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Droit de la famille
Point sur les restrictions de l’autorité parentale
Dans l’intérêt de l’enfant, l’autorité parentale peut faire l’objet de restrictions, parfois importantes. Guidé par l’intérêt de l’enfant à voir son lien filial stabilisé, le législateur cherche en principe à préserver au mieux les prérogatives de ses parents, même lorsque ces derniers peinent à assumer leur mission. Toutefois, un encadrement des prérogatives parentales se révèle parfois nécessaire : celles-ci sont susceptibles d’être entamées, voire supprimées, quand de telles restrictions apparaissent indispensables pour protéger la personne comme le patrimoine de l’enfant du couple. Dans certains cas, les parents de l’enfant n’exercent donc pas l’autorité parentale (1) ; dans d’autres cas, il arrive même qu’ils soient privés de la jouissance de celle-ci (2). Dans tous les cas, la restriction de l’autorité parentale prend la forme soit d’une délégation de cette autorité (a), soit de l’ouverture d’une tutelle (b).
1. Cas dans lesquels l’exercice de l’autorité échappe aux parents
A. La délégation de l’autorité parentale
Résultant d’une décision judiciaire (C. civ., art. 377-1), la délégation de l’exercice de l’autorité parentale tend soit à son transfert, soit à son partage.
Dans le premier cas, la mesure conduit à retirer aux parents, totalement ou partiellement, les prérogatives qu’ils détiennent à ce titre, pour conférer ces prérogatives parentales à un tiers. Les conséquences d’une telle délégation sont variables. Elle n’affecte la plupart du temps que certains aspects de l’autorité parentale, certains pouvoirs n’étant d’ailleurs même pas susceptibles d’être transférés : ainsi, le droit de consentir à l’adoption du mineur n’est-il jamais délégué (C. civ., art. 377-3). Cette mesure doit en outre être justifiée par des circonstances impérieuses, dans l’intérêt de l’enfant, même lorsqu’elle est sollicitée par les parents eux-mêmes (C. civ. art. 377 ; Civ. 1re, 24 févr. 2006, n° 04-17.090) lorsque, pour des raisons tenant à leur âge, leur état de santé, leur éloignement ou à d’autres contraintes, ils ne s’estiment pas en mesure d’assumer leur mission parentale et préfèrent la déléguer, au moins en partie, à un membre de la famille ou à un « tiers digne de confiance » (v. Civ. 1re, 21 sept. 2022, n° 21-50.042, posant l’interdiction de choisir une personne sans lien avec les délégants). Le transfert de l’autorité parentale peut également être sollicitée par une personne tierce, morale ou physique, candidate à la délégation (C. civ., art. 377 : « Le particulier, l’établissement ou le service (…) de l’aide sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant ou un membre de la famille peut (agir) aux fins de se faire déléguer (…) l’exercice de l’autorité parentale »). Pour qu’une telle délégation devienne effective, le consentement des parents n’est pas nécessaire et leur opposition ne peut faire échec au transfert. Elle doit en revanche être justifiée par l’une des raisons limitativement énumérées par la loi (C. civ., art. 377, al. 2), notamment lorsque les parents sont dans l’impossibilité d’exercer tout ou partie de leur autorité. Il faut, en toutes hypothèses, que le juge vérifie la conformité de la mesure à l’intérêt de l’enfant (C. civ., art. 377 et 377-1).
Dans le second cas, plutôt que d’opérer un transfert de l’exercice de l’autorité parentale, le jugement prononçant la délégation prévoit que les parents, ou l’un d’eux, partageront tout ou partie de l’exercice de leur autorité avec un tiers délégataire (C. civ., art. 377-1). Cette délégation-partage permet de répondre au besoin du parent d’associer une autre personne aux décisions concernant son enfant, sans pour autant renoncer à ses prérogatives ; elle peut notamment lui permettre d’exercer ses droits de concert avec son conjoint, partenaire ou concubin. Pour qu’elle soit envisageable, il faut toutefois justifier ce partage de l’exercice de l’autorité parentale par les besoins d’éducation de l’enfant et s’assurer de l’assentiment du ou des parents en tant qu’ils exercent l’autorité parentale (C. civ., art. 377-1).
On notera enfin que la délégation n’est pas nécessairement définitive. Elle pourra en effet « prendre fin ou être transférée par un nouveau jugement, s’il est justifié de circonstances nouvelles » (C. civ., art. 377-2).
B. L’ouverture d’une tutelle
Si la délégation entame les prérogatives parentales, celles-ci sont parfois remises en cause sans même qu’une telle mesure ait été prononcée : « Est privé de l’exercice de l’autorité parentale le père ou la mère qui est hors d’état de manifester sa volonté, en raison de son incapacité, de son absence ou de toute autre cause ». Le législateur sait qu’en pareilles circonstances, l’exercice unilatéral de l’autorité parentale doit être privilégié. Or ce sont parfois les deux parents de l’enfant qui se trouvent dans cette situation : aucun d’eux n’est plus en mesure d’exprimer sa volonté. Dans ce cas, une tutelle a vocation à être ouverte (C. civ., art. 373-5 et 390). Désigné par un conseil de famille, lui-même présidé par le juge des tutelles, le tuteur prend alors soin de la personne du mineur, gère ses biens, le représente en justice, ainsi que dans tous les actes de la vie civile (C. civ., art. 408 ; v. aussi art. 496, 500, 501 et 504).
Si la tutelle est ouverte lorsque les parents sont hors d’état de manifester leur volonté, elle peut l’être aussi lorsque le juge confie l’enfant à un tiers, par dérogation au principe selon lequel les parents conservent dans cette hypothèse l’exercice de l’autorité parentale. En effet, il n’est pas toujours souhaitable qu’ils continuent à prendre les décisions concernant l’enfant. Il arrive donc qu’en suite du retrait de l’autorité parentale, le juge charge la personne tierce à laquelle l’enfant est confié de requérir l’ouverture ou l’organisation d’une tutelle (C. civ., art. 373-4 et 374-1).
Il résulte enfin de l’article 391 que ce sont parfois les difficultés soulevées par la gestion du patrimoine du mineur qui justifient l’ouverture d’une tutelle : en cas d’administration légale, le juge peut alors, à tout moment et pour un motif grave, soit d’office, soit à la requête des parents ou alliés ou du ministère public, décider d’ouvrir la tutelle. Il convoque à cette fin le conseil de famille qui peut soit nommer comme tuteur l’administrateur légal, soit désigner un autre tuteur. Lorsque la tutelle est ouverte en application de ce texte, elle ne concerne en principe que les questions patrimoniales. Les parents demeurent donc investis de l’exercice de l’autorité parentale quant à la personne de l’enfant (Cass. avis, 24 mars 2014, n° 13-70.010). Il est toutefois possible d’admettre le contraire, lorsque les circonstances justifient d’étendre la mesure (Civ. 1re, 3 nov. 2004, n° 03-05.056).
2. Cas dans lesquels la jouissance de l’autorité échappe aux parents
A. La délégation de l’autorité parentale
Il est des cas où ce n’est pas seulement l’exercice de l’autorité parentale qui fait l’objet d’une délégation : la jouissance de celle-ci peut elle aussi, parfois, être réservée à un tiers délégataire. L’hypothèse vise la déclaration judiciaire de délaissement parental, susceptible d’être prononcée, sous réserve de sa conformité à l’intérêt de l’enfant, lorsque les parents n’ont délibérément pas entretenu avec lui les relations nécessaires à son éducation ou à son développement, pendant une année entière (C. civ. art. 381-1). En réaction à cette carence parentale durable, la déclaration de délaissement entraîne la délégation de l’autorité parentale sur l’enfant à la personne, l’établissement ou le service départemental de l’ASE qui a recueilli l’enfant ou à qui ce dernier a été confié (C. civ., art. 381-2, al. 2).
Dans ce cadre, la délégation ne peut avoir pour objet que le transfert, et jamais le partage, de l’autorité parentale. À noter qu’en suite de cette décision, l’enfant peut faire l’objet d’une adoption, notamment plénière, et ce même si ces parents n’y ont pas consenti (C. civ., art. 344).
B. L’ouverture d’une tutelle
Lorsque les parents sont tous les deux décédés, ils ne jouissent naturellement plus de l’autorité parentale : l’ouverture d’une tutelle est alors automatique (C. civ., art. 373-5 et 390). Il existe deux autres types de situations dans lesquels les parents ne jouissent pas de l’autorité parentale en sorte que l’ouverture d’une tutelle sera nécessaire. La première vise le cas où la filiation de l’enfant n’a été établie à l’égard d’aucun d’eux. Il arrive également que les parents aient tous les deux été déchus de leurs prérogatives : la déchéance de leur autorité parentale est en effet automatique lorsqu’ils se sont rendus coupables d’infractions et de manquements graves à l’encontre de leur enfant (C. civ. art. 378 et 378-1). Il est à noter que même sans condamnation pénale, le juge peut prononcer la déchéance de l’autorité parentale à l’encontre des parents qui mettent manifestement en danger la sécurité, la santé ou la moralité de l’enfant par de mauvais traitements, une consommation habituelle et excessive d’alcool ou de stupéfiants, une inconduite notoire ou des comportements délictueux - la loi visant spécifiquement le cas de l’enfant témoin des violences physiques ou psychologiques exercées au sein du couple - ou encore par un défaut de soins ou un manque de direction (C. civ. art. 378-1). Or la déchéance de l’autorité parentale prévue par la loi constituant une mesure de protection du mineur et non une peine ou une sanction, elle peut être prononcée même si le parent qu’elle frappe est privé de discernement et n’a pas conscience de ses actes (Civ. 1re, 14 avr. 1982, n° 80-80.014 et 80-80.015). La perte de la jouissance de l’autorité parentale peut enfin avoir lieu lorsque, dans le cadre d’une mesure d’assistance éducative prise à l’égard de l’enfant, les parents se sont volontairement abstenus, pendant plus de deux ans, d’exercer les droits parentaux qui leur avaient été laissés et de remplir les devoirs dont ils restaient tenus envers leur enfant (C. civ. art. 378-1).
Dans ces différentes hypothèses conduisant à la perte de la jouissance de l’autorité parentale, l’enfant a donc vocation à vivre chez un tiers et l’ouverture d’une tutelle est inévitable (C. civ. art. 373-5, 380 et 390).
Radicales, les mesures prises dans ce cadre ne sont toutefois pas toujours définitives. Lorsqu’aucun des parents n’avait fait le nécessaire pour que la filiation de l’enfant soit établie, l’un d’entre eux finit parfois par assumer sa paternité ou sa maternité. Or « si un enfant vient à être reconnu par l’un de ses deux parents après l’ouverture de la tutelle, le juge (…) pourra, à la requête de ce parent, décider de substituer à la tutelle l’administration légale » (C. civ. art. 392). Il arrive par ailleurs que les parents qui avaient été privés de leur autorité la recouvrent, en justifiant de circonstances nouvelles, et que soit rendue une décision de mainlevée de la tutelle (C. civ. art. 393). Enfin, lorsque l’enfant est orphelin, qu’il n’a pas été reconnu, qu’il a été déclaré délaissé ou que ses parents ont été déchus de leurs prérogatives, il se peut qu’il soit enfin adopté : la tutelle a alors vocation à prendre fin, les parents adoptifs étant appelés à exercer l’autorité parentale.
Références :
■ Civ. 1re, 24 févr. 2006, n° 04-17.090 : D. 2006. 897, et les obs., note D. Vigneau ; ibid. 876, point de vue H. Fulchiron ; ibid. 1139, obs. F. Granet-Lambrechts ; ibid. 1414, obs. J.-J. Lemouland et D. Vigneau ; AJ fam. 2006. 159, obs. F. Chénedé ; RDSS 2006. 578, obs. C. Neirinck ; RTD civ. 2006. 297, obs. J. Hauser
■ Civ. 1re, 21 sept. 2022, n° 21-50.042 : D. 2022. 2134, note M. Barba et G. Millerioux ; ibid. 2023. 523, obs. M. Douchy-Oudot ; ibid. 807, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat ; AJ fam. 2023. 223 ; Rev. crit. DIP 2023. 227, note S. Chaillé de Néré ; RTD civ. 2022. 877, obs. A.-M. Leroyer ; ibid. 2023. 63, obs. P. Deumier
■ Cass. avis, 24 mars 2014, n° 13-70.010 : D. 2014. 1787, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; ibid. 2015. 649, obs. M. Douchy-Oudot ; AJ fam. 2014. 372, obs. H. Mornet ; RTD civ. 2014. 336, obs. J. Hauser
■ Civ. 1re, 3 nov. 2004, n° 03-05.056 : AJ fam. 2005. 20, obs. F. Chénedé ; RDSS 2005. 304, note F. Monéger ; RTD civ. 2005. 100, obs. J. Hauser
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