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[ 29 novembre 2024 ] Imprimer

Introduction au droit

Point sur la charge de la preuve

DAE vous propose un point sur la charge de la preuve.

Qui doit prouver ? C’est en ces termes simples que se pose la question de la charge de la preuve. Celle-ci se décline néanmoins, plus précisément, en deux sous-questions : la charge de prouver pèse-t-elle sur les parties ou sur le juge ? En principe, ce sont les parties qui assument la charge de prouver et non le juge. Mais quelle partie à l’instance se voit attribuer cette charge probatoire ? En principe, c’est le demandeur à l’instance qui endosse le fardeau de la preuve.

■ Les parties ou le juge ? 

● Dans le système inquisitoire, appliqué en matière pénale et administrative, le juge a la direction du procès ; il lui incombe de réunir les preuves.

● Dans le système accusatoire, qui régit le procès civil, les parties, parce qu’elles conduisent l’instance, doivent apporter la preuve de leurs droits ; le juge reste, en principe, neutre, soit inactif dans la recherche des preuves. Le litige étant, dans la procédure accusatoire, la chose des parties, il est logique que la charge de la preuve leur incombe. L’article 9 du Code de procédure civile énonce ainsi qu’« il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ». 

Cet article confère aux parties un rôle actif dans la procédure accusatoire en faisant peser sur elles la charge de la preuve. Leur charge probatoire est toutefois cantonnée par le texte aux « faits nécessaires au succès de leurs prétentions », ce qui signifie, sous l’angle de l’objet de la preuve, que la preuve demandée aux parties porte sur les faits, mais pas sur le droit (que le juge est censé connaître), et pas sur tous les faits : seuls les faits pertinents, ie en rapport avec le litige, et concluants, ie susceptibles d’avoir une incidence sur la solution à venir du litige, doivent être prouvés par les parties.

Si le rôle des parties dans la conduite du procès civil reste prépondérant, le principe de neutralité du juge doit, quant à lui, être relativisé (v. A. Marais, Introduction au droit, Vuibert, 10e éd., n°275s.) : le Code de procédure civile lui reconnaît en effet un double pouvoir d’initiative et d’injonction qui accroît son rôle dans l’administration de la preuve et atténue le caractère accusatoire du système procédural en matière civile.

Pouvoir d’initiative : le juge peut ordonner des mesures d’instruction, même d’office (c. pr. civ., art. 10), l’exercice de ce pouvoir ne pouvant toutefois servir à suppléer la carence des parties dans l’administration de la preuve (c. pr. civ., art. 146) ; dans le cas où celles-ci n’apporteraient aucun élément à l’appui de leurs prétentions, aucune mesure d’instruction ne pourra être ordonnée.

Pouvoir d’injonction : le juge peut ordonner à une partie ou à un tiers la production des preuves dans le procès civil. Cette production forcée est en outre renforcée par le renforcement d’un droit à la preuve, autorisant chaque partie à solliciter du juge qu’il contraigne son adversaire ou un tiers à verser des pièces aux débats (ex : l’expertise biologique, qui est de droit en matière de filiation).

■ Quelle partie au litige ? 

L’article 1353 du Code civil (anc. art. 1315) organise de manière chronologique l’ordre de production de production des preuves : 

● Dans un premier temps, le premier alinéa du texte dispose que « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ». La charge de la preuve incombe ainsi au demandeur à l’instance (actori incumbit probatio), qui supporte la charge d’établir la réalité des faits qu’il allègue à l’appui de sa prétention. Le défendeur à l’instance n’a quant à lui, à ce stade, rien à prouver.

Cette solution est fondée sur l’idée que le demandeur, parce qu’il entend remettre en cause une situation « normale », doit supporter le fardeau de la preuve (A. Marais, Introduction au droit, op.cit., n° 256). En effet, « normalement, personne ne doit rien à personne » (H. Roland et L. Boyer, Droit civil, Introduction au droit, Litec, 5e éd., n° 1525) ; par exemple, en droit des contrats, il en résulte que le vendeur qui réclame l’exécution du contrat de vente doit en établir l’existence, de même qu’en droit de la responsabilité extracontractuelle, la victime d’un dommage devra, pour en obtenir réparation sur le fondement de l’article 1240 du Code civil, établir la faute du défendeur, le préjudice subi et enfin, le lien de causalité entre la faute et le préjudice .

● Dans un deuxième temps, le second alinéa du texte prévoit que « réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ». C’est donc en soulevant une exception que le défendeur à l’instance devient demandeur à la preuve (reus in excipiendo fit actor).

Le demandeur à l’instance (qui introduit l’instance) n’est donc pas toujours le demandeur à la preuve (qui présente une allégation). Si à l’origine, le demandeur à l’instance est le demandeur à la preuve, une fois qu’il a prouvé son allégation, c’est le défendeur à l’instance qui devient le demandeur à la preuve en avançant des faits qui viennent combattre les prétentions de son adversaire ; par exemple, un locataire assigné en paiement de loyers par son bailleur, n’aura dans un premier temps aucune preuve à apporter ; le bailleur, demandeur à l’instance, est aussi demandeur à la preuve : il doit prouver l’existence du contrat de bail pour justifier son droit à percevoir les loyers réclamés. En revanche, si le locataire prétend les avoir déjà versés, en soulevant l’exception de paiement, il devient demandeur à la preuve et supportera la charge de prouver leur règlement.

 

Auteur :Merryl Hervieu


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