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Droit civil
Plantations sur le terrain d’autrui : les conditions d’indemnisation du tiers évincé
Mots-clefs : Immobilier, Construction sur le terrain d’autrui, Indemnisation, Tiers évincé, Conditions
Le droit à indemnisation du tiers évincé n’est pas attaché à la propriété d’un fonds mais à la personne qui a accompli l’acte de planter.
A la fin des années 60, un propriétaire forestier avait planté des arbres sur des terrains lui appartenant mais également sur une parcelle voisine, laquelle avait été, une quinzaine d’années plus tard, vendue.
Trente-quatre ans après, alors que la propriété forestière avait entre-temps également été vendue à un groupement forestier, les propriétaires de la parcelle et le groupement avaient procédé à un bornage amiable, faisant apparaître que des arbres avaient effectivement été plantés sur la parcelle litigieuse par le précédent propriétaire forestier.
Les propriétaires de la parcelle avaient alors assigné le groupement, en sa qualité de nouveau propriétaire, en réparation du préjudice causé par l’abattage de quatre arbres et le passage d’engins d’exploitation dégradant leur terrain. Le groupement forestier avait, de son côté, demandé reconventionnellement, sur le fondement de l’article 555 du Code civil, le paiement d’une indemnité correspondant à la valeur des plantations subsistant sur la parcelle. Pour accueillir cette dernière demande et ordonner la compensation, le juge d’instance retint que, quoique les arbres eussent été plantés par l’ancien propriétaire des forêts, les arbres s’étaient trouvés incorporés, dès leur plantation, à la parcelle, et les forêts ayant ensuite été cédées au groupement, avec tous les droits et accessoires qui y sont attachés, et notamment la qualité de tiers prévue à l’article 555 du Code civil, le groupement devait bénéficier du droit à indemnisation prévu par ce texte au profit du tiers évincé.
Au visa des articles 551 et 555 du Code civil, cette décision est cassée au motif que « le droit à indemnisation du tiers évincé n’est pas attaché à la propriété d’un fonds mais à la personne qui a accompli l’acte de planter ».
Le régime applicable aux constructions, plantations et ouvrages réalisés sur le terrain d'autrui est régi par les articles 553 et 555 du Code civil.
Le premier prévoit que toutes les constructions faites sur le terrain du propriétaire sont présumées lui appartenir, à la charge donc, pour le prétendu constructeur, de renverser cette présomption, qui est simple, en prouvant qu’il en est en réalité l’auteur.
Plus exhaustif, le second article contient plusieurs règles, qui s’articulent ainsi : tout d’abord, une fois la présomption renversée, le propriétaire a le choix de conserver la construction ou d’en demander sa destruction ; s’il décide de la conserver, il doit rembourser au constructeur la valeur des matériaux et le prix de la main-d'œuvre à cette fin employée ; s’il préfère au contraire démolir la construction faite sur son terrain, celle-ci le sera aux frais du constructeur.
Enfin, dans tous les cas où le constructeur se révèle de bonne foi, ayant construit sur un terrain un bâtiment qu'il croyait être le sien, le propriétaire n’a d’autre choix que d’indemniser le constructeur. L'article 555 in fine dispose en ce sens que « (…) si les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers évincé, qui n'aurait pas été condamné à la restitution des fruits, attendu sa bonne foi, le propriétaire ne pourra demander la suppression desdits ouvrages, plantations et constructions; mais il aura le choix ou de rembourser la valeur des matériaux et du prix de la main-d’œuvre ou de rembourser une somme égale à celle dont le fonds a augmenté la valeur ».
Ainsi, le propriétaire sera tenu d'indemniser le constructeur de bonne foi soit en lui remboursant la valeur des matériaux et du prix de la main d'œuvre ou, à défaut, en lui remboursant une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur.
En l’espèce, les propriétaires de la parcelle entendaient conserver les plantations. Ils devaient à ce titre indemniser le planteur du coût des matériaux et du prix de la main d’œuvre des plantations faites sur leur fonds. Le rappel auquel procède la décision rapportée est qu’en cas de construction, de plantation ou de réalisation d’un ouvrage sur le terrain d’autrui, le demandeur à l’indemnisation, en qualité de tiers évincé, ne peut être le propriétaire du fonds mais seulement celui ayant réalisé la construction, la plantation ou l’ouvrage. Certes, en pratique, le « planteur » sera le plus souvent celui ayant la propriété du terrain mais la nécessité, ici rappelée, de faire le départ entre ces deux qualités s’impose lorsque comme en l’espèce, le planteur aura, entre-temps, vendu sa propriété. Ainsi le droit à être indemnisé n’aurait-il pu être invoqué que par le précédent propriétaire, celui ayant réalisé les plantations. L’acquéreur n’a donc aucun droit à indemnisation. Ainsi cette décision vient-elle confirmer la délimitation du domaine d’application de l’article 555 du Code civil, qui ne vise que les rapports entre le propriétaire du sol et le constructeur ou planteur (Civ. 3e, 30 nov. 1988, n° 87-12.387).
Civ. 3e, 13 mai 2015, n° 13-26.680
Références
■ Code civil
Article 551
« Tout ce qui s'unit et s'incorpore à la chose appartient au propriétaire, suivant les règles qui seront ci-après établies. »
Article 553
« Toutes constructions, plantations et ouvrages sur un terrain ou dans l'intérieur sont présumés faits par le propriétaire à ses frais et lui appartenir, si le contraire n'est prouvé ; sans préjudice de la propriété qu'un tiers pourrait avoir acquise ou pourrait acquérir par prescription soit d'un souterrain sous le bâtiment d'autrui, soit de toute autre partie du bâtiment. »
Article 555
« Lorsque les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers et avec des matériaux appartenant à ce dernier, le propriétaire du fonds a le droit, sous réserve des dispositions de l'alinéa 4, soit d'en conserver la propriété, soit d'obliger le tiers à les enlever.
Si le propriétaire du fonds exige la suppression des constructions, plantations et ouvrages, elle est exécutée aux frais du tiers, sans aucune indemnité pour lui ; le tiers peut, en outre, être condamné à des dommages-intérêts pour le préjudice éventuellement subi par le propriétaire du fonds.
Si le propriétaire du fonds préfère conserver la propriété des constructions, plantations et ouvrages, il doit, à son choix, rembourser au tiers, soit une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur, soit le coût des matériaux et le prix de la main-d’œuvre estimés à la date du remboursement, compte tenu de l'état dans lequel se trouvent lesdites constructions, plantations et ouvrages.
Si les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers évincé qui n'aurait pas été condamné, en raison de sa bonne foi, à la restitution des fruits, le propriétaire ne pourra exiger la suppression desdits ouvrages, constructions et plantations, mais il aura le choix de rembourser au tiers l'une ou l'autre des sommes visées à l'alinéa précédent. »
■ Civ. 3e, 30 nov. 1988, n° 87-12.387, D. 1990. 85, obs. A. Robert.
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