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Procédure civile
Point sur les modes alternatifs de règlement de différends : de leur expansion à leur limite
Médiation conciliation, procédure participative, transaction, arbitrage, … Les modes alternatifs de règlement des différends (ou MARD) sont présentés comme un moyen de contourner l’engorgement des juridictions. Ils se sont peu à peu développés jusqu’à faire partie intégrante de la procédure civile.
■ Définitions
Les modes alternatifs de règlement des différends sont des « circuits de dérivation du contentieux » (OPPETIT, Arbitrage, médiation et conciliation, Rev. arb. 1984. 307, spéc. p. 322). Ils permettent ainsi d’éviter le recours au juge ou, a minima, que le litige soit tranché par le juge déjà saisi (précision terminologique : on parle de « différend » avant la saisine du juge, et de « litige » lorsqu’il a été saisi).
L’article 750-1 du code de procédure civile en mentionne trois types : la conciliation, la médiation et la procédure participative.
La conciliation et la médiation sont souvent confondues, puisqu’il existe entre elles nombre de similitudes. La conciliation et la médiation peuvent être :
Conventionnelles (C. pr. civ., art. 1530 à 1541) : il s’agit des cas dans lesquels les parties ont contracté et ont inséré une clause de conciliation ou de médiation préalable obligatoire au sein de leur contrat ;
Judiciaires (C. pr. civ., art. 127 à 131-15) : le litige existe déjà, le juge a déjà été saisi et il enjoint aux parties de recourir à une résolution amiable, sous réserve de leur accord ;
Légales (C. pr. civ., art. 750-1) : il s’agit des domaines dans lesquels la conciliation ou la médiation sont imposées par la loi.
Quel que soit le cadre dans lequel la conciliation et la médiation s’inscrivent, elles font intervenir un tiers astreint à la confidentialité, de sorte que les débats lors des audiences de conciliation ou de médiation ne pourront être utilisés par la suite devant le juge (C. pr. civ., art. 1531).
Malgré ces similitudes, des différences entre la conciliation et la médiation doivent être relevées.
La conciliation est organisée par un conciliateur de justice. Il s’agit d’un bénévole chargé de rechercher le règlement amiable des différents (Décr. n° 78-381 du 20 mars 1978, art. 1er , JO 23 mars). Il a donc un rôle actif puisqu’il doit proposer des solutions aux parties. À ce titre, il bénéficie d’un pouvoir d’instruction (C. pr. civ., art. 129-4)
Le juge dispose lui aussi d’une mission de conciliation des parties, qui entre dans les principes directeurs du procès civil (C. pr. civ., art. 21).
La médiation quant à elle fait intervenir un autre tiers qui est le médiateur. À la différence du conciliateur, le médiateur est rémunéré, il ne débute sa mission que lorsque les parties ont consigné sa rémunération (C. pr. civ., art. 131-6, al. 2). Le médiateur occupe un rôle plus passif puisqu’il est chargé de rapprocher les parties, sans proposer de solution ni investiguer (C. pr. civ., art. 131-8). Ici, une fois le dialogue installé, les parties pourront trouver au mieux la solution au litige les opposant.
Ces deux modes alternatifs de règlement des différends obéissent à deux philosophies distinctes, correspondant aux spécificités des parties et de ce qui les oppose. En effet, certaines parties seront plus ouvertes à la discussion et pourront, par elles-mêmes, trouver un accord ; d’autres, quant à elles, seront dans une position de grande hostilité et auront besoin de solutions proposées par un tiers.
La procédure participative est exclusivement conventionnelle car elle est initiée par la conclusion d’une convention de procédure participative. Il s’agit de la « convention par laquelle les parties à un différend s’engagent à œuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend […] » (C. civ, art. 2062). Il existe un second type de convention de procédure participative qui n’est pas un MARD : il s’agit de la mise en état participative. Il s’agit, pour les parties, postérieurement à la saisine du juge, de mettre en état l’affaire afin que le juge puisse trancher.
Cette procédure nécessite l’assistance d’un avocat, lequel peut éventuellement rédiger l’accord ayant abouti (C. civ., 2064). Il s’agira ainsi d’un acte contresigné par avocat (C. pr. civ., art. 1546-3). Elle a donc un certain coût, correspondant aux honoraires pratiqués par l’avocat en question, qui est astreint au secret professionnel (C. pr. civ., art. 1545 al. 3. – RIN, art. 2).
Pour ces trois MARD, l’accord éventuellement trouvé par les parties doit être signé par elles et par le tiers intervenant (C. pr. civ., art. 130, 131-12 et C. civ. 2066). Par la suite, les parties pourront faire homologuer leur accord par le juge, lui conférant ainsi force exécutoire, ouvrant la possibilité de saisir le juge de l’exécution en cas d’inexécution par l’une des parties (C. pr. civ., art. 131, 131-12, 1565 – COJ, art. L. 213-6).
Outre ces trois modes alternatifs de règlement des différends cités par l’article 750-1 du code de procédure civile, ce code en consacre d’autres. On peut notamment citer la transaction définie comme le contrat par lequel les parties mettent fin à une contestation née ou à naître (C. civ., art. 2044 et s.) ou l’arbitrage, payant et privé, initié par une convention d’arbitrage, faisant intervenir un tiers arbitre (C. pr. civ, art. 1442 à 1503).
■ Évolutions législatives
Les modes alternatifs de règlement des litiges sont en réalité anciens, puisque la loi des 16 et 24 août 1790 encadrait déjà la conciliation. Celle-ci a été reprise par le nouveau code de procédure civile. Peu à peu, avec la prise en compte de la médiation, les modes alternatifs de règlement des différends se sont développés, ayant désormais une influence sur les procédures contentieuses (Ord. n° 2011-1540 du 16 nov. 2011, JO 17 nov. 2011).
En effet, la mention des « diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige » a été introduite parmi les mentions obligatoires de l’assignation (Décr. n° 2015-282 du 11 mars 2015, JO 14 mars. – C. pr. civ., anc. art. 56). Toutefois, cette obligation souffrait d’exceptions tenant à l’urgence, à la matière concernée et n’était pas sanctionnée de nullité (G. MAUGAIN, Assignation, Rép. Pr. civ., Dalloz, §21).
Ensuite, la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle a ouvert la possibilité pour le juge d’instance de soulever d’office l’irrecevabilité tirée du défaut de tentative de conciliation préalable (L. n° 2016-1547 du 18 nov. 2016, art. 4, JO 19 nov. – Décr. n° 2017-892 du 6 mai 2017, JO 10 mai).
Enfin, la loi du 23 mars 2019 et son décret d’application sont venus parachever ces évolutions. D’une part, ils ont modifié la numérotation de l’ancien article 56, devenu l’article 54 du code de procédure civile. Désormais, est sanctionnée de nullité le défaut de mention des tentatives de résolution amiable par voie de conciliation, de médiation ou de procédure participative (L. n° 2019-222 du 23 mars 2019, JO 24 mars. – Décr. n° 2019-1333 du 11 déc. 2019, JO 12 déc. – C. pr. civ., art. 54, 5°).
D’autre part, ces textes ont précisé l’œuvre de la loi de 2016 en insérant un article 750-1 au code de procédure civile afin de définir le champ d’application de la conciliation, de la médiation ou de la procédure participative préalables obligatoires. Il s’agit des demandes inférieures à 5 000€, au bornage (COJ, art. R. 211-3-4) et aux actions de l’article R. 211-3-8 du code de l’organisation judiciaire. Toutefois, des exceptions sont posées et les parties sont dispensées de l’obligation notamment lorsqu’elles sollicitent l’homologation d’un accord ou lorsque l’exercice d’un recours préalable est imposé auprès de l’auteur de la décision (C. pr. civ., art. 750-1, 1° à 5°).
Parallèlement, les modes alternatifs de règlement de différends se sont développés dans d’autres branches du droit, telles que le droit de la consommation avec le médiateur de la consommation (C. conso., art. L. 611-1 à L. 616-3) ou le droit public avec une médiation préalable obligatoire pour certaines matières (CJA, art. L. 213-11 à L. 213-14).
■ Annulation de l’article 750-1 du code de procédure civile
Le Conseil national des Barreaux, l’ordre des avocats du barreau de Paris ainsi que d’autres associations et fédérations d’avocats ont formé un recours pour excès de pouvoir contre le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019. Outre les critiques relatives aux règles de postulations, les demandeurs se prévalent d’une violation au droit au recours effectif par l’article 750-1 du code de procédure civile en cause.
Plus précisément, est dénoncé l’article 750-1, 3° rédigé comme il suit : « l'indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l'organisation de la première réunion de conciliation dans un délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige ».
Le Conseil d’État accueille le moyen, considérant que cette disposition, établissant les critères de l’indisponibilité des conciliateurs, manque de précision. Or il s’agit d’une condition de recevabilité du recours ; l’atteinte au droit au recours effectif est donc constituée (DDHC, art. 16). Il prononce donc l’annulation de la disposition mais la module dans le temps car son annulation rétroactive aurait des conséquences manifestement excessives sur le fonctionnement du service public de la justice. Ainsi, l’annulation n’est pas rétroactive et les effets de la disposition sont définitifs avant son annulation (CE, 22 sept. 2022, no 436939).
Référence :
■ CE, 22 sept. 2022, n° 436939 : AJDA 2022. 1817
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