelques mois qui présentait des fractures « suspectes » avaient été contraints de s'installer dans un centre d'accueil, avant que l'enfant soit confié à une famille d'accueil. L'enfant chuta alors qu'il était placé et une ostéogenèse imparfaite (maladie des os de verre) fut diagnostiquée ; il fut finalement rendu à sa mère et l'ordonnance de prise en charge provisoire fut annulée. Se plaignant de la manière dont le dossier avait été traité par l'autorité locale, la mère engagea, au nom de son fils et en son propre nom, une action en réparation. Elle fut déboutée par les juridictions britanniques aux motifs qu'elle ne pouvait se prévaloir d'un devoir de vigilance de la part de l'autorité locale et qu'aucun élément ne démontrait que l'enfant eût subi un préjudice susceptible d'être porté devant les tribunaux. Devant la Cour européenne, elle invoqua une double violation des articles 8 et 13 de la convention.

Ces griefs sont accueillis positivement par la Cour de Strasbourg qui relève, sur le premier point, que l'autorité locale — à qui l'on ne peut reprocher de ne pas avoir diagnostiqué la maladie plus tôt ni, faute d'un tel diagnostic, d'avoir supposé que les lésions avaient pu être causées par les parents de l'enfant — a commis un certain nombre d'erreurs fondamentales dans la gestion du dossier : installation non nécessaire de la famille dans un centre d'accueil, évaluation des risques tardive, mise à l'écart trop rapide d'autres solutions moins intrusives, laps de temps déraisonnable pris pour rendre l'enfant à ses parents. À l'unanimité, elle conclut que si les autorités ont eu des raisons suffisantes de prendre les mesures de protection initiales, l'atteinte subséquente aux droits des requérants au respect de la vie familiale a été disproportionnée (§ 91).

Sur le second grief, elle estime, par référence à un « précédent » (CEDH 30 sept. 2005, R. K. et A. K. c. Royaume-Uni), que la mère était privée, à l'époque des faits (avant l'entrée en vigueur du Human Rights Act de 1998), d'un recours effectif pour demander réparation de la négligence commise par l'autorité locale (§§ 101-102). En revanche, il n'y a pas violation de l'article 13 concernant l'enfant qui disposait bien de la possibilité d'agir contre l'autorité locale, débitrice, à son égard, d'un devoir de vigilance (§ 103).

On rappellera, à toutes fins utiles, les contours de la jurisprudence française qui estime, dans une telle hypothèse :

– d'une part, que la décision d'informer le juge des enfants de ce qu'un enfant aurait pu subir des mauvais traitements n'est pas détachable de la procédure judiciaire à laquelle elle a donné lieu ;

– d'autre part, que la tardiveté du diagnostic constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'établissement hospitalier (CAA Lyon, 18 janv. 2005 ; v. contra, retenant la compétence du juge administratif pour apprécier les dommages causés par un signalement, T. confl. 23 avr. 2007).

CEDH 16 mars 2010, O. D. et A. D. c. Royaume-Uni, req. n° 28680/06

Références

Convention européenne des droits de l’homme

Article 8 - Droit au respect de la vie privée et familiale

1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.

Article 13 - Droit à un recours effectif

« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles. »

CEDH 30 sept. 2005, R. K. et A. K. c. Royaume-Uni, req. n° 38000/05.

CAA Lyon, 18 janv. 2005, n° 02LY01374, AJDA 2005. 174.

T. confl. 23 avr. 2007, n° 3451, AJDA 2007. 946.

 

Auteur :S. L.

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