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Droit de la consommation
Point sur la loi « Consommation »
Mots-clefs : Consommation, Action de groupe, Associations agréées de défense des consommateurs, Préjudices patrimoniaux Dommages matériels, Transposition de la directive 2011/83/UE, Sanctions
Publiée au JO le 17 mars 2014 après un examen par le Conseil constitutionnel, la loi sur la consommation intègre désormais en droit français l’action de groupe. Entre autre mesure favorable au consommateur, elle permet aussi à la France de se conformer au droit de l’Union européenne.
Jusqu’alors rejetée, l’idée d’introduire l’action de groupe en droit français de la consommation vient enfin d’être consacrée (C. consom., art. L. 423-1 s.). Mesure phare de la loi Hamon, l’action de groupe, forme de recours collectif importé des États-Unis, a toujours suscité autant d’enthousiasme que de méfiance.
Si d’aucuns vantent sa capacité à remédier à une « judiciarisation » excessive de la société française, tout en offrant aux victimes d’un préjudice de masse la chance d’obtenir une meilleure réparation, la class action est également décriée en raison des risques qu’elle présente : l’encombrement des prétoires et le déséquilibre de l’économie consécutif à la multiplication des procès susceptibles d’être intentés contre des entreprises aux sources de la croissance. Ainsi l’action de groupe est-elle redoutée par certaines grandes puissances financières car en permettant un regroupement de plaignants individuels qui, seuls, n’auraient pas les moyens de se défendre, elle leur permet d’éviter une stratégie du « diviser pour régner ».
Toute la difficulté de sa mise en œuvre vient donc des enjeux financiers en cause. Nul ne s’étonnera donc que l’action de groupe, telle qu’elle vient d’être reconnue en droit français, soit assez éloignée de l’approche Nord-américaine du dispositif et, à ce titre, strictement encadrée :
– d’une part, seules les associations agréées de défense des consommateurs sont autorisées à l’exercer ;
– d’autre part, seuls sont susceptibles d’être réparés, par cette voie, les préjudices patrimoniaux résultant des dommages matériels subis par les consommateurs en cas de manquement d’un professionnel à ses obligations contractuelles ou aux règles de la concurrence, quoiqu’une réflexion soit engagée pour étendre cette action aux dommages environnementaux et médicaux.
Sur le plan procédural, l’exercice de l’action se divise en deux phases :
– la première porte sur la détermination de la responsabilité du professionnel, que le juge devra définir en même temps que le groupe de consommateurs éligibles à l’indemnisation, dont le montant ou, du moins, les éléments nécessaires à son évaluation, seront, également à ce stade, établis. Aussi le juge devra-t-il fixer les délais et modalités selon lesquels les consommateurs pourront adhérer au groupe préalablement défini à l’effet d’obtenir réparation de leurs préjudices, dans un délai qui devra également être déterminé ;
– la seconde phase de la procédure porte sur la liquidation de ces préjudices. La réparation sera versée sur un compte spécial dont la titularité sera réservée à l’association requérante. Aussi la transaction est-elle, à ce stade, encouragée, quoiqu’encadrée : une médiation pourra être engagée mais l’accord, négocié au nom du groupe, devra par la suite être soumis à l’homologation du juge, chargé de vérifier sa conformité à l’intérêt des consommateurs.
Par ailleurs, certains régimes spéciaux ont été prévus par la loi nouvelle :
– tout d’abord, dans le domaine de la concurrence, le juge ne pourra engager la responsabilité du professionnel que sur le fondement d’une décision constatant ses manquements, que celle-ci soit prononcée par les autorités ou juridictions nationales compétentes ou par celles de l’Union européenne (C. consom., art. L. 423-17). ;
– ensuite, la possibilité d’exercer une action de groupe simplifiée a été reconnue par la nouvelle loi (C. consom., art. L. 423-10) pour le cas où l’identité et le nombre des consommateurs lésés sont connus et lorsque ceux-ci ont subi un préjudice d’un même montant. Dans cette hypothèse, le juge pourra ordonner au professionnel responsable d’indemniser directement chacun des consommateurs lésés dans un délai déterminé et selon les modalités qu’il fixe.
Il faut souligner que la loi prend soin de réputer non écrite toute clause ayant pour objet ou pour effet d’interdire à un consommateur de participer à une action de groupe (C. consom., art. L. 423-25).
La loi « Consommation » ne se résume toutefois pas à l’introduction de l’action de groupe en droit français, quoique celle-ci en constitue la mesure la plus remarquable. En effet, d’autres dispositions importantes ont été prises :
– en premier lieu, la nouvelle loi rend le droit interne conforme au droit de l’Union européenne, dans le sens d’un rééquilibrage des forces économiques entre consommateurs et entreprises. À cette fin, la loi assure d’abord la transposition de la directive 2011/83/UE sur les droits des consommateurs, qui se voient ainsi renforcés : notamment, l’obligation d’information du consommateur est accrue et le droit de rétractation qui lui est reconnu dans les contrats conclus à distance et hors établissement (i.e.hors du lieu habituel d’exercice de l’activité), étendu par l’allongement du délai légal. Ensuite, la loi relaye la jurisprudence de l’Union, spécialement celle relative aux ventes avec prime et à l’effet erga omnes de la déclaration de clauses abusives.
– en second lieu, la loi tend à renforcer l’effectivité du droit de la consommation par l’augmentation des plafonds des sanctions prévues et l’instauration de nouvelles sanctions administratives mises en œuvre par la DGCCRF.
Soulignons enfin que le Conseil constitutionnel (Cons. const. 13 mars 2014), n’a censuré les dispositions qui prévoyaient la création d’un fichier recensant les crédits à la consommation accordés aux particuliers. Le Conseil a en effet estimé que l’existence de ce fichier aurait porté atteinte au respect de la vie privée dans la mesure où il aurait visé un très grand nombre de personnes (plus de douze millions) alors que plusieurs milliers de personnes auraient été habilitées à le consulter.
Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, JO 17 mars
Références
■ Cons. const. 13 mars 20104, déc. n°2014-690 DC.
■ Code de la consommation
« Une association de défense des consommateurs représentative au niveau national et agréée en application de l'article L. 411-1 peut agir devant une juridiction civile afin d'obtenir la réparation des préjudices individuels subis par des consommateurs placés dans une situation similaire ou identique et ayant pour cause commune un manquement d'un ou des mêmes professionnels à leurs obligations légales ou contractuelles :
1° A l'occasion de la vente de biens ou de la fourniture de services ;
2° Ou lorsque ces préjudices résultent de pratiques anticoncurrentielles au sens du titre II du livre IV du code de commerce ou des articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
L'action de groupe ne peut porter que sur la réparation des préjudices patrimoniaux résultant des dommages matériels subis par les consommateurs. »
« Lorsque l'identité et le nombre des consommateurs lésés sont connus et lorsque ces consommateurs ont subi un préjudice d'un même montant, d'un montant identique par prestation rendue ou d'un montant identique par référence à une période ou à une durée, le juge, après avoir statué sur la responsabilité du professionnel, peut condamner ce dernier à les indemniser directement et individuellement, dans un délai et selon des modalités qu'il fixe.
Préalablement à son exécution par le professionnel et selon des modalités et dans le délai fixés par le juge, cette décision, lorsqu'elle n'est plus susceptible de recours ordinaires ni de pourvoi en cassation, fait l'objet de mesures d'information individuelle des consommateurs concernés, aux frais du professionnel, afin de leur permettre d'accepter d'être indemnisés dans les termes de la décision.
En cas d'inexécution par le professionnel, à l'égard des consommateurs ayant accepté l'indemnisation, de la décision rendue dans le délai fixé, les articles L. 423-12 et L. 423-13 sont applicables et l'acceptation de l'indemnisation dans les termes de la décision vaut mandat aux fins d'indemnisation au profit de l'association.
Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application de la présente section. »
« Lorsque les manquements reprochés au professionnel portent sur le respect des règles définies au titre II du livre IV du code de commerce ou des articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, la responsabilité du professionnel ne peut être prononcée dans le cadre de l'action mentionnée à l'article L. 423-1 que sur le fondement d'une décision prononcée à l'encontre du professionnel par les autorités ou juridictions nationales ou de l'Union européenne compétentes, qui constate les manquements et qui n'est plus susceptible de recours pour la partie relative à l'établissement des manquements.
Dans ces cas, les manquements du professionnel sont réputés établis de manière irréfragable pour l'application de l'article L. 423-3. »
« Est réputée non écrite toute clause ayant pour objet ou effet d'interdire à un consommateur de participer à une action de groupe. »
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