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Procédure pénale
Point sur les saisies spéciales : « Bien mal acquis ne profite jamais »
Le 5 novembre dernier, le ministère de l’économie et des finances a organisé une vente d’exception de 310 lots provenant de biens saisis et confisqués par la Justice, faisant récolter à l’État près de 3 millions d’euros : un procédé visant toutes les formes de délinquance et de criminalité qui lui aurait permis depuis une dizaine d’années d’amasser 1,5 milliard d’euros.
Afin de permettre la confiscation de certains biens et de toucher au patrimoine du délinquant ou du présumé délinquant, la loi no 2010-768 du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale, complétée par le décret no 2011-134 du 1er février 2011 relatif à l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), a introduit dans le Code de procédure pénale, sans toutefois en définir la notion, plusieurs types de saisies spéciales (les saisies de patrimoine, les saisies immobilières, les saisies de biens incorporels et les saisies sans dépossession) qui obéissent à un régime juridique commun (C. pr. pén., art. 706-141 à 706-158).
À la lecture de l’article 706-141 précité, il apparait que ces saisies spéciales à visée conservatoire constituent une catégorie particulière de saisies pénales, se distinguant, par la nature particulière du bien faisant l’objet de la saisie, par son fondement juridique ou par ses modalités, des saisies de droit commun qui rappelons-le sont pratiquées par les officiers de police judiciaire pendant les perquisitions pour la conservation d’indices et de preuves.
Les saisies spéciales ont pour spécificité d’être autonomes par rapport aux procédures civiles d’exécution, si bien que les dispositions des articles 706-141 et suivants du Code de procédure pénale peuvent s’appliquer malgré des dispositions relatives aux procédures civiles éventuellement contraires. Ne constituant pas à proprement parler une peine, elles sont également autonomes par rapport à la peine de confiscation dont elles sont le préalable (Crim. 18 sept. 2012, no 12-82.759).
Ces saisies pénales peuvent avoir lieu pendant l’enquête de police, sur autorisation du juge des libertés et de la détention saisi par requête du procureur de la République, ou pendant l’instruction, sur ordonnance du juge d’instruction (C. pr. pén., art. 81).
Qu’ils soient la propriété de la personne mise en cause ou que cette dernière en ait seulement la libre disposition (sous réserve, lorsqu’elle est prévue par la loi, des droits du propriétaire de bonne foi), les biens saisis sont d’une grande diversité : armes et instruments ayant apparemment servi à commettre le crime ou destinés à le commettre, produit direct ou indirect de l’infraction (C. pr. pén., art. 54), papiers, documents, données informatiques ainsi que les biens dont la confiscation est visée à l’article 131-21 du Code pénal.
Leur propriétaire peut en demander la restitution auprès du procureur de la République, du procureur général (C. pr. pén., art. 41-4) ou du juge d’instruction (C. pr. pén., art. 99) et interjeter appel de la décision devant la chambre de l’instruction. Précisons cependant que ni le délai d’appel ni l’exercice de cette voie de recours ne présentent un caractère suspensif de la procédure en cours afin d’éviter toute tentative de dissipation des biens saisis ou de dilapidation des sommes.
Ajoutons enfin que les saisies spéciales ont pour effet de rendre les biens concernés indisponibles jusqu’à leur mainlevée ou leur confiscation, sauf aliénation autorisée par le magistrat compétent (Crim. 15 sept. 2021, no 20-84.674). Pour autant, le propriétaire du bien saisi demeure responsable de son entretien et de sa conservation tout au long de la saisie (C. pr. pén., art. 706-143, al. 1er). À défaut, le magistrat ayant autorisé la mesure peut décider de la remise du bien à l’AGRASC, établissement public de l’État à caractère administratif placé sous la cotutelle du ministère de la justice et du ministère du budget et créé par la loi du 9 juillet 2010, pour qu’elle se charge de sa gestion, de sa conservation, de la prévention de sa dépréciation, de sa destruction ou de son aliénation (C. pr. pén., art. 41-5, 706-159 à 706-163).
Références
■ Crim. 18 sept. 2012, no 12-82.759 P : D. 2012. 2247
■ Crim. 15 sept. 2021, no 20-84.674 P : D. 2021. 1675
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