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Droit des biens
Point de départ de la prescription trentenaire opposée par le propriétaire de végétaux à l’action en arrachage : tout dépend de la zone de plantation
Mots-clefs : Plantation, Distances, Hauteur, Prescription trentenaire, Point de départ
Lorsqu’un végétal est planté à moins de cinquante centimètres du fonds voisin, le point de départ de la prescription trentenaire à retenir est la date de plantation. Au-delà de cette zone, la prescription commence à courir à la date à laquelle l’arbuste a dépassé la hauteur maximale légale de deux mètres.
Comme le rappellent à juste titre, et non sans un certain humour, MM. Terré et Simler, « La sagesse naturelle nous dit qu’il faut savoir garder ses distances. Ce qui est souvent vérité dans les relations humaines l’est aussi quant aux distances à maintenir entre certains biens, afin de faciliter le voisinage et favoriser l’harmonie dans la cité ». Gare, toutefois à ne pas prendre trop de distance sur les événements… le temps pouvant jouer en faveur de propriétaires non respectueux des servitudes légales de voisinage ayant trait, comme en l’espèce, aux distances de plantations.
Des époux, propriétaires d’un terrain, ont assigné leur voisin en arrachage de la haie de troène qui, plantée à moins d’un demi-mètre de la ligne séparative des deux fonds, atteignait une hauteur de plus de deux mètres. Leur demande ayant été rejetée, les époux contestèrent le point de départ de la prescription trentenaire retenu par les juges du fond.
Pour que la prescription trentenaire puisse s’opposer à une action en arrachage, quel point de départ faut-il retenir : la date de plantation ou la date à laquelle les végétaux ont atteint la hauteur maximale légale de deux mètres ?
Au préalable, on rappellera brièvement qu’en vertu de l’article 671 du Code civil, un propriétaire dont le fonds borde une autre propriété privée ne peut, en principe, avoir des végétaux jusqu’à l’extrême limite de son terrain. Il doit, en effet, à défaut de règlements ou usages constants et reconnus, respecter les distances de plantations édictées à l’alinéa 1er de l’article 671 du Code civil, à savoir : observer une distance de deux mètres de la ligne séparative des deux fonds pour tout végétal ayant une hauteur de deux mètres, et d’un demi-mètre pour les autres. En cas de non-respect, le voisin peut, sans avoir à justifier d’un quelconque préjudice (Civ. 3e, 16 mai 2000), exiger la réduction à la hauteur requise ou l'arrachage des végétaux (art. 672 C. civ.) à moins que le droit de planter en deçà de la distance légale n’ait été acquis par titre, destination du bon père de famille ou prescription.
En l’espèce, le critère retenu par les juges du fond afin de déterminer le point de départ de la prescription, fut celui du périmètre de plantation. Ainsi, pour tout végétal situé dans la zone de plantation illicite (moins d’un demi-mètre), le point de départ est la date de la plantation. Répondant aux prétentions des époux qui se fondaient sur un arrêt de revirement du 8 décembre 1981 qui fixait le point de départ à la date à laquelle les végétaux avaient dépassé la hauteur maximale légale (Civ. 3e, 8 déc. 1981 ; jurisprudence confirmée par Civ. 3e, 13 juin 2007), les juges précisèrent que les faits étaient différents puisque les plantations dans cette affaire se situaient en dehors de la zone illicite (au-delà de cinquante centimètres). Aussi, après avoir constaté que des témoignages attestaient de l’ancienneté de plus de trente ans de la haie et que, depuis l'assignation, la haie avait été élaguée par son propriétaire, les juges du fond déclarèrent la prescription acquise, solution qui fut confirmée par la suite par la Haute cour.
En se référant au critère de périmètre de plantation, cette décision, pourtant inédite, semble donc apporter une nouvelle précision quant au régime de la prescription trentenaire édictée à l’alinéa 1er, in fine, de l’article 672 du Code civil.
Civ. 3e, 3 avr. 2012, n°11-12.928, inédit
Références
■ F. Terré, Ph. Simler, Droit civil, Les biens, 8e éd., Dalloz, coll. « Précis », n°289 s.
■ Code civil
« Il n'est permis d'avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine qu'à la distance prescrite par les règlements particuliers actuellement existants, ou par des usages constants et reconnus et, à défaut de règlements et usages, qu'à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d'un demi-mètre pour les autres plantations.
Les arbres, arbustes et arbrisseaux de toute espèce peuvent être plantés en espaliers, de chaque côté du mur séparatif, sans que l'on soit tenu d'observer aucune distance, mais ils ne pourront dépasser la crête du mur.
Si le mur n'est pas mitoyen, le propriétaire seul a le droit d'y appuyer les espaliers. »
« Le voisin peut exiger que les arbres, arbrisseaux et arbustes, plantés à une distance moindre que la distance légale, soient arrachés ou réduits à la hauteur déterminée dans l'article précédent, à moins qu'il n'y ait titre, destination du père de famille ou prescription trentenaire.
Si les arbres meurent ou s'ils sont coupés ou arrachés, le voisin ne peut les remplacer qu'en observant les distances légales. »
■ Civ. 3e, 16 mai 2000, AJDI 2000. 1053.
■ Civ. 3e, 8 déc. 1981, Bull. civ. III, n°207, RTD civ. 1981. 438, obs. Giverdon.
■ Civ. 3e, 13 juin 2007, n°06-14.376, AJDI 2007. 770, obs. Prigent.
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