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Droit des sûretés et de la publicité foncière
Point sur les sûretés réelles
DAE vous propose un point sur les sûretés réelles.
● Critères de définition et de classification des sûretés réelles
À côté des sûretés personnelles, qui vise à l’adjonction d’un patrimoine pour garantir le recouvrement de la dette d’une tierce personne (ex : cautionnement), on relève l’existence des sûretés réelles (C. Albiges et M.-P. Dumont, Droit des sûretés, Dalloz, 9e éd., coll. Hyper Cours, n°388 s.). À l’origine, la notion de sûreté réelle n’était pas définie par le législateur. Cependant, la doctrine s’est depuis longtemps accordée pour retenir plusieurs éléments de définition.
Le premier tient dans l’affectation d’un ou plusieurs biens d’un débiteur ou, plus exceptionnellement, d’un tiers constituant une sûreté réelle pour autrui, au paiement préférentiel de son créancier. Ce paiement préférentiel permet au créancier d’échapper à la loi du concours en étant préféré aux créanciers chirographaires même si, au sein même des créanciers privilégiés, un classement s’impose lorsqu’ils entrent en concurrence.
Le second réside dans la situation d’exclusivité susceptible d’être conférée au créancier par la sûreté réelle, qui est fondée soit sur la propriété (transmise au créancier ou retenue par lui) soit sur la possession (par le biais du droit de rétention). Dans l’une et l’autre de ces hypothèses - l’affectation ou la propriété/possession d’un bien -, la sûreté réelle se présente comme un droit réel accessoire qui suit la créance garantie à laquelle elle est affectée, ce qui a par ailleurs permis d’élaborer une sorte de régime général des sûretés réelles. En effet, qu’elles soient d’origine légale, judiciaire ou conventionnelle, les sûretés réelles se caractérisent par l’existence d’un droit de préférence au profit du créancier, souvent doublé d’un droit de suite lui permettant d’exercer son droit de préférence même lorsque le bien n’est plus entre les mains du débiteur.
L’ordonnance du 15 septembre 2021 a confirmé ces éléments de définition des sûretés réelles. Alors que la réforme des sûretés organisée par l’ordonnance du 23 mars 2006 était sur ce point restée muette, l’article 2323 du Code civil issue de celle de 2021 énonce que « la sûreté réelle est l’affectation d’un bien ou d’un ensemble de biens, présents ou futurs, au paiement préférentiel ou exclusif du créancier ». Ainsi, dans le même sens que la doctrine, le texte souligne d’abord la finalité de la sûreté réelle, qui vise à assurer un paiement préférentiel ou exclusif du créancier. Le texte précise ensuite la technique que la sûreté réelle mobilise à cette fin : c’est par l’affectation en garantie d’un bien ou d’un ensemble de biens, ou plus exactement, d’un droit sur un bien, que la situation du créancier se trouve sécurisée.
Les réformes successives du droit du crédit ont enfin permis de dégager un critère précis de classification des sûretés réelles. Si en 1804, on distinguait les sûretés avec dépossession - cantonnées au gage et à l’antichrèse – des sûretés sans dépossession - limitées à l’hypothèque -, l’évolution des biens susceptibles d’être offerts en garantie avait conduit à la prolifération de gages sans dépossession, brouillant la summa divisio d’alors. Celle-ci a cependant été restaurée dès l’ordonnance de 2006 qui a érigé en critère de différenciation l’assiette de la garantie. Désormais, le Code civil oppose les sûretés réelles immobilières aux sûretés réelles mobilières et, au sein de ces dernières, celles ayant une nature corporelle ou incorporelle, qualifiant les premières de « gage », les secondes de « nantissement ».
● Établissement d’une typologie des sûretés réelles
Les sûretés réelles classiques
Les différentes sûretés réelles sont le gage, le nantissement, l’hypothèque, l’antichrèse, désormais qualifiée de « gage immobilier », les privilèges et la propriété-garantie auxquels il convient d’ajouter le droit de rétention, même s’il n’est pas expressément visé par les articles 2329 et 2373 du Code civil, conduisant à l’application d’un régime propre à chacune.
Le gage est la convention par laquelle le constituant accorde au créancier le droit de se faire payer par préférence à ses autres créanciers sur un bien mobilier ou un ensemble de biens mobiliers corporels, présents ou futurs, étant précisé que la seule condition de validité désormais exigée est la rédaction d’un écrit, la dépossession étant devenue une simple condition d’opposabilité aux tiers.
Le nantissement est l’affectation en garantie d’une obligation, d’un bien meuble incorporel ou d’un ensemble de biens meubles incorporels, présents ou futurs. L’exigence initiale de dépossession via la signification du nantissement de créance est à présent remplacée par une simple faculté de notification du nantissement au débiteur de la créance nantie, lequel ne peut alors plus se libérer entre les mains de son créancier après celle-ci, conférant au créancier nanti un véritable pouvoir de blocage sur cette créance.
L’hypothèque, qui peut être légale, conventionnelle, ou judiciaire, constitue un droit réel sur les immeubles affectés à l’acquittement d’une obligation. Indivisible, elle occupe une place majeure en matière de sûretés réelles grâce à son système de publicité foncière bien établi.
Le gage immobilier (ex-antichrèse) est une sûreté avec dépossession appliquée à un immeuble, conférant au créancier un droit de rétention fort utile, opposable à toute personne inscrite postérieurement.
Les privilèges, généraux ou spéciaux, sont des sûretés légales justifiées par la qualité de la créance ayant pour singularité d’être occultes.
La propriété-garantie vise principalement, dans la loi, la clause de réserve de propriété, applicable aussi bien en matière immobilière que mobilière.
Enfin, le droit de rétention, non classé dans la loi parmi les sûretés réelles, devrait pourtant y figurer si l’on tient compte de son efficacité, notamment en cas de procédure collective, puisque le rétenteur peut refuser de restituer le bien détenu tant qu’il n’a pas été intégralement payé.
Les sûretés réelles négatives
À côté des sûretés réelles classiques, il existe ce que la pratique a appelé des « sûretés réelles négatives », c’est-à-dire des clauses contractuelles par lesquelles un débiteur prend des engagements de ne pas faire à l’égard de son créancier pour ne pas compromettre la valeur de son droit de gage.
La déclaration d’insaisissabilité en offre un bon exemple (C. com., art. L. 526-1). Visant non seulement la résidence principale mais plus largement tous les immeubles non affectés à l’activité professionnelle, elle empêche les créanciers à qui cette déclaration est opposable de saisir l’immeuble concerné. En outre, le déclarant peut ensuite renoncer à cette insaisissabilité au profit du créancier qu’il souhaite privilégier, ce qui lui confèrera le droit de saisir l’immeuble, droit refusé aux autres créanciers.
● Efficacité des sûretés réelles
L’efficacité des sûretés réelles est mise à l’épreuve en cas de procédure collective, qui révèle parfois leur défaillance. De façon générale, l’article 2287 du Code civil rappelle le caractère dérogatoire au droit commun des sûretés du droit des procédures collectives. Or, la procédure de conciliation avait consacré un privilège de « new money » favorable aux apporteurs « d’argent frais » dans le cadre d’un accord amiable homologué, primant tous les créanciers, excepté le superprivilège des salariés et les frais de justice. Par ailleurs, la réforme du 15 septembre 2021 a consacré un privilège de « post money », qui couvre « les créances résultant d’un nouvel apport de trésorerie consenti en vue d’assurer la poursuite de l’activité pour la durée de la procédure », aux côtés « des créances résultant de l’exécution des contrats poursuivis, dont le contractant accepte de recevoir un paiement différé » (C. com., art. L. 622-17, II, 2°). Ce privilège permet de financer la poursuite de l’exploitation durant la période d’observation. Mais la réforme a surtout octroyé un privilège général et de même rang aux concours consentis pour l’exécution du plan. Cependant, pour rendre éligibles au privilège les créances résultant d’apports postérieurs à l’adoption du plan, une autorisation judiciaire est nécessaire. Les créances couvertes par ce privilège de « post money » correspondent aux engagements mentionnés dans le projet de plan (C. com., art. L. 626-10, 1°), éventuellement modifiés par le tribunal (C. com., art. L. 626-26). Les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire s’opposent à toute poursuite individuelle et donnent un rang prioritaire aux créanciers de la procédure, ce privilège s’établissant en fonction de la finalité de la créance postérieure (v. C. com., art. L. 622-17 et L. 641-13). Seule la liquidation judiciaire, ainsi que le plan de cession, y compris arrêté au stade de la période d’observation, permet à certains créanciers antérieurs titulaires de sûretés réelles spéciales de primer les créanciers postérieurs.
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