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Droit du travail - relations individuelles
Point sur la protection de la maternité
L’employeur a l’obligation de suspendre toute prestation de travail durant le congé de maternité et la violation de cette règle engage sa responsabilité civile. (Soc. 4 sept. 2024, n° 22-16.129) (1).
Sauf accord collectif plus favorable, les augmentations générales et individuelles de salaire ne sont pas dues pour la période du congé maternité, l’employeur n’étant tenu de les verser qu’à l’issue du congé (Soc. 2 oct. 2024, n° 23-11.582) (2).
Lorsque le licenciement est nul, la salariée, qui n’est pas tenue de demander sa réintégration, a droit, outre les indemnités de rupture et une indemnité au moins égale à 6 mois de salaire réparant intégralement le préjudice subi résultant du caractère illicite du licenciement, aux salaires qu’elle aurait perçus pendant la période couverte par la nullité (Soc. 6 nov. 2024, n° 23-14.706) (3).
Si le législateur a depuis longtemps œuvré pour accorder un statut protecteur à la femme enceinte, il reste que, comme le rappelle le rapport du Défenseur des droits, la maternité est encore trop souvent source de discrimination en matière d’emploi. Il importe dès lors de veiller au strict respect des règles du Code du travail. Par plusieurs arrêts récents, la Cour de cassation précise ainsi la portée des règles protectrices attachées à la grossesse, que ce soit pendant ou à l’issue du congé maternité.
1. Suspension de l’obligation de travailler
La salariée peut demander à bénéficier d’un congé maternité qui débute 6 semaines avant la date présumée de l’accouchement et se termine 10 semaines après celui-ci (L. 1225-17 c. trav.), durée qui peut toutefois être est allongée en cas de grossesse multiple (L. 1225-18 c. trav.) ou en présence d’autres enfants (L. 1225-19 c. trav.). Ce congé est un droit de la salariée mais quel que soit son choix, l’employeur à l’interdiction, sous peine de sanction pénale, de la faire travailler pendant une période de 8 semaines au total, dont les 6 semaines qui suivent l’accouchement (L. 1225-29 et R. 1227-6 c. trav.). Interprétant ces textes à la lumière du droit européen, la Cour de cassation considère, dans son arrêt du 4 septembre 2024, que l’employeur qui manque à son obligation de suspendre toute prestation de travail durant le congé de maternité commet une faute qui cause nécessairement un préjudice à la salariée. Il s’agit d’une illustration de ce que les auteurs nomment « le préjudice nécessaire » ou « les préjudices de principe ». Ainsi, lorsqu’une salariée est contrainte de travailler pendant son congé, elle a droit à des dommages-intérêts sans avoir à établir son préjudice. En revanche, la Cour considère qu’elle ne peut prétendre à un rappel de salaire pour les heures effectuées (Soc. 2 oct. 2024). Le contrat de travail est en effet suspendu pendant le congé maternité et la salariée ne perçoit plus de salaire mais des indemnités journalières versées par la sécurité sociale. La solution adoptée par la Cour évite un risque de cumul entre rappel de salaire et indemnité journalière. Ainsi, la salariée peut demander la réparation de son préjudice sans s’exposer à une demande de remboursement des prestations servies par la sécurité sociale.
2. Le droit à une augmentation automatique de salaire
La suspension du contrat ne doit avoir aucun effet négatif sur la carrière de la salariée, en particulier en matière de rémunération. Aussi, l’article L. 1225-26 du Code du travail prévoit-il un mécanisme d’augmentation automatique, similaire au dispositif mis en place pour certains salariés titulaires d’un mandat (L. 2141-5-1 c. trav.) La rémunération de la salariée est automatiquement majorée à hauteur des augmentations générales ainsi que de la moyenne des augmentations individuelles perçues par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle. La Cour régulatrice est déjà venue préciser que cette règle est d’ordre public et que l’employeur ne peut remplacer l’augmentation de salaire par le versement d’une prime exceptionnelle, même avec l’accord de la salariée (Soc. 14 févr. 2018, n° 16-25.323). Dans l’arrêt du 2 octobre 2024 la Cour précise toutefois que cette augmentation n’est pas due pendant la période de suspension du contrat mais uniquement à l’issue du congé. Ainsi, si une augmentation de 300 euros par mois est accordée à l’ensemble du personnel alors que la salariée est encore en congé, ce n’est qu’à son retour dans l’entreprise qu’elle pourra y prétendre, sauf accord collectif plus favorable.
3. Protection contre le licenciement
La grossesse est l’un des critères discriminatoires énoncé à l’article L. 1132-1 du Code du travail comme à l’article 225-1 du Code pénal. Licencier une femme en raison de sa grossesse expose donc l’employeur à une sanction pénale et à la nullité du licenciement. Mais le législateur va au-delà de la seule interdiction de la discrimination. L’article L. 1225-4 du Code du travail interdit à l’employeur de résilier le contrat de travail d’une salariée pendant une période assez longue qui couvre toute la grossesse, l’ensemble des périodes de suspension du contrat au titre du congé maternité et au titre des congés payés pris immédiatement après ce congé et les 10 semaines suivant l’expiration de ces périodes. Ainsi, pendant plus d’un an, la salariée est protégée même s’il convient de bien distinguer deux périodes. La protection est dite absolue pendant les périodes de suspension du contrat. Aucun licenciement ne peut alors être préparé (Soc. 1er févr. 2017, n° 15-26.250), notifié ou prendre effet. La protection est dite « relative » sur le reste de la période : l’employeur ne peut alors valablement invoquer qu’une faute grave non liée à l’état de grossesse ou l’impossibilité de maintenir le contrat (par exemple une cessation totale et définitive d’activité – Soc. 11 sept. 2024, n° 22-18.409). Le non-respect de ces règles entraîne la nullité du licenciement (L. 1235-3-1 6°c. trav.). Lorsque le licenciement est nul, la salariée dispose d’une option. Elle peut tout d’abord souhaiter revenir dans l’entreprise. Le juge doit alors faire droit à la demande. La salariée retrouve son précédent poste et bénéficie au titre de la réparation de son préjudice, d’une indemnité d’éviction qui couvre l’ensemble des salaires entre son licenciement et sa réintégration, sans déduction des éventuels revenus de remplacement dont elle a pu bénéficier pendant cette période (Soc. 29 janv. 2020, n° 18-21.862). Mais la salariée peut également préférer ne pas réintégrer l’entreprise. Elle a alors droit à une indemnité au moins égale à 6 mois de salaire (le barème des indemnités prudhommales ne s’applique pas), aux indemnités de rupture (indemnité de licenciement, indemnité compensatrice de préavis) et aux salaires qu’elle aurait perçus pendant la période couverte par la nullité. Cette dernière sanction, initialement d’origine prétorienne, a été consacrée par la loi à l’article L. 1235-3-1 dernier alinéa du Code du travail. Ainsi, dans l’arrêt du 6 novembre 2024, une salariée avait été licenciée pendant la période de protection relative. Or l’employeur n’avait pas été en mesure de démontrer la faute grave commise par la salariée. La Cour de cassation, s’appuyant sur le droit européen exigeant une réparation pécuniaire adéquate, confirme la solution de la cour d’appel condamnant l’employeur à verser, outre l’indemnité minimale de 6 mois de salaires et les indemnités de rupture, l’ensemble des salaires entre le 16 octobre 2018, date du licenciement, et le 10 juin 2019, fin de la période de protection. Ainsi, que la salariée demande ou non sa réintégration, elle peut prétendre à un rappel de salaire dont le montant varie toutefois en fonction de l’objet de la demande.
Références :
■ Soc. 14 févr. 2018, n° 16-25.323 :
■ Soc. 1er févr. 2017, n° 15-26.250 :
■ Soc. 11 sept. 2024, n° 22-18.409 :
■ Soc. 29 janv. 2020, n° 18-21.862 :
■ Fiche d’orientation Dalloz « Congé maternité »
■ J. Brunie, La rentrée des préjudices de principe (dits « préjudices nécessaires », RDT 2024, p. 673
■ A. Gardin Maternité et rupture du contrat de travail, RJS, 12/07, p. 975
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