Actualité > À la une

À la une

[ 30 septembre 2011 ] Imprimer

Droit de la santé

Point sur la loi bioéthique

Mots-clefs : Anonymat, Don des gamètes, Don d'organes, Gestation pour autrui, PMA, Embryon, Information génétique familiale

Le Parlement a voté le 7 juillet 2011 la loi n°2011-814 relative à la bioéthique. Cette nouvelle loi, qui réaffirme des principes fondamentaux en vigueur comme l’anonymat du don de gamètes, l’interdiction de la gestation pour autrui ou celle de la procréation post-mortem modifie cependant le droit en vigueur dans plusieurs domaines. La bioéthique est, en effet, une matière changeante où les réformes accompagnent souvent le progrès scientifique tout en tentant de l’encadrer. Qu’en est-il depuis les premières lois bioéthiques nos 94-653 et 94-654 du 9 juillet 1994? Dalloz Actu Étudiant fait le point.

L’article 1er de la loi prévoit la ratification officielle par la France de la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine signée à Oviedo le 4 avril 1997. Cette convention énonce les principes fondamentaux applicables à la fois à la médecine quotidienne et à la recherche bioéthique. La loi bioéthique du 7 juillet 2011 s’apparente plus à une loi de compromis, fruit de nombreux débats, qu’à une loi vraiment révolutionnaire en matière de bioéthique. On peut rappeler que la Commission mixte paritaire a supprimé le chapitre dédié à la recherche sur l’homme, trop de divergences existant entre l’Assemblée nationale et le Sénat. En outre, des questions comme le droit à mourir dans la dignité ou le droit à disposer du cadavre n’ont pas été abordées. Passons en revue les principaux points de la réforme :

Anonymat du don de gamètes (Titre V article 27)

Le principe d’anonymat continue de prévaloir dans ce domaine, à une exception près : si une anomalie génétique grave est diagnostiquée chez une personne qui a fait un don de gamètes ou chez un couple qui a fait un don d’embryons, les enfants issus du don peuvent en être informés par le responsable du centre d’assistance médicale à la procréation.

Diagnostic préimplantatoire (DIP) (Titre III article 21)

Ce diagnostic sert à vérifier que l’embryon ne soit atteint d’aucune maladie avant son implantation dans le ventre de la mère dans le cadre d’une fécondation in vitro. Le terme de préimplantatoire est désormais inséré dans le Code de la santé publique et le double DPI (DPI-HLA) reste autorisé mais seulement comme unique et dernier recours.

Diagnostic prénatal (Titre III article 20)

Une des grandes innovations de la loi est l’extension du diagnostic prénatal. Elle prévoit qu’en plus de l’échographie, des examens complémentaires (biologie médicale et imagerie) puissent être réalisés à la seule demande de la femme et plus seulement lorsque les conditions médicales l’exigent.

Don d’organes (Titre II articles 7, 8 et 18)

Le don d’organes reste subordonné à trois conditions :

–  la gratuité;

–  l’anonymat ;

–  et le consentement.

Le cercle des personnes pouvant effectuer un don de leur vivant est élargi. Si au départ les seuls membres de la cellule familiale stricto sensu étaient concernés, la loi intègre désormais les familles recomposées ou encore les proches. Il faut que le donneur apporte la preuve d’un lien affectif d’au moins deux ans avec le receveur.

En cas d’incompatibilité entre donneur et receveur, la loi autorise pour la première fois le don d’organes croisé (art L. 1231-1 et s. CSP mod.). Cette technique permet d’autoriser le don d’organes entre personnes vivantes, ne se connaissant pas et ne présentant aucun lien de parenté mais une forte compatibilité. Cette hypothèse est limitée aux greffes de reins.

La femme enceinte peut faire don de cellules du cordon et du placenta pendant sa grossesse, mais à des seules fins scientifiques ou thérapeutiques. Le don est anonyme, gratuit et révocable à tout moment. Il faut ajouter que le placenta est désormais exclu du régime des déchets opératoires et qu’il rejoint le statut à part entière de cellules et tissus du corps humains, il va donc pouvoir être utilisé dans le cadre de recherches et servir pour les greffes.

Une information relative au don d’organe aura lieu dans les lycées et les établissements d’enseignement supérieur.

Information génétique familiale (Titre I article 2)

La loi autorise la parentèle (famille proche) d’une personne à avoir connaissance de la maladie génétique grave dont le membre de leur famille est affecté. La loi dispose que le médecin informe le malade « des risques qu’un silence ferait courir aux membres de sa famille potentiellement concernée ». En effet, « la personne est tenue d’informer les membres de sa famille potentiellement concernés ». Si le malade ne veut pas connaître le diagnostic ou ne désire pas informer lui-même sa famille, c’est le médecin prescripteur qui effectue la démarche.

Procréation médicalement assistée (PMA) (Titre VI articles 31 et 33)

La loi limite cette pratique à deux conditions. Un couple peut y avoir accès lorsque :

son infertilité a été médicalement diagnostiquée ;

–  une maladie grave risque d’être transmise à l’enfant ou à un membre du couple.

L’exigence de deux ans de vie commune pour les concubins est supprimée.

La nouvelle loi autorise la technique de congélation des ovocytes, appelée vitrification ovocytaire. Cela vise à conserver les ovocytes pour augmenter le nombre de dons, la France souffrant d’une carence de dons d’ovocytes.

Recherches et études sur l’embryon et sur les cellules souches embryonnaires (Titre VII articles 40 et 41)

La loi réaffirme le principe déjà existant et dispose que « la recherche sur l’embryon humain, les cellules souches embryonnaires et les lignées de cellules souches est interdite ». De même, il est interdit de créer des embryons transgéniques ou chimiques.

Des exceptions sont prévues, et sans limitation de loi dans le temps, ce qui était le cas auparavant (ancienne limitation de cinq ans). La recherche et les études sur les embryons sont autorisées si les conditions suivantes sont réunies :

 « la pertinence du projet de recherche scientifique est établie »

 « la recherche est susceptible de permettre des progrès médicaux majeurs »

 il est « expressément établi qu’il est impossible de parvenir au résultat escompté par le biais d’une recherche ne recourant pas à des embryons humains, des cellules souches embryonnaires ou des lignées de cellules souches »

 « le projet de recherche et les conditions de mise en œuvre du protocole respectent les principes éthiques relatifs à la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires »    

L’autorisation est délivrée par l’Agence de biomédecine, après avis de son conseil d’orientation. La recherche ne peut être effectuée que sur des embryons conçus in vitro dans le cadre d’une PMA et qui ne font plus l’objet d’un projet parental. Le couple duquel les embryons sont issus doit donner son consentement écrit, préalable, libre et éclairé, consentement qui est révocable sans motif tant que la recherche n’a pas commencé. Le couple est informé des autres possibilités, comme le don des embryons à un autre couple ou l’arrêt de leur conservation.

Quant à l’étude sur les embryons, elle doit porter sur les soins à leur donner ou sur l’amélioration de la PMA, et ce sans procéder à leur destruction.

Il faut ajouter qu’aucun médecin ni chercheur n’est obligé de participer aux recherches.

Enfin, tous les cinq ans se tiendront des états généraux pour faire le point sur la loi et éventuellement engager un processus de réforme. La tenue d’états généraux est obligatoire préalablement à toute réforme. Une révision est prévue tous les sept ans, et une évaluation de l’application de la loi sera réalisée par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) au bout de six ans.

Références

■ D. Borillo, Bioéthique, Dalloz, 2011, à paraître le 5 octobre 2011.

■ Pour un dossier sur la loi bioéthique, v. D. 2010. 2213 et s. : http://www.dalloz-revues.fr/revues/Recueil_Dalloz-21.htm

 Loi bioéthique :  http://legifrance.gouv.fr/jopdf/common/jo_pdf.jsp?numJO=0&dateJO=20110708&numTexte=1&pageDebut=11826&pageFin=11835

 

Agence de la biomédecine

[Droit civil]

« Établissement public administratif de l’État, placé sous la tutelle du ministre chargé de la Santé et compétent dans des domaines de la greffe, de la reproduction, de l’embryologie et de la génétique humaines. Elle se substitue à l’Établissement français des greffes et a notamment pour missions, dans son domaine de compétence, de participer à l’élaboration et l’application de la réglementation et de règles de bonnes pratiques et de formuler des recommandations ; d’assurer une information permanente du Parlement et du gouvernement sur le développement des connaissances et des techniques; de suivre, d’évaluer et de contrôler les activités médicales et biologiques, notamment celles liées aux nanobiotechnologies et de veiller à la transparence de ces activités ; de promouvoir le don d’organes, de tissus et de cellules issus du corps humains, ainsi que le don de gamètes; de mettre en œuvre un suivi de l’état de santé des donneurs d’organes et d’ovocytes, afin d’évaluer les conséquences du prélèvement sur la santé des donneurs; d’enregistrer et de gérer l’inscription des patients en attente de greffe, de gérer l’attribution des greffons, d’élaborer les règles de répartition et d’attribution des greffons en tenant compte du caractère d’urgence que peuvent revêtir certaines indications; de gérer les fichiers des donneurs volontaires de cellules hématopoïétiques ou de cellules mononucléées périphériques pour les malades qui ne peuvent recevoir une greffe apparentée, etc. »

 

Bioéthique

[Droit civil/Droit pénal]

« Éthique gouvernant les recherches médicales et leurs applications pratiques à l’être humain. Désigne aussi la discipline qui réfléchit à cette question. Les lois de bioéthique, assorties de sanctions pénales, portent sur le respect du corps humain, l’étude génétique de la personne, le don et l’utilisation des éléments et produits du corps humain, l’assistance médicale à la procréation, la recherche biomédicale sur une personne aux fins thérapeutiques ou scientifiques, les diagnostics prénatal et préimplantatoire. »

 

Diagnostic prénatal

[Droit civil]

« Ce diagnostic s’entend des pratiques médicales ayant pour but de détecter in utero chez l’embryon ou le fœtus une affection d’une particulière gravité ; il doit être précédé d’une consultation médicale adaptée à l’affection recherchée. »

Embryon humain

[Droit civil]

« Désigne le produit de la conception humaine pendant les 3 premiers mois de la vie utérine. À partir du quatrième mois, l’embryon devient fœtus au moment où se dessinent les caractères spécifiques de l’espèce humaine. La recherche sur l’embryon humain est en principe interdite, de même que la conception, in vitro, d’embryon ou sa constitution par clonage à des fins de recherche ; un embryon humain ne peut être conçu ni constitué par clonage à des fins commerciales ou industrielles ; est enfin interdite toute constitution par clonage d’un embryon humain à des fins thérapeutiques.

La mise en œuvre de la recherche sur l’embryon humain et les cellules embryonnaires est strictement encadrée (elle doit permettre, selon la loi, " des progrès thérapeutiques majeurs poursuivant une visée thérapeutique pour le traitement de maladies particulièrement graves ou incurables ou le traitement des affections de l’embryon ou du fœtus "), de même que les conditions d’importation et d’exportation de tissus ou cellules embryonnaires ou fœtaux à des fins de recherche, ainsi que les modalités de conservation des cellules souches embryonnaires à des fins scientifiques. »

Organe humain

[Droit général]

« Partie du corps humain nettement identifiable par sa fonction spécifique (le foie, les reins par ex.) et qui ne peut, en l’état actuel de la science, se reconstituer après ablation. Son don est strictement réglementé par la loi et doit être gratuit. »

Procréation médicalement assistée (PMA)

[Droit civil]

« Elle s’entend des pratiques chimiques et biologiques permettant la conception in vitro, le transfert d’embryons et l’insémination artificielle, ainsi que de toute technique d’effet équivalent permettant la procréation en dehors du processus naturel.

L’assistance médicale à la procréation n’est admise par la loi que comme un remède à une infertilité pathologique médicalement établie.

Le consentement donné à une procréation médicalement assistée avec tiers donneur interdit toute action aux fins d’établissement ou de contestation de la filiation. »

 

Source : Lexique des termes juridiques 2012, 19e éd., Dalloz, 2011.

 

Auteur :L. F.


  • Rédaction

    Directeur de la publication-Président : Ketty de Falco

    Directrice des éditions : 
    Caroline Sordet
    N° CPPAP : 0122 W 91226

    Rédacteur en chef :
    Maëlle Harscouët de Keravel

    Rédacteur en chef adjoint :
    Elisabeth Autier

    Chefs de rubriques :

    Le Billet : 
    Elisabeth Autier

    Droit privé : 
    Sabrina Lavric, Maëlle Harscouët de Keravel, Merryl Hervieu, Caroline Lacroix, Chantal Mathieu

    Droit public :
    Christelle de Gaudemont

    Focus sur ... : 
    Marina Brillié-Champaux

    Le Saviez-vous  :
    Sylvia Fernandes

    Illustrations : utilisation de la banque d'images Getty images.

    Nous écrire :
    actu-etudiant@dalloz.fr