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[ 16 juin 2022 ] Imprimer

Libertés fondamentales - droits de l'homme

Point sur la dissolution administrative des associations et des groupements de fait

Le principe fondamental reconnu par les lois de la République de la liberté d’association selon lequel les associations se constituent librement interdit l'intervention préalable de l'autorité administrative ou même de l'autorité judiciaire (Cons. const. 16 juillet 1971, n° 71-44 DC). Toutefois ce principe n’interdit pas la dissolution des associations. Une dissolution peut être volontaire ou judiciaire (L. du 1er juill. 1901, art. 7) ou administrative.

La dissolution administrative des associations ou des groupements de fait est prononcée sur la base soit des dispositions de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure qui reprend les hypothèses de dissolution prévues à l’origine par la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privés, soit de celles de l’article L. 212-1-1 du même code issu de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, soit enfin, pour les groupes de supporters, sur la base des dispositions de l'article L. 212-2 du code précité. 

-        L’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure, dont les dernières modifications sont issues de la loi du 24 août 2021, prévoit que le Président de la République peut dissoudre, par décret en Conseil des ministres, une association ou un groupement de fait pour sept motifs :

·       1. provocation à des manifestations armées (ex :  diffusion de tracts et d'affiches et consignes données aux militants : CE, ass., 21 juill. 1970, Krivine et Franck, n° 76179) ou à des agissements violents à l'encontre des personnes ou des biens (V. CE, réf., 16 mai 2022, n° 462954 : suspension de la dissolution). La loi confortant le respect des principes de la République a ajouté à la liste des motifs de dissolution d’une association ou d’un groupement de fait les agissements violents à l’encontre des personnes et des biens. Le Conseil constitutionnel a estimé que ces dispositions visaient uniquement les associations ou groupements de fait qui provoquent à la commission d'agissements violents à l'encontre des personnes ou des biens. Elles ne permettent d'imputer aux associations et groupements de fait les agissements de leurs membres que lorsqu'ils les ont commis en cette qualité ou que ces agissements sont directement liés aux activités de l'association ou du groupement, et que leurs dirigeants, bien qu'informés, se sont abstenus de prendre les mesures nécessaires pour les faire cesser, compte tenu des moyens dont ils disposaient (Cons. const. 13 août 2021, n° 2021-823 DC, § 37) ;

·       2. présentation, par sa forme et son organisation militaires, du caractère de groupes de combat ou de milices privées (CE 30 juill. 2014, Assoc. «Envie de rêver» et a., n° 370306);

·       3. atteinte à l'intégrité du territoire national ou à la forme républicaine du Gouvernement (ex : reconnaissance du peuple corse et de ses droits nationaux par la lutte de libération nationale : CE 16 oct. 1992, Battesti, n° 85957). Depuis la loi du 24 août 2021, ces dispositions ne concernent plus uniquement l’« objet » de l’association mais également son « action »;

·       4. opposition au rétablissement de la légalité républicaine ;

·       5. rassemblement d’individus ayant fait l'objet de condamnation du chef de collaboration avec l'ennemi, ou exaltation de cette collaboration (CE 30 déc. 2014, Assoc. «L'oeuvre française» et a., n° 372322);

·       6. provocation ou contribution à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine , de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée, ou propagation des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence (ex : association entretenant des liens étroits avec deux associations prônant le rejet des valeurs de la République et l'hostilité aux chrétiens et aux chiites: CE 15 déc. 2017, Assoc. des musulmans de Lagny-sur-Marne, n° 401378);

·       7. agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l'étranger (CE 26 janv. 2018, Assoc. Fraternité musulmane Sanâbil-Les Épis, n° 407220).

-        Par ailleurs, l’article L. 212-1-1 du code de la sécurité intérieure, créé par la loi du 24 août 2021, prévoit désormais que peuvent être imputés à l’association ou au groupement de fait certains agissements commis par ses membres qui peuvent amener à une dissolution administrative. Toutefois, cette responsabilité «par ricochet» est très encadrée, il s’agit des associations ou groupements de fait qui provoquent à la commission d'agissements violents à l'encontre des personnes ou des biens. De plus les agissements de leurs membres doivent avoir été commis en cette qualité ou ces agissements doivent être directement liés aux activités de l'association ou du groupement, et leurs dirigeants, bien qu'informés, se sont abstenus de prendre les mesures nécessaires pour les faire cesser, compte tenu des moyens dont ils disposaient (CE, réf., 29 avr. 2022, n° 462736 : suspension de la dissolution). 

-        Enfin l’article L. 212-2 du code de la sécurité intérieure prévoit la dissolution des associations de supporters lorsque des membres ont commis en réunion, en relation ou à l'occasion d'une manifestation sportive, des actes répétés ou un acte d'une particulière gravité et qui sont constitutifs de dégradations de biens, de violence sur des personnes ou d'incitation à la haine ou à la discrimination contre des personnes à raison de leur origine, de leur orientation sexuelle ou identité de genre, de leur sexe ou de leur appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée (V. C. sport, art. L. 332-18. ex : dissolution de 2 associations de supporters du Paris Saint-Germain : CE 13 juill. 2010, Assoc. Les Authentiks, n° 339257 ; CE 13 juill. 2010, Assoc. Supras Auteuil 91, n° 339293 ; CEDH 22 févr. 2011, Assoc. nouvelle des Boulogne Boys c/ France, n° 6468/09 ; CEDH 27 oct. 2016, Les Authentiks et Supras Auteuil 91 c/ France, n° 4696/11).

À noter que la loi confortant le respect des principes de la République de 2021 ajoutait un article L. 212-1-2 au code de la sécurité intérieure permettant au ministre de l’intérieur de prononcer la suspension des activités d'une association ou d'un groupement de fait faisant l'objet d'une procédure de dissolution sur le fondement de l'article L. 212-1 du même code, en cas d'urgence et à titre conservatoire, pour une durée maximale de trois mois, renouvelable une fois. Le Conseil constitutionnel a estimé que cette disposition portait atteinte à la liberté d’association et l’a déclarée inconstitutionnelle (Cons. const. 13 août 2021, n° 2021-823 DC, § 44).

Toute décision administrative de dissolution peut faire l’objet d’un recours devant le juge administratif, y compris par la voie du référé. Le juge vérifie si la mesure est adaptée, nécessaire et proportionnée à la finalité de sauvegarde de l'ordre public poursuivie, eu égard à la gravité des troubles susceptibles de lui être portés par les associations et groupements de fait visés.

Références

■ Cons. const. 16 juillet 1971, n° 71-44 DC

■ CE, ass., 21 juill. 1970, Krivine et Franck, n° 76179 A

■ CE, réf., 16 mai 2022, n° 462954 AJDA 2022. 1011

■ Cons. const. 13 août 2021, Loi confortant le respect des principes de la République, n° 2021-823 DC AJDA 2021. 1656 ; D. 2021. 1543; AJ fam. 2021. 451, obs. F. Capelier ; Légipresse 2021. 393

■ CE 30 juill. 2014, Assoc. «Envie de rêver» et a., n° 370306 A : AJDA 2014. 2167, étude Rambaud ; RFDA 2014. 1158, concl. Crépey

■ CE 16 oct. 1992, Battesti, n° 85957 A : AJDA 1993. 156, obs. J.-P. Théron ; RTD com. 1993. 134, obs. E. Alfandari

■ CE 30 déc. 2014, Assoc. «L'oeuvre française» et a., n° 372322 B: AJDA 2015. 939, note Rambaud

■ CE 15 déc. 2017, Assoc. des musulmans de Lagny-sur-Marne, n° 401378

■ CE 26 janv. 2018, Assoc. Fraternité musulmane Sanâbil-Les Épis, n° 407220 B : AJDA 2018. 197 ; JA 2018, n° 575, p. 11, obs. S. Zouag

■ CE, réf., 29 avr. 2022, n° 462736 AJDA 2022. 900 ; JA 2022, n° 660, p. 14, obs. X. Delpech

■ CE 13 juill. 2010, Assoc. Les Authentiks, n° 339257 A: AJDA 2010. 1452 . 

■ CE 13 juill. 2010, Assoc. Supras Auteuil 91, n° 339293 AJDA 2010. 1452 ; D. 2011. 703, obs. Centre de droit et d'économie du sport

■ CEDH 22 févr. 2011, Assoc. nouvelle des Boulogne Boys c/ France, n° 6468/09 DAE 24 mars 2011

■ CEDH 27 oct. 2016, Les Authentiks et Supras Auteuil 91 c/ France, n° 4696/11 : DAE 30 nov. 2016 ; AJDA 2016. 2071 ; JA 2016, n° 549, p. 10, obs. E. Benazeth

Pour aller plus loin : 

Dissolution administrative : une exception au principe de liberté d'association !, Colas Amblard, JA 2022, n°653, p. 31

 

Auteur :Christelle de Gaudemont

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