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Droit européen et de l'Union européenne
Point sur le projet de Protocole n° 15 portant amendement à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
Mots-clefs : Protocole, Convention européenne des droits de l’homme, Cour européenne des droit de l’homme, Principe de subsidiarité, Marge d’appréciation, Limite d’âge, Juge, Grande chambre, Condition de recevabilité
Un nouveau projet de protocole sera proposé à la signature des États parties à la Convention à partir du 24 juin 2013. Il a pour objectif de modifier essentiellement quelques dispositions relatives à la Cour européenne des droits de l’homme.
La Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (Conv. EDH), texte de base, a évolué au cours du temps par l’adoption de protocoles successifs. La Conv. EDH actuellement en vigueur résulte du protocole n° 11 et du protocole n° 14. Le projet de protocole n° 15 est issu de la conférence de Brighton sur l’avenir de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) qui s’est déroulée les 19 et 20 avril 2012. Il a été approuvé par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe le 17 janvier 2013, par la Commission le 19 mars 2013 et par le Comité des ministres le 16 mai 2013.
Les changements apportés par le projet de Protocole n° 15 sont au nombre de 5 :
▪ Subsidiarité et marge d’appréciation
Un nouveau considérant sera ajouté au Préambule de la Conv. EDH afin « d’officialiser » le principe de subsidiarité et la doctrine de la marge d’appréciation.
Au niveau procédural, le principe de subsidiarité impose à toute personne de suivre jusqu’à leur terme toutes les procédures pertinentes au niveau national avant de saisir la CEDH.
Au niveau du fond, ce principe met en avant les compétences nationales de chaque État qui est, en principe, mieux placé que le juge international pour prendre des mesures pour redresser les manquements allégués à la Convention et, éventuellement, se prononcer sur le contenu précis des restrictions aux droits protégés par la Convention.
La marge d’appréciation quant à elle, permet à la Cour de tenir compte notamment des traditions culturelles d’un État même si elles sont isolées. La Cour admet que les États parties disposent d’une « marge nationale d’appréciation » même si celle-ci ne va pas sans un contrôle de la Cour. Cette marge d’appréciation sera plus ou moins discrétionnaire selon les buts poursuivis ou les droits en jeu. Ainsi, il n’existe aucune marge d’appréciation des droits intangibles garantis par la Conv. EDH (par ex. : droit à la vie, interdiction de la torture, interdiction de l'esclavage et du travail forcé: Conv. EDH, art. 2, 3 et 4).
▪ Limite d’âge des juges (Conv. EDH, art. 21 et 23)
Les candidats au poste de juge à la CEDH devront être âgés de moins de 65 ans, ce qui revient à remplacer la limite d’âge de 70 ans par celle de 74 ans. Cette modification a pour objectif d’éviter aux juges qui atteignent l’âge de 70 ans de devoir prendre leur retraite parfois avant le terme de leur mandat non renouvelable de 9 ans.
▪ Dessaisissement en faveur de la Grande Chambre
Les parties ne pourront plus s’opposer au dessaisissement d’une affaire au profit de la Grande Chambre (Conv. EDH, art. 30). L’objectif de cette modification est d’accélérer l’examen des affaires importantes en supprimant une étape de la procédure.
▪ Condition de recevabilité. Délai d’introduction des requêtes (Conv. EDH, art. 35 § 1er)
Le délai pendant lequel une requête peut être introduite devant la CEDH, après épuisement des voies de recours internes, passera de 6 à 4 mois.
▪ Condition de recevabilité. Préjudice important (Conv. EDH, art. 35 § 3, b)
Selon l’article 35 § 3, b) de la Conv. EDH, la Cour déclare irrecevable toute requête individuelle lorsqu'elle estime que le requérant n'a subi aucun préjudice important, sauf si le respect des droits de l'homme garantis par la Convention et ses Protocoles exige un examen de la requête au fond. La suite de la phrase : « et à condition de ne rejeter pour ce motif aucune affaire qui n'a pas été dûment examinée par un tribunal interne » est supprimée par le projet de Protocole n° 15.
Pour entrer en vigueur, le Protocole n° 15 devra être ratifié par l’ensemble des Hautes parties contractantes à la Conv. EDH. Ce Protocole étant un protocole d’amendement modifiant essentiellement des aspects techniques du texte et n’ayant pas fait l’objet de controverses, sa signature devrait être assez rapide.
Références
■ Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
Préambule
« Les Gouvernements signataires, Membres du Conseil de l'Europe,
Considérant la Déclaration universelle des Droits de l'homme, proclamée par l'Assemblée générale des Nations unies le 10 décembre 1948;
Considérant que cette Déclaration tend à assurer la reconnaissance et l'application universelles et effectives des droits qui y sont énoncés;
Considérant que le but du Conseil de l'Europe est de réaliser une union plus étroite entre ses Membres, et que l'un des moyens d'atteindre ce but est la sauvegarde et le développement des Droits de l'homme et des libertés fondamentales;
Réaffirmant leur profond attachement à ces libertés fondamentales qui constituent les assises mêmes de la justice et de la paix dans le monde et dont le maintien repose essentiellement sur un régime politique véritablement démocratique, d'une part, et, d'autre part, sur une conception commune et un commun respect des Droits de l'homme dont ils se réclament;
Résolus, en tant que gouvernements d'États européens animés d'un même esprit et possédant un patrimoine commun d'idéal et de traditions politiques, de respect de la liberté et de prééminence du droit, à prendre les premières mesures propres à assurer la garantie collective de certains des droits énoncés dans la Déclaration universelle,
Sont convenus de ce qui suit: »
Projet de protocole n° 15, article 1er
« À la fin du préambule de la Convention, un nouveau considérant est ajouté et se lit comme suit :
Affirmant qu’il incombe au premier chef aux Hautes Parties contractantes, conformément au principe de subsidiarité, de garantir le respect des droits et libertés définis dans la présente Convention et ses protocoles, et que, ce faisant, elles jouissent d’une marge d’appréciation, sous le contrôle de la Cour européenne des Droits de l’Homme instituée par la présente Convention, »
Article 21 - Conditions d'exercice des fonctions
« 1. Les juges doivent jouir de la plus haute considération morale et réunir les conditions requises pour l'exercice de hautes fonctions judiciaires ou être des jurisconsultes possédant une compétence notoire.
2. Les juges siègent à la Cour à titre individuel.
3. Pendant la durée de leur mandat, les juges ne peuvent exercer aucune activité incompatible avec les exigences d'indépendance, d'impartialité ou de disponibilité requise par une activité exercée à plein temps; toute question soulevée en application de ce paragraphe est tranchée par la Cour. »
Projet de protocole n° 15, article 2, 1 et 2
« 1 À l’article 21 de la Convention, un nouveau paragraphe 2 est inséré et se lit comme suit :
“ Les candidats doivent être âgés de moins de 65 ans à la date à laquelle la liste de trois candidats est attendue par l’Assemblée parlementaire, en vertu de l’article 22. ”
2 Les paragraphes 2 et 3 de l’article 21 de la Convention deviennent respectivement les paragraphes 3 et 4 de l’article 21. »
Article 23- Durée du mandat et révocation
« 1. Les juges sont élus pour une durée de neuf ans. Ils ne sont pas rééligibles.
2. Le mandat des juges s'achève dès qu'ils atteignent l'âge de 70 ans.
3. Les juges restent en fonction jusqu'à leur remplacement. Ils continuent toutefois de connaître des affaires dont ils sont déjà saisis.
4. Un juge ne peut être relevé de ses fonctions que si les autres juges décident, à la majorité des deux tiers, que ce juge a cessé de répondre aux conditions requises. »
Projet de protocole n° 15, article 2, 3
« 3 Le paragraphe 2 de l’article 23 de la Convention est supprimé. Les paragraphes 3 et 4 de l’article 23 deviennent respectivement les paragraphes 2 et 3 de l’article 23. »
Article 30 - Dessaisissement en faveur de la Grande Chambre
« Si l'affaire pendante devant une Chambre soulève une question grave relative à l'interprétation de la Convention ou de ses protocoles, ou si la solution d'une question peut conduire à une contradiction avec un arrêt rendu antérieurement par la cour, la Chambre peut, tant qu'elle n'a pas rendu son arrêt, se dessaisir au profit de la Grande Chambre, à moins que l'une des parties ne s'y oppose. »
Projet de protocole n° 15, article 3
« À l’article 30 de la Convention, les mots “ à moins que l’une des parties ne s’y oppose ” sont supprimés. »
Article 35 - Conditions de recevabilité
« 1. La Cour ne peut être saisie qu'après l'épuisement des voies de recours internes, tel qu'il est entendu selon les principes de droit international généralement reconnus, et dans un délai de six mois à partir de la date de la décision interne définitive.
2. La Cour ne retient aucune requête individuelle introduite en application de l'article 34, lorsque:
a) Elle est anonyme; ou
b) Elle est essentiellement la même qu'une requête précédemment examinée par la cour ou déjà soumise à une autre instance internationale d'enquête ou de règlement, et si elle ne contient pas de faits nouveaux.
3. La Cour déclare irrecevable toute requête individuelle introduite en application de l'article 34, lorsqu'elle estime:
a) que la requête est incompatible avec les dispositions de la Convention ou de ses Protocoles, manifestement mal fondée ou abusive; ou
b) que le requérant n'a subi aucun préjudice important, sauf si le respect des droits de l'homme garantis par la Convention et ses Protocoles exige un examen de la requête au fond et à condition de ne rejeter pour ce motif aucune affaire qui n'a pas été dûment examinée par un tribunal interne.
4. La Cour rejette toute requête qu'elle considère comme irrecevable en application du présent article. Elle peut procéder ainsi à tout stade de la procédure. »
Projet de protocole n° 15, article 4
« À l’article 35, paragraphe 1, de la Convention, les mots « dans un délai de six mois » sont remplacés par les mots “ dans un délai de quatre mois” ».
Projet de protocole n° 15, article 5
« À l’article 35, paragraphe 3, alinéa b, de la Convention, les mots “ et à condition de ne rejeter pour ce motif aucune affaire qui n’a pas été dûment examinée par un tribunal interne ” sont supprimés. »
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