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Procédure pénale
Point sur… la prescription des infractions
Mots-clefs : Prescription, Action publique, Mineurs, Victime, Infractions à caractère sexuel
La récente arrestation, en Suisse, du cinéaste Roman Polanski, en application d'un mandat d'arrêt émis par les États-Unis pour des faits d'abus sexuels sur mineurs datant de 1977 n'a pas manqué de susciter la polémique. Pour le juriste, elle pose notamment la question de la prescription, en France, de ce type d'infraction (sur les dispositions particulières de droit américain — applicables en l'espèce —, v. le Focus sur Claire DICKERSON).
Comme toute action en justice, l'action publique (celle qui a pour objet d'appliquer la loi à l'auteur de l'infraction ; art. 1er C. pr. pén.) peut s'éteindre par l'effet de l'écoulement du temps. Lorsqu'elle est acquise, aucune poursuite ne peut plus être engagée, l'infraction restant donc impunie. La prescription de l'action publique se distingue de la prescription de la peine qui rend impossible, du fait de l'écoulement du temps, l'exécution d'une peine antérieurement prononcée.
La durée du délai de prescription de l'action publique varie en fonction de la qualification légale de l'infraction : elle est de dix ans pour les crimes (art.7 C. pr. pén.), de trois ans pour les délits (art. 8 C. pr. pén.) et d'un an pour les contraventions (art. 9 C. pr. pén.). Mais ces délais de droit commun s'écartent au profit de délais dérogatoires, plus longs (30 ans pour les crimes et 20 ans pour les délits en matière de terrorisme ; art. 706-25-1 C. pr. pén.) ou plus courts (3 mois pour les délits en matière de presse ; art. 65 L. 29 juill. 1881).
Les infractions, à caractère sexuel notamment, commises sur mineurs obéissent à un régime de prescription dérogatoire : la minorité de la victime est une cause de suspension du délai de prescription de l'action publique pour tous les crimes commis contre des mineurs ainsi que pour certains délits dont ceux des articles 222-27 à 222-30 (agressions sexuelles) et 227-25 à 227-27 (atteintes sexuelles sans violence) du Code pénal. Par ailleurs, le délai de prescription de ces infractions est allongé (v. art. 7 al. 3 et 8 al. 2 C. pr. pén.). Concrètement, le point de départ du délai — ainsi allongé — court à compter de la majorité de la victime (soit jusqu'aux 38 ans de celle-ci, pour les crimes les plus graves).
En tout état de cause, il faut rappeler que l'écoulement du délai de prescription n'est pas linéaire mais qu'il est susceptible d'être suspendu voire interrompu selon les actes de procédure effectués (art. 7, 8 et 9 C. pr. pén.). L'ancienneté des faits ne signifie donc pas forcément qu'ils soient prescrits. En outre, l'indemnisation de la victime, par le biais de l'action civile (art. 2 C. pr. pén.), n'empêche pas l'exercice de l'action publique.
Références
■ Code de procédure pénale
Article 1
« L'action publique pour l'application des peines est mise en mouvement et exercée par les magistrats ou par les fonctionnaires auxquels elle est confiée par la loi.
Cette action peut aussi être mise en mouvement par la partie lésée, dans les conditions déterminées par le présent code. »
Article 2
« L'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction.
La renonciation à l'action civile ne peut arrêter ni suspendre l'exercice de l'action publique, sous réserve des cas visés à l'alinéa 3 de l'article 6. »
Article 7
« En matière de crime et sous réserve des dispositions de l'article 213-5 du code pénal, l'action publique se prescrit par dix années révolues à compter du jour où le crime a été commis si, dans cet intervalle, il n'a été fait aucun acte d'instruction ou de poursuite.
S'il en a été effectué dans cet intervalle, elle ne se prescrit qu'après dix années révolues à compter du dernier acte. Il en est ainsi même à l'égard des personnes qui ne seraient pas impliquées dans cet acte d'instruction ou de poursuite.
Le délai de prescription de l'action publique des crimes mentionnés à l'article 706-47 du présent code et le crime prévu par l'article 222-10 du code pénal, lorsqu'ils sont commis sur des mineurs, est de vingt ans et ne commence à courir qu'à partir de la majorité de ces derniers. »
Article 8
« En matière de délit, la prescription de l'action publique est de trois années révolues ; elle s'accomplit selon les distinctions spécifiées à l'article précédent.
Le délai de prescription de l'action publique des délits mentionnés à l'article 706-47 et commis contre des mineurs est de dix ans ; celui des délits prévus par les articles 222-12, 222-30 et 227-26 du code pénal est de vingt ans ; ces délais ne commencent à courir qu'à partir de la majorité de la victime. »
Article 9
« En matière de contravention, la prescription de l'action publique est d'une année révolue ; elle s'accomplit selon les distinctions spécifiées à l'article 7. »
Article 706-25-1
« L'action publique des crimes mentionnés à l'article 706-16 se prescrit par trente ans. La peine prononcée en cas de condamnation pour l'un de ces crimes se prescrit par trente ans à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive.
L'action publique relative aux délits mentionnés à l'article 706-16 se prescrit par vingt ans. La peine prononcée en cas de condamnation pour ces délits se prescrit par vingt ans à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive. »
■ Code pénal
Article 222-27
« Les agressions sexuelles autres que le viol sont punies de cinq ans d'emprisonnement et de 75000 euros d'amende. »
Article 222-28
« L'infraction définie à l'article 222-27 est punie de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende :
1° Lorsqu'elle a entraîné une blessure ou une lésion ;
2° Lorsqu'elle est commise par un ascendant légitime, naturel ou adoptif, ou par toute autre personne ayant autorité sur la victime ;
3° Lorsqu'elle est commise par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ;
4° Lorsqu'elle est commise par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ;
5° Lorsqu'elle est commise avec usage ou menace d'une arme ;
6° Lorsque la victime a été mise en contact avec l'auteur des faits grâce à l'utilisation, pour la diffusion de messages à destination d'un public non déterminé, d'un réseau de télécommunications ;
7° Lorsqu'elle est commise par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ;
8° Lorsqu'elle est commise par une personne agissant en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise manifeste de produits stupéfiants. »
Article 222-29
« Les agressions sexuelles autres que le viol sont punies de sept ans d'emprisonnement et de 100000 euros d'amende lorsqu'elles sont imposées :
1° À un mineur de quinze ans ;
2° À une personne dont la particulière vulnérabilité due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur. »
Article 222-30
« L'infraction définie à l'article 222-29 est punie de dix ans d'emprisonnement et de 150000 euros d'amende :
1° Lorsqu'elle a entraîné une blessure ou une lésion ;
2° Lorsqu'elle est commise par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur la victime ;
3° Lorsqu'elle est commise par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ;
4° Lorsqu'elle est commise par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ;
5° Lorsqu'elle est commise avec usage ou menace d'une arme ;
6° Lorsqu'elle a été commise à raison de l'orientation sexuelle de la victime ;
7° Lorsqu'elle est commise par une personne agissant en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise manifeste de produits stupéfiants. »
■ Article 65 de la loi du 25 juillet 1881 sur la liberté de la presse
« L'action publique et l'action civile résultant des crimes, délits et contraventions prévus par la présente loi se prescriront après trois mois révolus, à compter du jour où ils auront été commis ou du jour du dernier acte d'instruction ou de poursuite s'il en a été fait.
Toutefois, avant l'engagement des poursuites, seules les réquisitions aux fins d'enquête seront interruptives de prescription. Ces réquisitions devront, à peine de nullité, articuler et qualifier les provocations, outrages, diffamations et injures à raison desquels l'enquête est ordonnée.
Les prescriptions commencées à l'époque de la publication de la présente loi, et pour lesquelles il faudrait encore, suivant les lois existantes, plus de trois mois à compter de la même époque, seront, par ce laps de trois mois, définitivement accomplies. »
■ Sur ce sujet
– T. Garé et C. Ginestet, Droit pénal, Procédure pénale, 5e éd., Dalloz, coll. « Hypercours », 2008, n°s 445 s.
– B. Bouloc, Procédure pénale, 21e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2008, n° 208.
– C. Guéry, « Kafka II ou pourquoi faire simple quand on peut faire... une nouvelle loi sur la prescription des infractions commises contre les mineurs ? », D. 2004. Chron. 3015.
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