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Droit de la famille
PMA : un obstacle à l’adoption homosexuelle levé dans l’intérêt de l’enfant
Mots-clefs : Famille, Personnes, Filiation, PMA, AMP, Homoparentalité, Intérêt de l’enfant
Le recours à la procréation médicalement assistée (PMA) ou l’assistance médicale à la procréation (AMP) à l’étranger, par insémination artificielle avec donneur anonyme, ne fait pas obstacle à ce que l’épouse de la mère puisse adopter l’enfant ainsi conçu.
En ouvrant le mariage aux couples de même sexe, la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 a eu pour effet de permettre l’adoption de l’enfant de l’un des deux conjoints par l’autre conjoint de même sexe. Toutefois, la législation française relative à l’Assistance médicale à la procréation (AMP) n’en a pas pour autant été modifiée. En effet, la loi continue d’en réserver l’accès aux seuls couples hétérosexuels, souffrant d’une infertilité médicalement constatée ou exposés à un risque de transmission d’une maladie particulièrement grave soit à l’enfant, soit à un membre du couple.
Pour s’affranchir de cette contrainte, certains couples de femmes ont choisi de recourir à l’AMP dans des pays étrangers l’autorisant même sans motif médical. Les conséquences de ce « tourisme procréatif » étaient variablement appréciées par les juridictions : alors que certaines reprochaient à ces femmes, recourant à une insémination artificielle avec donneur anonyme faite à l’étranger, de contourner la loi française en matière d’AMP, fraude à la loi justifiant le rejet de la demande d’adoption de l’enfant par l’épouse de la mère (TGI Versailles, 29 avr. 2014), d’autres au contraire, exploitant l’argument de la ratio legis, préféraient accueillir la demande (TGI Lille, 17 oct. 2013).
L’avis alors soumis par les juges à la Cour de cassation portait sur le point de savoir si l’AMP par insémination artificielle avec donneur anonyme, pratiquée à l’étranger, par une femme en couple avec une autre femme, constitue une fraude à la loi interdisant l’adoption, par l’épouse de la mère, de l’enfant ainsi conçu.
Par deux avis rendus le 22 septembre 2014, la Cour écarte la solution fondée sur la fraude à la loi, considérant qu’en France, l’AMP est, certes sous conditions, légalement autorisée, de telle sorte que le fait que certaines femmes y aient recours à l’étranger ne heurte aucun principe essentiel du droit français et se révèle conforme à l’esprit comme à la lettre de la loi du 17 mai 2013, qui autorise l’adoption homosexuelle sans aucune restriction relative au mode de conception de l’enfant.
Cette souplesse s’explique sans doute par l’impossibilité des juges de reproduire un raisonnement qu’ils tenaient à propos d’un problème voisin, la gestation pour autrui, avant d’être condamnés, en juin dernier, par la CEDH (CEDH 26 juin 2014, Mennesson c/France). En effet, c’était au nom de la fraude à la loi française que la Cour de cassation refusait la transcription, sur les registres d’état civil français, de la filiation d’enfants nés d’une gestation pour autrui. Or cette jurisprudence fut censurée par les juges européens, au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant, notion clé en la matière, d’ailleurs réaffirmée ici par la Cour, qui tempère son avis en rappelant que, conformément l’article 353 du Code civil et aux engagements internationaux de la France, l’adoption ne doit pouvoir être prononcée que si les conditions légales sont remplies et si cette même adoption est conforme à l’intérêt de l’enfant. Autrement dit, la validité des adoptions de ce type ne peut avoir pour effet de dispenser les juges de contrôler, au cas par cas, leur opportunité.
Sous l’influence manifeste de la Cour européenne, la Cour de cassation pourrait-elle à l’avenir étendre sa solution à la GPA en considérant que celle-ci non plus ne doit plus pouvoir constituer un obstacle à l’adoption homosexuelle ? Au-delà du fait de la récente condamnation française, la question mérite d’être posée dès lors que l’intérêt de l’enfant est présenté par la Cour comme le guide essentiel d’appréciation du bien-fondé d’une adoption par un couple homosexuel et, qu’en outre, une discrimination selon le sexe (entre les époux homosexuels femmes ou hommes) pourrait être, désormais, dénoncée.
Il est toutefois peu probable que la Cour emprunte cette voie car si l’AMP est une pratique légalement autorisée, certes sous conditions, la GPA est, quant à elle, une pratique absolument interdite (même à titre gratuit ou pour une cause médicale). Quant au grief de discrimination entre les différents couples homosexuels, il doit, en l’absence de reconnaissance d’un véritable droit à l’enfant, être rejeté, la différence de traitement entre les couples résultant de la position de la Cour étant en outre justifiée par une raison biologique évidente.
C. cass., avis, n°15010, 22 sept. 2014
C. cass., avis, n°15011, 22 sept. 2014
Références
« L'adoption est prononcée à la requête de l'adoptant par le tribunal de grande instance qui vérifie dans un délai de six mois à compter de la saisine du tribunal si les conditions de la loi sont remplies et si l'adoption est conforme à l'intérêt de l'enfant.
Dans le cas où l'adoptant a des descendants le tribunal vérifie en outre si l'adoption n'est pas de nature à compromettre la vie familiale.
Si l'adoptant décède, après avoir régulièrement recueilli l'enfant en vue de son adoption, la requête peut être présentée en son nom par le conjoint survivant ou l'un des héritiers de l'adoptant.
Si l'enfant décède après avoir été régulièrement recueilli en vue de son adoption, la requête peut toutefois être présentée. Le jugement produit effet le jour précédant le décès et emporte uniquement modification de l'état civil de l'enfant.
Le jugement prononçant l'adoption n'est pas motivé. »
■ TGI Versailles, 29 avr. 2014, n°13/00168.
■ TGI Lille, 17 oct. 2013, Dr. fam. 2014, comm. 4.
■ CEDH 26 juin 2014, Mennesson c/France, n°65192/11, D. 2014. 1797, note Chénedé.
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