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Droit international public
Point sur… l’attaque de la flottille pour Gaza par l’armée israélienne
Mots-clefs : Eaux internationales, Haute mer, Piraterie, Légitime défense, Agression, Nécessité, Proportionnalité, Israël, Bande de Gaza
L’arraisonnement par les forces israéliennes de navires d’une flottille pro-palestinienne acheminant de l’aide humanitaire aux populations de la bande de Gaza, est l’occasion de rappeler certains points du droit international, notamment les conditions d’intervention en haute mer et d’usage de la légitime défense.
Le 31 mai 2010, l’armée israélienne a lancé, en pleine nuit, dans les eaux internationales, une opération militaire maritime sur une flottille pro-palestinienne. Les navires la composant avaient pour mission de briser le blocus établi par Israël sur la bande de Gaza en apportant une importante aide humanitaire à sa population. Si les Israéliens déplorent les victimes dans cette opération, ils estiment avoir agi dans le cadre de leur droit à la légitime défense, leurs militaires ayant, selon eux, été assaillis à coups de barre de fer et de couteaux par des dizaines de militants. Les passagers de cette flottille considèrent pour leur part avoir été victime d’une agression caractérisée, voire même selon des Palestiniens et certains pays d’ « acte de piraterie ». Sans préjuger des conclusions d’une enquête sur la réalité des faits, et encore moins faire le procès de qui que ce soit, il n’est pas inutile d’apporter un éclairage juridique rapide sur la licéité internationale de l’action militaire israélienne du 31 mai dernier.
S’agissant de la décision d’intervenir dans les eaux internationales, autrement dit bien avant la limite des 20 milles définissant les eaux territoriales au large de la bande de Gaza, elle apparaît illicite au regard du droit international. En effet, un État ne peut intervenir militairement en haute mer que sur les navires qu’il a lui-même immatriculés. Or, tel n’était pas le cas en l’espèce, aucun des bateaux composant la flottille n’étant immatriculé en Israël. Par ailleurs, certains pouvoirs de police internationale sont reconnus, de longue date, en haute mer à tous les États, mais pour des cas très limités : piraterie, lutte contre le transport d’esclaves, trafic illicite de stupéfiants et émissions radiodiffusées non autorisées diffusées depuis la haute mer. Là encore, il semble délicat pour l’État d’Israël de justifier son intervention sur un tel fondement, la preuve n’ayant pas été faite, a priori, que les passagers des navires de la flottille se soient rendus coupables des faits précités. Enfin, ne serait-il pas possible pour ce dernier d’invoquer l’exercice du droit de poursuite ? La réponse est tout simplement négative. Aucune des conditions reconnues à un État côtier d’agir en haute mer n’étaient ici réunies : comme l’exige l’article 111 de la convention de Montego-Bay du 10 décembre 1982 sur le droit de la mer, d’une part, la poursuite d’un navire étranger peut être engagée si les autorités compétentes de l’État côtier ont de sérieuses raisons de penser que ce navire a contrevenu aux lois et règlements de cet État — ce qui semble très discutable —. D’autre part, cette poursuite, ininterrompue, doit avoir commencé déjà lorsque le navire poursuivi se trouvait dans l’une des zones maritimes placées sous la juridiction de l’État côtier, condition non satisfaite ici puisque la flottille ne s’est à aucun moment trouvée dans l’un de ces espaces.
Concernant l’invocation de la légitime défense, l’article 51 de la Charte des Nations unies reconnaît ce droit « naturel » à condition notamment qu’il y ait eu « agression armée ». Tout le problème réside dans la portée de cette dernière notion, en dépit de certaines tentatives de définition (voir en particulier la résolution 3314 de l’Assemblée générale des Nations unies du 14 décembre 1974). Les États quant à eux, ont tendance à insister davantage sur le caractère naturel de ce droit quitte à s’affranchir quasiment de la condition d’agression. En tout état de cause, la Cour internationale de justice (CIJ) a consacré, dans son arrêt du 27 juin 1986 dans l’affaire des activités militaires au Nicaragua, le caractère restrictif du droit de légitime défense en rappelant l’importance des caractères de nécessité et de proportionnalité. Dans l’affaire de la flottille pro-palestinienne, plaider la nécessité serait très certainement abusif, car même si les intentions de leurs organisateurs étaient de briser le blocus sur Gaza, les navires avaient avant tout pour objectif de livrer de l’aide humanitaire. La proportionnalité n’est pas plus respectée, les militaires israéliens ayant fait usage d’armes à feu face à la menace voire l’utilisation d’armes blanches.
Références
« Espace marin situé au-delà des juridictions nationales et échappant à la souveraineté des États (principe de la “liberté des mers”). »
« Crime consistant, pour toute personne se trouvant à bord d’un aéronef en vol, d’un navire en mer ou de tout autre moyen de transport collectif, à s’en emparer ou à en exercer le contrôle par violence ou menace de violence. »
« Action visant à faire pression sur un État en lui interdisant par la force toute communication ou échanges économiques avec l’extérieur. »
Source : Lexique des termes juridiques 2010, 17e éd., Dalloz, 2009.
■ Article 111 de la Convention de Montego-Bay sur le droit de la mer
Droit de poursuite
« 1. La poursuite d'un navire étranger peut être engagée si les autorités compétentes de l'État côtier ont de sérieuses raisons de penser que ce navire a contrevenu aux lois et règlements de cet État. Cette poursuite doit commencer lorsque le navire étranger ou une de ses embarcations se trouve dans les eaux intérieures, dans les eaux archipélagiques, dans la mer territoriale ou dans la zone contiguë de l'État poursuivant, et ne peut être continuée au-delà des limites de la mer territoriale ou de la zone contiguë qu'à la condition de ne pas avoir été interrompue. Il n'est pas nécessaire que le navire qui ordonne de stopper au navire étranger naviguant dans la mer territoriale ou dans la zone contiguë s'y trouve également au moment de la réception de l'ordre par le navire visé. Si le navire étranger se trouve dans la zone contiguë, définie à l'article 33, la poursuite ne peut être engagée que s'il a violé des droits que l'institution de cette zone a pour objet de protéger.
2. Le droit de poursuite s'applique mutatis mutandis aux infractions aux lois et règlements de l'État côtier applicables, conformément à la Convention, à la zone économique exclusive ou au plateau continental, y compris les zones de sécurité entourant les installations situées sur le plateau continental, si ces infractions ont été commises dans les zones mentionnées.
3. Le droit de poursuite cesse dès que le navire poursuivi entre dans la mer territoriale de l'État dont il relève ou d'un autre État.
4. La poursuite n'est considérée comme commencée que si le navire poursuivant s'est assuré, par tous les moyens utilisables dont il dispose, que le navire poursuivi ou l'une de ses embarcations ou d'autres embarcations fonctionnant en équipe et utilisant le navire poursuivi comme navire gigogne se trouvent à l'intérieur des limites de la mer territoriale ou, le cas échéant, dans la zone contiguë, dans la zone économique exclusive ou au-dessus du plateau continental. La poursuite ne peut commencer qu'après l'émission d'un signal de stopper, visuel ou sonore, donné à une distance permettant au navire visé de le percevoir.
5. Le droit de poursuite ne peut être exercé que par des navires de guerre ou des aéronefs militaires ou d'autres navires ou aéronefs qui portent des marques extérieures indiquant clairement qu'ils sont affectés à un service public et qui sont autorisés à cet effet.
6. Dans le cas où le navire est poursuivi par un aéronef :
a) les paragraphes 1 à 4 s'appliquent mutatis mutandis ;
b) l'aéronef qui donne l'ordre de stopper doit lui-même poursuivre le navire jusqu'à ce qu'un navire ou un autre aéronef de l'État côtier, alerté par le premier aéronef, arrive sur les lieux pour continuer la poursuite, à moins qu'il ne puisse lui-même arrêter le navire. Pour justifier l'arrêt d'un navire en dehors de la mer territoriale, il ne suffit pas que celui-ci ait été simplement repéré comme ayant commis une infraction ou comme étant suspect d'infraction ; il faut encore qu'il ait été à la fois requis de stopper et poursuivi par l'aéronef qui l'a repéré ou par d'autres aéronefs ou navires sans que la poursuite ait été interrompue.
7. La mainlevée de l'immobilisation d'un navire arrêté en un lieu relevant de la juridiction d'un État et escorté vers un port de cet État en vue d'une enquête par les autorités compétentes ne peut être exigée pour le seul motif que le navire a traversé sous escorte, parce que les circonstances l'imposaient, une partie de la zone économique exclusive ou de la haute mer.
8. Un navire qui a été stoppé ou arrêté en dehors de la mer territoriale dans des circonstances ne justifiant pas l'exercice du droit de poursuite est indemnisé de toute perte ou de tout dommage éventuels. »
■ Article 51 de la Charte des Nations Unies
« Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un Membre des Nations Unies est l'objet d'une agression armée, jusqu'à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales. Les mesures prises par des Membres dans l'exercice de ce droit de légitime défense sont immédiatement portées à la connaissance du Conseil de sécurité et n'affectent en rien le pouvoir et le devoir qu'a le Conseil, en vertu de la présente Charte, d'agir à tout moment de la manière qu'il juge nécessaire pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales. »
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