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[ 30 mai 2017 ] Imprimer

Droit constitutionnel

Point sur les ordonnances de l’article 38 de la Constitution

Mots-clefs : Ordonnances, Article 38, Constitution, Signature, Acte réglementaire, Loi, Ratification, Président de la République, Gouvernement, Parlement

« Gouverner par ordonnance ». Le Président de la République a annoncé son souhait de mener à bien certaines réformes en demandant au Parlement l’autorisation de prendre par ordonnances des mesures qui relèvent normalement du domaine de la loi. Dalloz Actu Étudiant vous propose de faire un point cette notion.

Selon l’article 38 de la Constitution: « le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi.

« Les ordonnances sont prises en Conseil des ministres après avis du Conseil d'État. Elles entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n'est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d'habilitation. Elles ne peuvent être ratifiées que de manière expresse.

« A l'expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent article, les ordonnances ne peuvent plus être modifiées que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif ».

Les ordonnances sont les héritières des décrets-lois de la Quatrième République. 

L’ordonnance peut se définir comme un acte pris par le Gouvernement sur habilitation du Parlement et signé par le Président de la République, après délibération du Conseil des Ministres.

Cette procédure se déroule en plusieurs étapes :

■ En premier lieu il faut que le Gouvernement prenne l’initiative. Mais, ainsi que l’illustre la volonté du Président Emmanuel Macron en matière de droit du travail, l’initiative peut aussi venir du Chef de l’État. Elle sera donc relayée par le Gouvernement. La motivation officielle est claire : « exécuter son programme ». La motivation officieuse est d’agir plus vite qu’avec la procédure législative ordinaire.

■ En second lieu, et suite à cette initiative, le Gouvernement adopte un projet de loi d’habilitation.

Ledit projet est ensuite soumis au Parlement. Les parlementaires l’examinent dans les mêmes conditions qu’un projet de loi ordinaire (amendements,…).

■ En troisième lieu, une fois votée, cette habilitation donne compétence au Gouvernement pour intervenir dans le domaine législatif. L’habilitation est toujours encadrée par « un délai limité ». Selon le Conseil Constitutionnel, le Gouvernement doit préciser au Parlement « la finalité des mesures qu’il se propose de prendre » (Cons. const. 12 janv. 1977, n° 76-72 DC), son programme en quelque sorte. De même, et toujours selon le juge constitutionnel, le Gouvernement doit aussi préciser les « domaines d’intervention » (Cons. const. 25 juin 1986, n° 86-207 DC § 13. Cons. const. 26 janv. 2017, n° 2016-745 DC § 12). Mais il n’est pas « tenu de faire connaitre la teneur des ordonnances qu’il prendra » (Cons. const. 25 juin 1986, n° 86-207 DC § 21). Cela étant posé, il ne saurait donc être question que, via cette habilitation, le Gouvernement dessaisisse le Parlement.

■ En quatrième lieu c’est la signature du Président de la République. En effet selon l’article 13 de la Constitution, et sur la base de son pouvoir réglementaire, « le Président de la République signe les ordonnances »On a longtemps pensé que le présent de l’indicatif (signe) contraignait le Chef de l’État à signer. Il s’avère que, grammaticalement, le présent de l’indicatif n’emporte pas contrainte. De même on a longtemps estimé qu’étant donné que ce pouvoir est soumis au contreseing (pouvoir partagé), le Président avait un devoir de signer. Durant la première cohabitation de la Cinquième République, en 1986, le Président François Mitterrand, comme il en avait averti le Gouvernement Chirac, a refusé de signer trois ordonnances (privatisations, découpage des circonscriptions électorales, aménagements du temps de travail). Il s’en est suivi une polémique juridique sur le fait de savoir si le Chef de l’État pouvait agir ainsi (notamment en période de cohabitation). Il faut préciser que les ordonnances ne sont pas, formellement, des actes législatifs mais des actes réglementaires jusqu’à ce que ces actes soient ratifiés par le Parlement. Dès lors le Président ne peut être obligé de signer l’acte. D’autant plus que, contrairement à la loi, il n’existe pas de délai de signature. Précisons que la loi de ratification ne sera jugée conforme à la Constitution que si les ordonnances qu’elle ratifie sont elles-mêmes jugées conformes (Cons. const. 4 juin 1984, n° 84-170 DC). S’il y a inconstitutionnalité de ladite loi, l’ordonnance reste un acte réglementaire (Cons. const. 23 janv. 1987, n° 86-224 DC). Depuis la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, la ratification ne peut être qu’expresse.

Quant à la procédure elle-même, la controverse de 1986 a pris fin dès lors que le Gouvernement Chirac a pu transformer les trois ordonnances ayant fait l’objet d’un refus de signature par le Président de la République en projets de loi. Et dans ce cas, le Président de la République a l’obligation de signer l’acte de promulgation de la loi. François Mitterrand opina, à raison, que « cela finit comme cela aurait dû commencer ».

Depuis 1958, les Gouvernements ont eu recours aux ordonnances soit pour des sujets techniques, soit pour des textes sensibles, ou encore pour « gagner du temps ». On peut citer deux exemples : l’ordonnance n° 96-344 du 24 avril 1996 portant mesures relatives à l'organisation de la sécurité sociale prise sous le Gouvernement Juppé ou encore l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.

Enfin, depuis le début des années 2000, on constate une augmentation de l’utilisation de l’article 38 de la Constitution notamment en raison de la nécessité de transposer au mieux les directives de l’Union européenne en droit français.

Références

■ Cons. const. 12 janv. 1977, n° 76-72 DC

■ Cons. const. 25 juin 1986, n° 86-207 DC 

■ Cons. const. 26 janv. 2017, n° 2016-745 DC 

■ Cons. const. 4 juin 1984, n° 84-170 DC

■ Cons. const. 23 janv. 1987, n° 86-224 DC

■ Fiche d’orientation Dalloz sur les ordonnances

■ Code constitutionnel et des droits fondamentaux, Dalloz.

 

■ Processus d’adoption d’une ordonnance

 

Auteur :R. P.


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