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Droit de la famille
Point sur la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Mots-clefs : Mariage, Filiation, Adoption, Autorité parentale, DIP, Conseil constitutionnel, Couple homosexuel
Le mardi 23 avril 2013, le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe a définitivement été adopté par l’Assemblée nationale. Ce projet avait été voté en première lecture par les députés, le 12 février 2013 après examen d’environ 5000 amendements avant d’être adopté par le Sénat le 12 avril 2013. La France devrait ainsi devenir le 9e pays européen, et le 14e au monde, à dire « oui » aux mariages homosexuels même si parmi ces pays, tous ne « couplent » pas mariage avec filiation. Dalloz Actu Étudiant fait le point sur les aspects essentiels de cette loi qui fait actuellement l’objet d’une saisine du Conseil constitutionnel.
Jusqu’alors, le droit français érigeait la différence sexuelle en condition de fond du mariage. Les conséquences de sa suppression sont immenses, notamment parce que le droit civil lie mariage et filiation, la seconde découlant du premier. C’est la raison pour laquelle ce projet de loi impliquait de réécrire un nombre important de dispositions, principalement issues du Code civil.
Plurielles et d’inégale importance, les modifications prévues ont en commun d’annoncer, le remplacement des termes masculins et féminins par des termes asexués : ainsi, les expressions « mari et femme » et « père et mère » seront-elles remplacées par les vocables plus neutres d’« époux » et de « parents ». Mais l’essentiel est ailleurs.
▪ Concernant, tout d’abord, les dispositions relatives au mariage, le texte phare (C. civ., art. 143), aux termes duquel « le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe » implique tout d’abord d’étendre aux couples homosexuels les droits jusqu’alors reconnus aux couples mariés hétérosexuels : possibilité de conclure un contrat de mariage, choix d’un régime matrimonial, vocation successorale, possibilité d’échanger ou d’accoler les noms. Les modifications ensuite apportées ont trait aux règles de conflits de lois. Le texte en simplifie le mécanisme en prévoyant une dérogation à la compétence de principe de la loi personnelle, en ce sens qu'il sera possible pour deux personnes de même sexe de se marier en France bien que l'une d'elles ou les deux ai[en]t la nationalité d’un pays dont la loi personnelle prohibe le mariage homosexuel (C. civ., art. 202-1).
▪ Concernant, ensuite, les dispositions relatives à la filiation, seules les règles applicables à l’adoption ont été revues, la question du recours à la procréation médicalement assistée (PMA) devrait être examinée lors d’une prochaine loi sur la famille.
Tout d’abord, l'adoption simple ou plénière de l'enfant du conjoint sera désormais possible lorsque cet enfant aura antérieurement fait l'objet d'une adoption simple ou plénière par ce seul conjoint. L’opposition dénonce l’inconstitutionnalité du volet « adoption plénière » en faisant l’analyse suivante : en droit français, la filiation suppose d’inscrire, sur l’acte de naissance de l’enfant, une mère et un père. Par ailleurs, l'adoption dite « plénière » a pour effet de rompre tout lien de filiation entre l'enfant et ses parents biologiques. Or, dans le cas de couples homosexuels, seuls ses deux pères ou ses deux mères sont liés à leur enfant. Les enfants adoptés par voie plénière seront donc désignés à l’état civil comme issus de deux personnes de même sexe, ce que la Cour de cassation a récemment considéré comme étant contraire au principe d'altérité sexuelle, « principe essentiel du droit français » (Civ. 2e, 7 juin 2012).
Ensuite, la loi réserve plus spécialement la possibilité pour l'époux d'adopter en la forme simple l'enfant que son conjoint a antérieurement adopté en la forme simple. En effet, certains pays étrangers ne reconnaissent que l'adoption simple ; or, si l'enfant a été initialement adopté à l'étranger en la forme simple par une personne célibataire, laquelle vient par la suite à se marier, l'adoption simple par l'époux de l'enfant de son conjoint n'était pas, jusqu’à présent, expressément prévue par l'article 360 du Code civil.
Est également consacré l’exercice en commun de plein droit de l'autorité parentale en cas d'adoption simple de l'enfant du conjoint. Sont encore développées les conséquences de l'ouverture de l'adoption simple ou plénière aux couples mariés de personnes de même sexe sur la dévolution du nom de famille (C. civ., art. 357) : en l'absence de choix de nom ou en cas de désaccord, l'adopté se verra adjoindre à son nom d'origine le premier nom du ou des adoptants selon l'ordre alphabétique.
Pour tous les couples mariés, hétérosexuels ou homosexuels, les règles de dévolution du nom de famille changent également. En cas de désaccord des parents, les noms de chacun d'eux, accolés dans l'ordre alphabétique, seront donnés à l'enfant. En cas d'absence de choix, pour la filiation par le sang, l'enfant prend le nom de son père, comme il est de règle aujourd'hui.
Enfin, dans l’hypothèse ou l’enfant n’a pas été adopté par le parent « social » ou « non statutaire », il est expressément prévu que ce dernier bénéficie d’un maintien des relations personnelles avec l’enfant, en cas de séparation du couple, s’il a notamment « résidé de manière stable avec lui et l’un de ses parents ».
▪ Le jour même de l’adoption définitive de la loi, le Conseil constitutionnel était saisi à deux reprises, une première fois par 60 sénateurs puis par 60 députés, aux fins de déclarer un certain nombre des dispositions de cette loi contraires à la Constitution.
Parmi les principaux griefs faits au texte dans ces deux saisines on retiendra notamment :
– la méconnaissance par le gouvernement des principes de loyauté, de clarté et de sincérité du débat parlementaire ;
– l’illisibilité de la procédure législative, menée avec précipitation en l'absence de tout motif d'urgence et sans recours au référendum ;
– la violation du principe fondamental prétendu « inhérent à l'identité constitutionnelle de la France », selon l’expression consacrée par le Conseil constitutionnel, en vertu duquel lequel le mariage civil républicain français est l'union d'un homme et d'une femme ;
– le caractère fictif de l’état civil de l’enfant adopté par voie plénière, privé de l’état civil d’une personne « engendrée » et de son inscription juridique dans une suite de générations. Une inégalité de traitement avec les enfants adoptés plénièrement par des couples hétérosexuels serait ainsi constituée.
▪ S’agissant du calendrier à venir, le Conseil constitutionnel devrait se prononcer avant le 23 mai 2013. En cas de décision de conformité, les décrets d’application devraient intervenir rapidement. En effet, afin de permettre l’application immédiate de la loi dès sa promulgation, le ministère de la Justice a déclaré, lors d’un communiqué de presse en date du 26 avril 2013, avoir, notamment, transmis au Conseil d’État un projet de décret portant application de la loi, et modifiant diverses dispositions relatives à l’état-civil, et préparé une circulaire d’application de la loi qui sera diffusée aux procureurs de la République à destination des officiers d’état civil dans les mairies.
Les premières célébrations de mariage entre personne de même sexe sont attendues pour la mi-juin.
Références
■ Civ. 2e, 7 juin 2012, n°11-30.261, n°11-30.262, RTD civ. 2012. 522, obs. Hauser.
■ (AN 1) Article 1er modifiant les articles 143 et 202-1
I. – Le chapitre Ier du titre V du livre Ier du code civil est ainsi modifié :
1° Il est rétabli un article 143 ainsi rédigé :
« Art. 143. – Le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe. » ;
(…)
II. – Après le chapitre IV du titre V du livre Ier du même code, il est inséré un chapitre IV bis ainsi rédigé :
Chapitre IV bis
« Des règles de conflit de lois
Art. 202-1. – Les qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage sont régies, pour chacun des époux, par sa loi personnelle.
Toutefois, deux personnes de même sexe peuvent contracter mariage lorsque, pour au moins l’une d’elles, soit sa loi personnelle, soit la loi de l’État sur le territoire duquel elle a son domicile ou sa résidence le permet.
Art. 202-2. – Le mariage est valablement célébré s’il l’a été conformément aux formalités prévues par la loi de l’État sur le territoire duquel la célébration a eu lieu. »
« Tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont les mêmes droits et les mêmes devoirs dans leurs rapports avec leur père et mère. Ils entrent dans la famille de chacun d'eux. »
« L'adoption confère à l'enfant le nom de l'adoptant.
En cas d'adoption par deux époux, le nom conféré à l'enfant est déterminé en application des règles énoncées à l'article 311-21.
Sur la demande du ou des adoptants, le tribunal peut modifier les prénoms de l'enfant.
Si l'adoptant est une femme mariée ou un homme marié, le tribunal peut, dans le jugement d'adoption, décider, à la demande de l'adoptant, que le nom de son conjoint, sous réserve du consentement de celui-ci, sera conféré à l'enfant. Le tribunal peut également, à la demande de l'adoptant et sous réserve du consentement de son conjoint, conférer à l'enfant les noms accolés des époux dans l'ordre choisi par eux et dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux.
Si le mari ou la femme de l'adoptant est décédé ou dans l'impossibilité de manifester sa volonté, le tribunal apprécie souverainement après avoir consulté les héritiers du défunt ou ses successibles les plus proches. »
■ (S 1) Article 11 modifiant l’article 357
I. – L’article 311-21 du même code est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« En cas de désaccord entre les parents, signalé par l’un d’eux à l’officier de l’état civil, au plus tard au jour de la déclaration de naissance ou après la naissance, lors de l’établissement simultané de la filiation, l’enfant prend leurs deux noms, dans la limite du premier nom de famille pour chacun d’eux, accolés selon l’ordre alphabétique. » ;
2° Au troisième alinéa, la référence : « ou du deuxième alinéa de l’article 311-23 » est remplacée par les références : « , du deuxième alinéa de l’article 311-23 ou de l’article 357 ».
(AN1) II. – Au troisième alinéa de l’article 311-23 du même code, la référence : « ou du deuxième alinéa du présent article » est remplacée par les références : « , du deuxième alinéa du présent article ou de l’article 357 ».
III. – L’article 357 du même code est ainsi rédigé :
« Art. 357. – L’adoption confère à l’enfant le nom de l’adoptant.
En cas d’adoption de l’enfant du conjoint ou d’adoption d’un enfant par deux époux, l’adoptant et son conjoint ou les adoptants choisissent, par déclaration conjointe, le nom de famille dévolu à l’enfant : soit le nom de l’un d’eux, soit leurs deux noms accolés dans l’ordre choisi par eux, dans la limite d’un nom de famille pour chacun d’eux.
Cette faculté de choix ne peut être exercée qu’une seule fois.
En l’absence de déclaration conjointe mentionnant le choix de nom de l’enfant, celui-ci prend le nom de l’adoptant et de son conjoint ou de chacun des deux adoptants, dans la limite du premier nom de famille pour chacun d’eux, accolés selon l’ordre alphabétique.
Lorsqu’il a été fait application de l’article 311-21, du deuxième alinéa de l’article 311-23 ou du présent article à l’égard d’un enfant commun, le nom précédemment dévolu ou choisi vaut pour l’adopté.
Lorsque les adoptants ou l’un d’entre eux portent un double nom de famille, ils peuvent, par une déclaration écrite conjointe, ne transmettre qu’un seul nom à l’adopté.
Sur la demande du ou des adoptants, le tribunal peut modifier les prénoms de l’enfant. »
IV. – Au début du premier alinéa de l’article 357-1 du même code, les mots : « Les dispositions de l’article 311-21 sont applicables » sont remplacés par les mots : « À l’exception de son dernier alinéa, l’article 357 est applicable ».
« L'adoption simple est permise quel que soit l'âge de l'adopté.
S'il est justifié de motifs graves, l'adoption simple d'un enfant ayant fait l'objet d'une adoption plénière est permise.
Si l'adopté est âgé de plus de treize ans, il doit consentir personnellement à l'adoption. »
■ (S 1) Article 8, modifiant l’article 360
Après le deuxième alinéa de l’article 360 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’enfant précédemment adopté par une seule personne, en la forme simple ou plénière, peut l’être une seconde fois, par le conjoint de cette dernière, en la forme simple. »
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