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Droit administratif général
Point sur la clause exorbitante
Mots-clefs : Contrat administratif, Clause exorbitante du droit commun, Clause exorbitante, Tribunal des conflits, Compétence, Nature du contrat
Le Tribunal des conflits a récemment donné une nouvelle définition de la notion de clause exorbitante, Dalloz Actu Étudiant fait un point sur cette notion.
Afin de déterminer si un contrat est administratif, le juge dispose de différents critères.
Tout d’abord, le juge recherche si le contrat peut être qualifié d’administratif par détermination de la loi (ex. : Loi du 28 pluviôse an VIII pour les marchés de travaux publics…). Ensuite, en cas de réponse négative, le juge est alors conduit à examiner le contrat au regard de critères dégagés par la jurisprudence. Ainsi, il examine si une clause exorbitante (critère matériel) permet de qualifier le contrat, dont au moins une personne publique est signataire (critère organique), de contrat administratif.
Il est d’usage de rappeler que la notion de clause exorbitante du droit commun a été dégagée par le Conseil d’État dans l’arrêt Société des granits porphyroïdes des Vosges du 31 juillet 1912. En l’espèce, il s’agissait d’un litige entre cette société et la ville de Lille relatif à un marché portant sur la fourniture de pavés. Afin de rejeter la requête pour incompétence, le Conseil d’État avait considéré que ce marché « avait pour objet unique des fournitures à livrer selon les règles et conditions des contrats intervenus entre particuliers ». Dans les conclusions relatives à cette affaire, le commissaire du gouvernement Léon Blum précisait :
« Quand il s'agit de contrat, il faut rechercher, non pas en vue de quel objet ce contrat est passé, mais ce qu'est ce contrat de par sa nature même. Et, pour que le juge administratif soit compétent, il ne suffit pas que la fourniture qui est l'objet du contrat doive être ensuite utilisée pour un service public ; il faut que ce contrat par lui-même, et de par sa nature propre, soit de ceux qu'une personne publique peut seule passer, qu'il soit, par sa forme et sa contexture, un contrat administratif… Ce qu'il faut examiner, c'est la nature du contrat lui-même indépendamment de la personne qui l'a passé et de l'objet en vue duquel il a été conclu ».
Le commissaire du gouvernement considérait que le critère du contrat administratif était donc la présence de clauses exorbitantes du droit commun, c'est-à-dire de clauses qui ne se trouveraient pas dans un contrat de droit privé.
Toutefois, il convient de rappeler que si la doctrine fait remonter l’expression de clause exorbitante du droit commun à cet arrêt de 1912, elle apparaît pour la première fois dans la décision du Tribunal des conflits Sieur Iossifoglu du 7 mars 1923 : « les affrètements étaient conclus dans les conditions habituelles offertes à tout affréteur, et aucune des deux chartes-parties ne contenait de clause exorbitante du droit commun ».
Quant à sa définition, elle a été précisée par un arrêt du Conseil d'État de 1950 (CE 20 oct. 1950, Stein) et reprise depuis lors par certaines décisions des juridictions judiciaires (v. par ex. : Civ. 1re, 20 sept. 2006) et par le Tribunal des conflits (v. par ex. : T. confl. 15 nov. 1999, Commune de Bourisp).
Ainsi, il faut entendre par clause exorbitante du droit commun, toute « clause ayant pour objet de conférer aux parties des droits ou de mettre à leur charge des obligations, étrangers par leur nature à ceux qui sont susceptibles d'être librement consentis par quiconque dans le cadre des lois civiles et commerciales ».
Toutefois cette définition a souvent fait l’objet de critiques.
L’apport de la décision du Tribunal des conflits SA AXA France IARD du 13 octobre 2014 consiste en une définition positive de cette notion.
En l’espèce, il s’agissait de déterminer, pour le Tribunal des conflits, la nature d’un contrat de mise à disposition d’un ensemble immobilier destiné à la pratique de l’aviron, conclu entre une commune et une association.
Dans cette affaire, le Tribunal a donné compétence au juge judiciaire : « le contrat litigieux ne comporte aucune clause qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l’exécution du contrat, implique, dans l’intérêt général, qu’il relève du régime exorbitant des contrats administratifs. »
Cette définition positive ne retient plus la notion de « droit commun ». À ce sujet, dans ses conclusion, le rapporteur souligne que : « Le droit commun ne constitue pas en réalité une référence très claire et très sûre. En outre et surtout, de ce qu’une clause ne serait pas de droit commun, il ne peut être inféré mécaniquement qu’elle serait administrative. Il n’y a pas de relation nécessaire entre l’anormalité d’une clause en droit privé et la qualification administrative du contrat. En fait, entre le contrat de droit privé ordinaire et le contrat administratif il y a place pour le contrat de droit privé inusuel, illicite, léonin… et donc, d’une certaine manière, exorbitant. Cela est si vrai que, dans la jurisprudence judiciaire, sont indifféremment désignées sous la même expression de “ clauses exorbitantes du droit commun ”, non seulement celles qui déterminent le caractère administratif du contrat mais également des clauses qui, dans des contrats demeurant de droit privé, imposent à l’une des parties des obligations ou lui confèrent des droits au-delà des prévisions légales ou des usages ».
Ainsi, le commentaire relatif à la décision, en ligne sur le site du Tribunal des conflits, précise que le Tribunal définit désormais la clause exorbitante comme celle qui implique, dans l’intérêt général, que le contrat relève du régime exorbitant des contrats administratifs.
La décision du 13 octobre 2014 mentionne, par un « notamment », l’hypothèse des clauses reconnaissant à la personne publique contractante des prérogatives dans l’exécution du contrat.
Références
■ CE 31 juill. 1912, Société des granits porphyroïdes des Vosges, P. Delvolvé, M. Long, P. Weil, G. Braibant, B. Genevois, Les grands arrêts de la jurisprudence administrative, 19e éd., Dalloz, 2013, n°25.
■ T. confl. 7 mars 1923, Sieur Iossifoglu.
■ CE 20 oct. 1950, Stein, n° 98459, Lebon 505.
■ Civ. 1re, 20 sept. 2006, n° 04-13.480.
■ T. confl. 15 nov. 1999, Commune de Bourisp, n° 3144, Lebon ; RDI 2000. 158, obs. L. Vallée.
■ T. confl. 13 oct. 2014, SA AXA France IARD, n° 3963, AJDA 2014. 2180, chron. J. Lessi et L. Dutheillet de Lamothe.
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