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Droit des obligations
Point de départ du délai de prescription de l’action en remboursement de l’indemnité d'immobilisation d'une promesse unilatérale de vente
Doit être déclarée prescrite la demande de remboursement d'une indemnité d'immobilisation d'une promesse unilatérale de vente, formée plus de cinq ans après la date à laquelle cette indemnité était devenue immédiatement remboursable du fait de la défaillance de la condition suspensive, en application de l'article L. 312-16, alinéa 2, devenu L. 313-41 du Code de la consommation.
Civ. 3e, 11 juill. 2024, n° 22-22.058 B
Par acte notarié en date du 8 septembre 2015, une promesse unilatérale de vente d'un appartement a été consentie au prix de 995 000 euros, sous la condition suspensive de l'obtention d'un prêt par l’acquéreur, au plus tard le 7 novembre 2015, avec paiement d'une indemnité d'immobilisation d'un montant de 99 500 euros en cas de non levée de l’option, sauf à ce qu’il soit justifié de la défaillance de la condition suspensive. N'ayant pas obtenu son prêt, l’acquéreur a assigné les vendeurs, les 16 et 17 novembre 2020, aux fins de restitution de l'indemnité d'immobilisation, à laquelle ces derniers s’étaient opposés par courrier daté du 27 janvier 2020. Les promettants ont en conséquence saisi un juge de la mise en état d'une fin de non-recevoir prise de la prescription de l'action en restitution, laquelle aurait expiré le 7 novembre 2020. L’action en restitution fut toutefois jugée recevable au motif que le point de départ de la prescription devait être fixé au jour où l’acheteur avait eu connaissance du refus des vendeurs de lui restituer l’indemnité d’immobilisation, soit le 27 janvier 2020.
Donnant cette fois gain de cause aux vendeurs, la cour d’appel de Paris infirma l’ordonnance et débouta le bénéficiaire de la promesse de sa demande en restitution du fait de la prescription de l’action. Au soutien de son pourvoi, le demandeur bénéficiaire de la promesse invoquait que le fait justifiant l’exercice de l’action tendant, en cas de défaillance de la condition suspensive à laquelle était soumise la promesse de vente, à la restitution de l’indemnisation d’immobilisation, ne pouvait consister que dans sa connaissance du refus du promettant que cette indemnité lui fût restituée.
Après avoir rappelé les termes de l'article 2224 du Code civil, selon lequel les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer, la Cour de cassation fait pour la première fois application à une demande en paiement de l’indemnité d’immobilisation du principe déjà consacré selon lequel le point de départ de la prescription de l'action en exécution d'une obligation se situe au jour où le créancier a su ou aurait dû savoir que celle-ci était devenue exigible, et non à la date à laquelle il a eu connaissance du refus du débiteur de l'exécuter. Ce faisant, la Haute juridiction considère qu’au cas d’espèce, l’indemnité d’immobilisation était devenue « immédiatement remboursable » du fait de la défaillance de la condition suspensive, en application de l'article L. 312-16, alinéa 2, devenu l'article L. 313-41, du Code de la consommation. L’action en restitution ayant été initiée plus de cinq ans après la date de cette défaillance de la condition, elle devait donc être considérée comme prescrite.
Dont acte : le point de départ du délai de prescription d’une action en paiement est constitué par la date d’exigibilité de l’obligation qui a donné naissance à la créance. La Cour de cassation confirme ainsi son choix d’adopter un point de départ objectif de la prescription de l’action en paiement, en le faisant correspondre à la date d’exigibilité de la créance, au lieu d’un point de départ subjectif et donc glissant résultant d’une stricte application des termes de l’article 2224 du Code civil. Ainsi la troisième chambre civile avait-elle déjà affirmé la règle selon laquelle le point de départ du délai à l’expiration duquel une action ne peut plus être exercée se situe à la date d’exigibilité de l’obligation qui l’a fait naître (Civ. 3e, 2 mars 2022, n° 20-23.602 ; adde, 1er mars 2023, n° 21-23.176). De façon générale, le moment où le titulaire de l’action d’un droit prescriptible peut agir doit être fixé à la date d’exigibilité de la créance (Com. 8 déc. 2021, n° 20-10.407 ; Civ. 1re, 20 oct. 2021, n° 20-13.661). Au cas d’espèce, il n’était pas contestable qu’à la date à laquelle le refus de restitution lui a été opposé, le bénéficiaire de la promesse connaissait depuis fort longtemps son droit à agir en restitution, ce qui signifie qu’il a concrètement tardé à agir judiciairement. Or la Cour n’entend pas retarder le point de départ de la prescription dès lors qu’un point de départ objectif peut être déterminé de façon certaine. D’où son refus de le fixer en fonction de la connaissance subjective du titulaire de son droit, ce dernier ayant tout intérêt à le différer. Déjà adoptée dans des hypothèses variées, cette approche pragmatique se déploie ici pour s’appliquer de manière inédite à la demande en paiement de l’indemnité d’immobilisation ce qui, en pratique, confère à la présente décision une portée qui justifiait de la rapporter.
Références :
■ Civ. 3e, 2 mars 2022, n° 20-23.602 B : DAE, 31 mars 2022, obs. M. Hervieu ; D. 2022. 892, note T. Gérard ; AJ fam. 2022. 346, obs. J. Casey.
■ Civ. 3e, 1er mars 2023, n° 21-23.176 B : D. 2023. 462 ; ibid. 2024. 650, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; Rev. prat. rec. 2023. 19, chron. O. Salati.
■ Com. 8 déc. 2021, n° 20-10.407
■ Civ. 1re, 20 oct. 2021, n° 20-13.661 B : D. 2021. 1916 ; ibid. 2022. 574, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; ibid. 1828, obs. D. R. Martin et H. Synvet ; RDI 2022. 215, obs. J. Bruttin ; RTD civ. 2021. 885, obs. H. Barbier.
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