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Droit des obligations
Point de départ de l’action en nullité pour dol
Mots-clefs : Dol, Date de découverte, Preuve, Prescription
La prescription quinquennale de l’action en nullité pour dol a pour point de départ le jour où le contractant a découvert l’erreur qu’il allègue.
La prescription quinquennale des sanctions qui s'attachent au dol (action en nullité du contrat ou action en responsabilité formée contre l'auteur) court du jour où la victime l'a connu ou découvert. Le principe vient d’être rappelé par la première chambre civile à propos de la succession d’un écrivain célèbre.
En l’espèce, la fille adoptive de ce dernier avait assigné sa veuve en nullité de deux actes juridiques datant du 29 janvier 1980 par lesquels la première cédait à la seconde l’intégralité de ses droits successoraux et renonçait à agir en justice. Au soutien de sa demande en annulation, celle-ci prétendait avoir conclu ces actes à la suite de manœuvres dolosives opérées par la veuve et par leurs conseil et notaire communs dans le but de lui dissimuler la réelle consistance du patrimoine de son père et l’exacte étendue de ses droits.
En appel, sa demande fut rejetée : à défaut de preuve du dol allégué, notamment de son caractère intentionnel, la prescription quinquennale avait, selon les juges du fond, couru à compter du 29 janvier 1980, date des actes litigieux, de sorte que l’action en nullité intentée les 27 juillet, 5 et 6 août 2009, était prescrite.
Cette décision est cassée par la Cour de cassation au visa des articles 1116 et 1304 du Code civil. Rappelant le principe selon lequel la prescription quinquennale de l’action en nullité pour dol a pour point de départ le jour de la découverte de l’erreur alléguée par le contractant, la Cour reproche à la cour d’appel d’avoir omis de rechercher si, comme le soutenait la demanderesse au pourvoi, celle-ci n’avait pas découvert l’erreur qu’elle alléguait en 2008 lorsqu’elle avait consulté un avocat afin d’organiser sa propre succession, de sorte que le point de départ du délai de prescription était susceptible d’être reporté à cette date.
En tant que vice du consentement, le dol est sanctionné par la nullité relative et non par la résiliation ou la résolution. L'action en annulation est donc soumise aux règles inhérentes à ce type de nullité.
Tout d’abord, la demande ne peut être formée que par la victime du dol ou ses héritiers (Civ. 1re, 4 juill. 1995). Ensuite, le contrat est susceptible de confirmation. Enfin, l'action se prescrit par cinq ans à compter du jour de la découverte du vice (C. civ., art. 1304 ; v. par exemple, Civ. 3e, 2 juill. 2003).
Selon le premier alinéa de l’article 1304 du Code, la prescription quinquennale constitue, dans tous les cas où l’action n’est pas limitée à un moindre temps par une disposition particulière, la règle de droit commun en matière d’action en nullité relative pour vice du consentement. Cette action de droit commun échappe donc, en principe, aux délais plus courts résultant de textes spéciaux. Elle survit, notamment, au délai d'un an imposé, en matière de cession de fonds de commerce, par l'article 13 de la loi du 29 juin 1935 (devenu C. com., art. L. 141-1 – v. Com. 5 juill. 1977 – v., pour l'action en dommages-intérêts, Com. 15 janv. 2002). La solution est la même s'agissant du bref délai (désormais fixé à deux ans, Ord. 17 févr. 2005) imposé, en matière de garantie des vices cachés de la chose vendue, par l'article 1648 du Code civil (Civ. 1re, 16 avr. 1991).
Selon le deuxième alinéa de ce même article, le point de départ du délai de l’action en nullité est fixé au jour de la découverte du vice, et non de la conclusion du contrat. En faveur de la partie victime, la détermination du point de départ du délai de prescription repose donc sur la connaissance effective, par celle-ci, de l’erreur commise ou provoquée par son cocontractant. La Cour de cassation l’affirme depuis longtemps. Ainsi dans l’affaire Cézanne affirmait-elle déjà que le délai de l’action en nullité pour erreur ne court que du jour où cette erreur a été découverte et non simplement soupçonnée (à propos d’une expertise ayant confirmé les doutes de l’acheteur sur l’authenticité d’une œuvre présentée comme étant de Cézanne). Plus récemment, à propos d’un contrat de prêt, la première chambre civile a précisé qu’en cas de mention d’un taux effectif global (TEG) erroné, la prescription quinquennale de l’action en annulation des stipulations d’intérêts litigieuses commence à courir à compter de la révélation à l’emprunteur d’une telle erreur (Civ. 1re, 7 mars 2006).
Civ. 1re, 11 sept. 2013, n°12-20.816
Références
■ Code civil
« Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.
Il ne se présume pas et doit être prouvé. »
« Dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.
Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé ; dans le cas d'erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts.
Le temps ne court, à l'égard des actes faits par un mineur, que du jour de la majorité ou de l'émancipation ; et à l'égard des actes faits par un majeur protégé, que du jour où il en a eu connaissance, alors qu'il était en situation de les refaire valablement. Il ne court contre les héritiers de la personne en tutelle ou en curatelle que du jour du décès, s'il n'a commencé à courir auparavant. »
« L'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.
Dans le cas prévu par l'article 1642-1, l'action doit être introduite, à peine de forclusion, dans l'année qui suit la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des vices ou des défauts de conformité apparents. »
■ Article L. 141-1 du Code de commerce
« I. - Dans tout acte constatant une cession amiable de fonds de commerce, consentie même sous condition et sous la forme d'un autre contrat ou l'apport en société d'un fonds de commerce, le vendeur est tenu d'énoncer :
1° Le nom du précédent vendeur, la date et la nature de son acte d'acquisition et le prix de cette acquisition pour les éléments incorporels, les marchandises et le matériel ;
2° L'état des privilèges et nantissements grevant le fonds ;
3° Le chiffre d'affaires qu'il a réalisé durant les trois exercices comptables précédant celui de la vente, ce nombre étant réduit à la durée de la possession du fonds si elle a été inférieure à trois ans ;
4° Les résultats d'exploitation réalisés pendant le même temps ;
5° Le bail, sa date, sa durée, le nom et l'adresse du bailleur et du cédant, s'il y a lieu.
II. - L'omission des énonciations ci-dessus prescrites peut, sur la demande de l'acquéreur formée dans l'année, entraîner la nullité de l'acte de vente. »
■ Civ. 1re, 4 juill. 1995, Bull. civ. I, n° 291.
■ Civ. 3e, 2 juill. 2003, n°02-11.091.
■ Com. 5 juill. 1977, D. 1977. IR. 494.
■ Com. 15 janv. 2002, Bull. civ. IV, n°11.
■ Civ. 1re, 16 avr. 1991, Bull. civ., I, n° 144 ; D. 1992. 264, obs. A. Penneau.
■ Civ. 1re, 7 mars 2006, Bull. civ. I, n°135 ; D. 2006. AJ 913.
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