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[ 19 janvier 2011 ] Imprimer

Droit commercial et des affaires

Point sur l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL)

Mots-clefs : EIRL, Régime, Création, Déclaration, Patrimoine d’affectation, Créanciers professionnels, Créanciers personnels, Gage général

Le 1er janvier 2011 est entré en vigueur le décret d’application de la loi du 15 juin 2010 relative à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, l’occasion pour Dalloz Actu Étudiant de faire le point sur ce nouveau statut.

La loi du 15 juin 2010 a créé un nouveau statut juridique, fiscal et social pour l’entrepreneur l’individuel : l’EIRL (art. L. 526-6 s. C. com.).

Ce texte s’adresse à toute personne physique qui souhaite affecter à son activité professionnelle (commerciale, artisanale, indépendante) un patrimoine distinct de son patrimoine personnel, sans avoir à créer une personne morale. Cette innovation rompt ainsi avec la théorie de l’unité du patrimoine, qui repose sur le postulat qu’une personne ne peut avoir qu’un seul patrimoine.

Le but visé par le législateur est de protéger le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel ainsi que sa famille contre les risques que peut faire courir l’exercice d’une activité commerciale, et notamment celui d’une procédure collective. La séparation des patrimoines a ainsi pour effets de limiter :

– le gage général des créanciers professionnels de l’entrepreneur au seul actif du patrimoine affecté à l’activité professionnelle, dont les droits sont nés après le dépôt de la déclaration d’affectation (art. L. 526-12 C. com. ; a contrario, les créanciers dont les droits sont nés antérieurement disposent d'un gage générale qui porte sur la totalité du patrimoine de l’entrepreneur, sauf opposition prévue par l’entrepreneur dans la déclaration (al. 2)) ;

– le gage général des créanciers personnels de l’entrepreneur à l’actif non affecté.

La création d’un patrimoine d’affectation repose sur une déclaration qui, en vertu de l’article L. 526-8 du Code de commerce, doit comporter :

– la liste des biens, droits obligations ou sûretés affectés à l’activité professionnelle, « en nature, qualité, quantité et valeur » (l’al. 2 de l’art. L. 526-6 C. com. opérant pour le patrimoine affecté une distinction entre les éléments obligatoires car indispensables à l’exercice de l’activité et ceux facultatifs que l’entrepreneur estime utiles) ;

– l’objet de l’activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté ;

– tout document attestant l’accomplissement de formalités exigées aux articles L. 526-9 à L. 526-11, comme par exemple en cas d’affectation d’un bien commun, l’accord exprès du conjoint.

Cette déclaration est déposée auprès des organismes chargés de la tenue des registres de publicité légale (par ex. : registre du commerce et des sociétés pour l’exercice d’une activité commerciale ; répertoire des métiers pour une activité artisanale).

Au niveau comptable, l’EIRL fait l’objet d’une comptabilité autonome et dispose d’un compte bancaire distinct.

Au niveau fiscal, il a le choix entre l’impôt sur les sociétés ou sur le revenu, l’option retenue ayant une incidence sur le calcul des cotisations et charges sociales dont il devra s’acquitter.

La déclaration d’affectation cesse de produire ces effets dans deux cas visés à l’article L. 526-15 du Code de commerce : en cas de renonciation de l’entrepreneur ou son décès (sauf reprise par un héritier).

Loi n°2010-658 du 15 juin 2010, JO 16 juin

Ordonnance n°2010-1512 du 9 décembre 2010, JO 10 déc.

Décret n°2010-1706 du 29 déc. 2010, JO 31 déc.

 

Références

Personne morale

« Groupement doté de la personnalité juridique, donc titulaire lui-même de droits et d’obligations abstraction faite de la personne des membres qui le composent : société, association, syndicat, État, collectivités territoriales, établissements publics.

La Cour de cassation affirme, s’agissant du droit privé, que “ la personnalité morale n’est pas une création de la loi ”; qu’elle appartient, en principe, à tout groupement pourvu d’une possibilité d’expression collective pour la défense d’intérêts licites, dignes, par suite, d’être juridiquement reconnus et protégés. »

Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.

■ Code de commerce

Article L. 526-6

« Tout entrepreneur individuel peut affecter à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel, sans création d'une personne morale.

Ce patrimoine est composé de l'ensemble des biens, droits, obligations ou sûretés dont l'entrepreneur individuel est titulaire, nécessaires à l'exercice de son activité professionnelle. Il peut comprendre également les biens, droits, obligations ou sûretés dont l'entrepreneur individuel est titulaire, utilisés pour l'exercice de son activité professionnelle et qu'il décide d'y affecter. Un même bien, droit, obligation ou sûreté ne peut entrer dans la composition que d'un seul patrimoine affecté.

Par dérogation à l'alinéa précédent, l'entrepreneur individuel exerçant une activité agricole au sens de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime peut ne pas affecter les terres utilisées pour l'exercice de son exploitation dans son patrimoine personnel. Cette faculté s'applique à la totalité des terres dont l'exploitant est propriétaire.

Pour l'exercice de l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté, l'entrepreneur individuel utilise une dénomination incorporant son nom, précédé ou suivi immédiatement des mots : " Entrepreneur individuel à responsabilité limitée ” ou des initiales : " EIRL ”. »

Article L. 526-7

 « La constitution du patrimoine affecté résulte du dépôt d'une déclaration effectué :

1° Soit au registre de publicité légale auquel l'entrepreneur individuel est tenu de s'immatriculer ;

2° Soit au registre de publicité légale choisi par l'entrepreneur individuel en cas de double immatriculation ; dans ce cas, mention en est portée à l'autre registre ;

3° Soit, pour les personnes physiques qui ne sont pas tenues de s'immatriculer à un registre de publicité légale, à un registre tenu au greffe du tribunal statuant en matière commerciale du lieu de leur établissement principal ;

4° Soit, pour les exploitants agricoles, auprès de la chambre d'agriculture compétente. »

Article L. 526-8

« Les organismes chargés de la tenue des registres mentionnés à l'article L. 526-7 n'acceptent le dépôt de la déclaration visée au même article qu'après avoir vérifié qu'elle comporte :

1° Un état descriptif des biens, droits, obligations ou sûretés affectés à l'activité professionnelle, en nature, qualité, quantité et valeur ;

2° La mention de l'objet de l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté. La modification de l'objet donne lieu à mention au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration prévue à l'article L. 527-7  [art. L. 526-7];

3° Le cas échéant, les documents attestant de l'accomplissement des formalités visées aux articles L. 526-9 à L. 526-11. »

Article L. 526-9

« L'affectation d'un bien immobilier ou d'une partie d'un tel bien est reçue par acte notarié et publiée au bureau des hypothèques ou, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, au livre foncier de la situation du bien.L'entrepreneur individuel qui n'affecte qu'une partie d'un ou de plusieurs biens immobiliers désigne celle-ci dans un état descriptif de division.

L'établissement de l'acte notarié et l'accomplissement des formalités de publicité donnent lieu au versement d'émoluments fixes dans le cadre d'un plafond déterminé par décret.

Lorsque l'affectation d'un bien immobilier ou d'une partie d'un tel bien est postérieure à la constitution du patrimoine affecté, elle donne lieu au dépôt d'une déclaration complémentaire au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration prévue à l'article L. 526-7. L'article L. 526-8 est applicable, à l'exception des 1° et 2°.

Le non-respect des règles prévues au présent article entraîne l'inopposabilité de l'affectation. »

Article L. 526-10

« Tout élément d'actif du patrimoine affecté, autre que des liquidités, d'une valeur déclarée supérieure à un montant fixé par décret fait l'objet d'une évaluation au vu d'un rapport annexé à la déclaration et établi sous sa responsabilité par un commissaire aux comptes, un expert-comptable, une association de gestion et de comptabilité ou un notaire désigné par l'entrepreneur individuel. L'évaluation par un notaire ne peut concerner qu'un bien immobilier.

Lorsque l'affectation d'un bien visé au premier alinéa est postérieure à la constitution du patrimoine affecté, elle fait l'objet d'une évaluation dans les mêmes formes et donne lieu au dépôt d'une déclaration complémentaire au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration prévue à l'article L. 526-7. L'article L. 526-8 est applicable, à l'exception des 1° et 2°.

Lorsque la valeur déclarée est supérieure à celle proposée par le commissaire aux comptes, l'expert-comptable, l'association de gestion et de comptabilité ou le notaire, l'entrepreneur individuel est responsable, pendant une durée de cinq ans, à l'égard des tiers sur la totalité de son patrimoine, affecté et non affecté, à hauteur de la différence entre la valeur proposée par le commissaire aux comptes, l'expert-comptable, l'association de gestion et de comptabilité ou le notaire et la valeur déclarée.

En l'absence de recours à un commissaire aux comptes, à un expert-comptable, à une association de gestion et de comptabilité ou à un notaire, l'entrepreneur individuel est responsable, pendant une durée de cinq ans, à l'égard des tiers sur la totalité de son patrimoine, affecté et non affecté, à hauteur de la différence entre la valeur réelle du bien au moment de l'affectation et la valeur déclarée. »

Article L. 526-11

« Lorsque tout ou partie des biens affectés sont des biens communs ou indivis, l'entrepreneur individuel justifie de l'accord exprès de son conjoint ou de ses coïndivisaires et de leur information préalable sur les droits des créanciers mentionnés au 1° de l'article L. 526-12 sur le patrimoine affecté. Un même bien commun ou indivis ou une même partie d'un bien immobilier commun ou indivis ne peut entrer dans la composition que d'un seul patrimoine affecté.

Lorsque l'affectation d'un bien commun ou indivis est postérieure à la constitution du patrimoine affecté, elle donne lieu au dépôt d'une déclaration complémentaire au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration prévue à l'article L. 526-7. L'article L. 526-8 est applicable, à l'exception des 1° et 2°.

Le non-respect des règles prévues au présent article entraîne l'inopposabilité de l'affectation. »

Article L. 526-12

« La déclaration d'affectation mentionnée à l'article L. 526-7 est opposable de plein droit aux créanciers dont les droits sont nés postérieurement à son dépôt.

Elle est opposable aux créanciers dont les droits sont nés antérieurement à son dépôt à la condition que l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée le mentionne dans la déclaration d'affectation et en informe les créanciers dans des conditions fixées par voie réglementaire.

Dans ce cas, les créanciers concernés peuvent former opposition à ce que la déclaration leur soit opposable dans un délai fixé par voie réglementaire. Une décision de justice rejette l'opposition ou ordonne soit le remboursement des créances, soit la constitution de garanties, si l'entrepreneur individuel en offre et si elles sont jugées suffisantes.

À défaut de remboursement des créances ou de constitution des garanties ordonnées, la déclaration est inopposable aux créanciers dont l'opposition a été admise.

L'opposition formée par un créancier n'a pas pour effet d'interdire la constitution du patrimoine affecté.

Par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil :

1° Les créanciers auxquels la déclaration d'affectation est opposable et dont les droits sont nés à l'occasion de l'exercice de l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté ont pour seul gage général le patrimoine affecté ;

2° Les autres créanciers auxquels la déclaration est opposable ont pour seul gage général le patrimoine non affecté.

Toutefois, l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée est responsable sur la totalité de ses biens et droits en cas de fraude ou en cas de manquement grave aux règles prévues au deuxième alinéa de l'article L. 526-6 ou aux obligations prévues à l'article L. 526-13.

En cas d'insuffisance du patrimoine non affecté, le droit de gage général des créanciers mentionnés au 2° du présent article peut s'exercer sur le bénéfice réalisé par l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée lors du dernier exercice clos. »

Article L. 526-15

« En cas de renonciation de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée à l'affectation ou en cas de décès de celui-ci, la déclaration d'affectation cesse de produire ses effets. Toutefois, en cas de cessation, concomitante à la renonciation, de l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté ou en cas de décès, les créanciers mentionnés aux 1° et 2° de l'article L. 526-12 conservent pour seul gage général celui qui était le leur au moment de la renonciation ou du décès.

En cas de renonciation, l'entrepreneur individuel en fait porter la mention au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration prévue à l'article L. 526-7. En cas de décès, un héritier, un ayant droit ou toute personne mandatée à cet effet en fait porter la mention au même registre. »

 

 

Auteur :A. T.

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