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Droit pénal général
Point sur la responsabilité pénale des mineurs
Un mineur qui a commis une infraction ne peut en être tenu pour pénalement responsable que s’il est doté de discernement et, le cas échéant, son degré de responsabilité et la mesure de la réponse pénale dépendront de la tranche d’âge dans laquelle il se situe. Retour sur les règles relatives à l’imputabilité des mineurs et à leur responsabilité pénale, réécrites à la faveur de l’adoption d’un Code de justice pénale des mineurs.
■ Le discernement, condition sine qua non de l’imputabilité.
L’imputabilité étant la capacité pour une personne de répondre d’une infraction, d’en assumer les conséquences, elle suppose une intelligence suffisante (correspondant à la capacité de discernement) ainsi qu’une liberté d’agir.
Le discernement, qui correspond à la capacité de l'esprit à juger clairement et sainement des choses, « s’affirme progressivement au fur et à mesure que l’âge augmente, jusqu’à l’âge de dix-huit ans, auquel il est censé pleinement établi » (Ph. Bonfils et A. Gouttenoire, Droit des mineurs, Dalloz, 2e éd., 2014, n° 1252) ; d’où une modulation et, en réalité, une gradation dans la responsabilité des mineurs discernants.
Le mineur non discernant, lui, est irresponsable pénalement (on parle d’irresponsabilité de l’infans) : c’est l’hypothèse de la célèbre jurisprudence « Laboube » (Crim. 13 déc. 1956) dans laquelle les juges ont refusé de condamner un enfant de six ans pour des violences par imprudence car « toute infraction, même non intentionnelle, suppose que son auteur ait agi avec intelligence et volonté ».
■ Les fondements textuels de la responsabilité pénale des mineurs.
C’est l’article 122-8 du Code pénal qui envisage la minorité au titre des causes de non-imputabilité et pose comme critère la condition de discernement. Dans sa version actuelle, il dispose ainsi :
« Les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils ont été reconnus coupables, dans des conditions fixées par une loi particulière qui détermine les mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation dont ils peuvent faire l'objet.
Cette loi détermine également les sanctions éducatives qui peuvent être prononcées à l'encontre des mineurs de dix à dix-huit ans ainsi que les peines auxquelles peuvent être condamnés les mineurs de treize à dix-huit ans, en tenant compte de l'atténuation de responsabilité dont ils bénéficient en raison de leur âge. »
La loi particulière à laquelle renvoie cet article a été, pendant très longtemps, l’ordonnance no 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, texte qui rassemblait les principales dispositions relatives à la justice des mineurs. La loi no 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a autorisé le Gouvernement à la réformer, et une ordonnance du 11 septembre 2019 portant partie législative du Code de la justice pénale des mineurs (CJPM) a été publiée au Journal officiel du 13 septembre 2019 (et ratifiée par la L. n° 2021-218 du 26 févr. 2021, parue au JO du 27 févr. ; V. Dalloz actu. 3 mars 2021, obs. D. Goetz). Ce nouveau Code devait initialement entrer en vigueur le 1er octobre 2020. Son entrée en vigueur a été repoussée une première fois au 1er mars 2021, puis une seconde fois au 30 septembre prochain (V. Dalloz actu. 22 janv. 2021, obs. D. Goetz ; sur l’adoption définitive de la réforme, V. Dalloz actu., 18 févr. 2021, obs. D. Goetz).
L’article L. 11-1 nouveau du CJPM dispose désormais que « Lorsqu'ils sont capables de discernement, les mineurs, au sens de l'article 388 du code civil, sont pénalement responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils sont reconnus coupables.
Les mineurs de moins de treize ans sont présumés ne pas être capables de discernement. Les mineurs âgés d'au moins treize ans sont présumés être capables de discernement.
Est capable de discernement le mineur qui a compris et voulu son acte et qui est apte à comprendre le sens de la procédure pénale dont il fait l’objet. »
On remarque que la question de l’âge du discernement n’a pas été tranchée par le Gouvernement qui a opté pour une double présomption (simple) en prenant pour curseur l’âge de 13 ans. C’est à la commission des lois du Sénat que l’on doit la définition du discernement figurant à l’alinéa 3 et qui s’entend donc de la capacité du mineur à comprendre et à vouloir son acte et de son aptitude à comprendre le sens de la procédure pénale dont il fait l’objet.
L’article 122-8 du Code pénal sera modifié en conséquence et disposera à compter du 30 septembre prochain :
« Les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils ont été reconnus coupables, en tenant compte de l'atténuation de responsabilité dont ils bénéficient en raison de leur âge, dans des conditions fixées par le code de la justice pénale des mineurs. »
On précisera que l’ordonnance du 11 septembre 2019 prévoit une disposition transitoire aux termes de laquelle :
« Les dispositions du code de la justice pénale des mineurs annexé à la présente ordonnance, relatives à la procédure pénale, sont applicables aux poursuites engagées à compter de son entrée en vigueur. Les poursuites engagées avant cette date se poursuivent jusqu'à leur terme conformément aux dispositions du code de procédure pénale et de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante dans leur version applicable avant cette date.
Toutefois, les dispositions du code de la justice pénale des mineurs relatives aux mesures de sûreté s'appliquent immédiatement lorsqu'elles sont plus favorables aux mineurs à l'encontre desquels ces poursuites sont engagées. »
■ Les principaux apports du CJMP.
Dans l’ensemble, le CJMP poursuit trois objectifs :
- accélérer les procédures de jugement (par la suppression de la phase d’instruction devant le juge des enfants),
- renforcer la prise en charge éducative des mineurs délinquants (par la création d’une mise à l’épreuve éducative),
- et améliorer la prise en charge des victimes (qui seront entendues dès l’audience sur la culpabilité).
En outre, s’agissant des sanctions encourues par les mineurs délinquants, le CJPM supprime les sanctions éducatives. Il réorganise les mesures éducatives autour de deux mesures : l’avertissement judiciaire (reprise de l’admonestation et de l’avertissement solennel) et la mesure éducative judiciaire (MEJ, qui consiste en un accompagnement individualisé du mineur construit à partir d'une évaluation de sa situation personnelle, familiale, sanitaire et sociale, intégrant différents « modules » – insertion, réparation, santé et placement – et comportant un certain nombre d’obligations rappelant les ex-sanctions éducatives qui ressemblaient aux peines ou à des modalités de peine). Enfin, il réaffirme la primauté de l’éducatif mais permet un cumul entre mesures éducatives.
On précisera d’ailleurs que « la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral par des mesures adaptées à l’âge et à la personnalité » relève d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République (Cons. const. 29 août 2002, Loi d’orientation et de programmation pour la justice, n° 2002-461 DC) qui a d’ailleurs été repris, dans toutes ses composantes, de fond et de forme, au « frontispice » du nouveau Code à travers un article préliminaire qui dispose : « Le présent code régit les conditions dans lesquelles la responsabilité pénale des mineurs est mise en œuvre, en prenant en compte l'atténuation de cette responsabilité en fonction de leur âge et la nécessité de rechercher leur relèvement éducatif et moral par des mesures adaptées à leur âge et leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées ».
■ Les mesures actuellement applicables aux mineurs délinquants
Elles sont de trois types :
· les mesures éducatives, qui ont pour but de protéger, d’assister, de surveiller et d’éduquer le mineur (Ord. 2 févr. 1945, art. 15 et 16) : jusqu’à présent, elles avaient vocation à s’appliquer aux moins de 10 ans ; avec le CJPM, elles s’appliqueront dès 13 ans (ou avant, si la présomption de non-discernement est renversée) ;
· les sanctions éducatives (Ord. 2 févr. 1945, art. 15-1), qui ont pour but d'apporter une réponse mieux adaptée lorsque les mesures éducatives se révèlent inappropriées et que le prononcé d'une peine constituerait une sanction trop sévère, et qui concernent principalement les 10-13 ans (NB : avec le CJPM, elles seront supprimées)
· les peines privatives de liberté, qui sont possibles dès 13 ans (Ord. 2 févr. 1945, art. 2 et art. 20-2) mais qui prennent en compte une excuse de minorité (Ord. 2 févr. 1945, art. 2 et art. 20-2 à 20-9) qui est obligatoire pour les 13-16 ans (et qui a pour effet de diminuer de moitié la peine normalement encourue) et qui peut être écartée pour les plus de 16 ans, mais à titre exceptionnel, compte tenu des circonstances de l'espèce et de la personnalité du mineur ainsi que de sa situation et par décision spécialement motivée (Ord. 2 févr. 1945, art. 20-2).
Références
■ Crim. 13 déc. 1956 , n° 55-05.772 P : D. 1957. 349, note Patin
■ Cons. const. 29 août 2002, Loi d’orientation et de programmation pour la justice, n° 2002-461 DC : D. 2003. 1127, obs. L. Domingo et S. Nicot ; AJDI 2002. 708 ; RSC 2003. 606, obs. V. Bück
■ Pour aller plus loin :
* Ph. Bonfils et A. Gouttenoire, Droit des mineurs, 2e éd., 2014, Dalloz, coll. Précis
* Ph. Bonfils, « Première approche du code de la justice pénale des mineurs », AJ pénal 2019. 476
* L. Gebler, « Principales nouveautés introduites par le code de justice pénale des mineurs », AJ fam. 2019. 484
* S. Jacobin, « Présomption(s) et minorité en droit pénal », RSC 2020. 27
* C. Lazerges, « Cohérences et incohérences dans l'ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs », RSC 2020. 175
* E. Vergès, « Le nouveau parcours pénal des mineurs », RSC 2020. 129
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