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[ 14 mai 2014 ] Imprimer

Droit des biens

Plantations en limites de propriétés privées : constitutionnalité des articles 671 et 672 du Code civil

Mots-clefs : Servitudes légales, Droit de propriété, Charte de l’environnement, Relations de voisinages, Plantations, Distances, QPC

Selon le Conseil constitutionnel (n° 2014-394 QPC), les articles 671 et 672 ne méconnaissent ni la Charte de l’environnement ni le droit de propriété.

En l’espèce, des époux, voisins d’une SCI, avaient assigné cette société devant le tribunal d’instance afin de l’obliger, sur le fondement des articles 671 et 672 du Code civil, a étêter sa haie de thuyas. Le tribunal a fait droit à leur demande, et le jugement a été confirmé en appel (Amiens, 6 juin 20103, n° 11/04871).

À l’occasion du pourvoi en cassation, la SCI a posé une QPC relative à la conformité des articles 671 et 672 du Code civil aux droits et libertés garantis par la Constitution qui a été renvoyée au Conseil constitutionnel (Civ. 3e, 5 mars 2014). Elle estimait que les dispositions contestées — qui permettent au voisin d’exiger du propriétaire l’arrachage ou la réduction des arbres, arbustes et arbrisseaux plantés en bordure de son fonds sans qu’il ait à justifier d’un préjudice — méconnaissent le Préambule de la Charte de l’environnement, ses articles 1er à 4 et 6 et portent également atteinte au droit de propriété (DDH, art. 2 et 17).

Le Conseil constitutionnel vient de décider de la conformité à la Constitution de ces dispositions.

▪ Les articles 671 et 672 du Code civil ne portent pas atteinte à la Charte de l’environnement

Le Conseil constitutionnel précise que les sept alinéas de la Charte de l’environnement qui précèdent les dix articles de la Charte ont valeur constitutionnelle mais qu’ils n’instituent aucun droit ou liberté que la Constitution garantit (formulation de constats et d’objectifs). Ainsi, le Préambule de la Charte de l’environnement ne peut être invoqué à l’appui d’une QPC.

Par ailleurs, il en est de même pour l’article 6 de la Charte (v. déjà, Cons. const. 23 nov. 2012M. Antoine de M. et Cons. const. 11 oct. 2013Sté Schuepbach Energy LLC).

Enfin, eu égard à l’objet et à la portée des dispositions des articles 671 et 672 du Code civil, l’arrachage de végétaux qu’elles prévoient est insusceptible d’avoir des conséquences sur l’environnement (conformité de ces dispositions aux articles 1er à 4 de la Charte de l’environnement).

▪ Les articles 671 et 672 du Code civil ne méconnaissent pas le droit de propriété

Le Conseil constitutionnel estime que la servitude établie par les dispositions des articles 671 et 672 du Code civil n’entraine pas une privation de propriété au sens de l’article 17 de la Déclaration de 1789.

En effet, le propriétaire du fond reste propriétaire, même si il existe une servitude qui a uniquement pour objectif de limiter l’exercice de son droit.

Le Conseil a donc réalisé son contrôle uniquement au regard des dispositions de l’article 2 de la Déclaration de 1789. Ainsi, il a constaté que le législateur a entendu assurer des relations de bon voisinage et prévenir les litiges en imposant le respect de certaines distances pour les plantations en limite de la propriété voisine. Le législateur a ainsi poursuivi un but d’intérêt général.

Enfin, le Conseil constitutionnel a constaté que l’exercice du droit de propriété ne revêtait pas un caractère disproportionné par rapport au but poursuivi : les dispositions contestées ne concernent que les plantations situées en limite de la propriété voisine ; en présence d’un mur séparatif, des arbres, arbrisseaux et arbustes de toute espèce peuvent être plantés en espalier sans que l’on soit tenu d’observer aucune distance ; le propriétaire dispose du choix entre l’arrachage et la réduction ; il peut également s’y opposer en invoquant l’existence d’un titre « la destination du père de famille » ou la prescription trentenaire.

Cons. const. 7 mai 2014, Sté Casuca, n° 2014-394 QPC, JO 10 mai, p. 7873

 

Références

■ Civ. 3e, 5 mars 2014, n° 13-22.608.

 Cons. const. 23 nov. 2012M. Antoine de M., n° 2012-283 QPC.

 Cons. const. 11 oct. 2013Sté Schuepbach Energy LLC, n° 2013-346 QPC.

■ Code civil

Article 671

« Il n'est permis d'avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine qu'à la distance prescrite par les règlements particuliers actuellement existants, ou par des usages constants et reconnus et, à défaut de règlements et usages, qu'à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d'un demi-mètre pour les autres plantations. 

Les arbres, arbustes et arbrisseaux de toute espèce peuvent être plantés en espaliers, de chaque côté du mur séparatif, sans que l'on soit tenu d'observer aucune distance, mais ils ne pourront dépasser la crête du mur. 

Si le mur n'est pas mitoyen, le propriétaire seul a le droit d'y appuyer les espaliers. »

Article 672

« Le voisin peut exiger que les arbres, arbrisseaux et arbustes, plantés à une distance moindre que la distance légale, soient arrachés ou réduits à la hauteur déterminée dans l'article précédent, à moins qu'il n'y ait titre, destination du père de famille ou prescription trentenaire. 

Si les arbres meurent ou s'ils sont coupés ou arrachés, le voisin ne peut les remplacer qu'en observant les distances légales. »

■ Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789

Article 2

« Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression. »

Article 17

« La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité. »

■ Charte de l'environnement de 2004

« Le peuple français,

Considérant :

Que les ressources et les équilibres naturels ont conditionné l'émergence de l'humanité ;

Que l'avenir et l'existence même de l'humanité sont indissociables de son milieu naturel ;

Que l'environnement est le patrimoine commun des êtres humains ;

Que l'homme exerce une influence croissante sur les conditions de la vie et sur sa propre évolution ;

Que la diversité biologique, l'épanouissement de la personne et le progrès des sociétés humaines sont affectés par certains modes de consommation ou de production et par l'exploitation excessive des ressources naturelles ;

Que la préservation de l'environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation ;

Qu'afin d'assurer un développement durable, les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins, »

Article 1

« Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé. »

Article 2

« Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement. »

Article 3

« Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu'elle est susceptible de porter à l'environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences. »

Article 4

« Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement, dans les conditions définies par la loi. »

Article 6

« Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. A cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social. »

 

Auteur :C. G.


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