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[ 21 octobre 2015 ] Imprimer

Droit européen et de l'Union européenne

Point sur l’espace Schengen

Mots-clefs : Espace Schengen, Liberté de circulation, Personne, Citoyen européen, Ressortissant de pays tiers, Espace de liberté, de sécurité et de justice

L’espace Schengen est vraisemblablement l’une des expressions qui revient le plus souvent depuis que la crise des migrants est devenue une préoccupation majeure de l’Union européenne. Cependant le périmètre géographique, le contenu et les obligations en découlant sont autant de questions aux réponses incertaines.

L’espace Schengen est à l’origine un accord international signé, le 14 juin 1985, entre différents États qui sont membres de l’Union européenne. Cet accord se situe alors en marge de l’Union et n’engage que les États qui l’ont accepté. Il est seulement entré en vigueur le 26 mars 1995. La finalité de cette convention n’a pas été de créer la libre circulation des personnes, celle-ci est prévue depuis le traité de Rome de 1957, mais de renforcer cette liberté de circulation. Ainsi l’espace Schengen représente un territoire où les personnes peuvent circuler librement, sans avoir à subir systématiquement un contrôle aux frontières lorsqu’ils vont d’un État membre à un autre. Les États signataires ont en effet aboli toutes leurs frontières internes pour une frontière extérieure unique. Aussi l’enjeu est-il que les contrôles au niveau de cette frontière extérieure soient effectifs, étant donné qu’une fois la personne entrée sur cet espace Schengen, elle ne subira plus de contrôle entre Allemagne et la France par exemple, à l’exception de contrôle aléatoire. Afin que les contrôles soient efficaces, les États alimentent un fichier appelé Système d’information Schengen (SIS), permettant d’avoir connaissances des personnes ou objets signalés. Une agence a également été créée pour aider les États à gérer les frontières extérieures, il s’agit de l’agence Frontex.

A l’origine cinq États avaient signé cet accord. Aujourd’hui l’accord regroupe 26 États, dont 22 États membres de l’Union. Certains États, membres de l’Espace économique européen, y participent. L’Irlande et le Royaume-Uni ont refusé d’y être totalement associés ce qui explique les contrôles systématiques pour franchir leurs frontières. Ces deux États interviennent seulement pour la coopération policière et judiciaire. La Roumanie, la Bulgarie, la Chypre et la Croatie ont signé l’accord mais n’y ont pas encore accédé, notamment en raison de leurs difficultés à pouvoir contrôler leurs frontières avec les États tiers.

Au regard des implications en matière de liberté de circulation et du nombre d’États y participant, il a été décidé, par les États membres de l’Union, de l’intégrer dans le cadre juridique de l’UE dès le Traité d’Amsterdam, négocié en 1997. Cette intégration a été réalisée par l’adoption du protocole n° 19 annexé aux traités, qui a la même valeur que le droit primaire. En effet, l’espace Schengen comprend un certain nombre de règles et de procédures communes dans le domaine des visas pour séjours de courte durée, des demandes d’asile et des contrôles aux frontières qui sont nécessaires à la réalisation du marché intérieur. En intégrant l’espace Schengen au droit de l’Union, il en ressort une meilleure cohérence pour la libre circulation des personnes. Également, afin de garantir la sécurité au sein de l’espace Schengen, la coopération et la coordination entre les services de police et les autorités judiciaires ont été renforcées et ont dû être articulés avec le droit de l’Union.

En outre, l’espace Schengen impose des obligations aux États, qui ne peuvent plus effectuer de contrôles systématiques aux frontières (CJUE, 22 juin 2010, Aziz Melki et Selim Abdeli, C-188/10 et C-189/10). Cependant, il est possible de rétablir temporairement des contrôles en cas d’atteintes à l’ordre public ou à la sécurité nationale pour six mois maximum par période de trente jours renouvelable. Cette disposition a été utilisée lors de la Coupe de monde de football en Allemagne en 2006 et à la suite des actes terroristes du 11 septembre 2001. Les contrôles peuvent également avoir lieu pour dix jours renouvelables en cas d’évènements imprévus. Enfin, depuis 2013 les frontières peuvent être rétablies pour une période de vingt-quatre mois, par période de six mois, pour des défaillances graves aux frontières extérieures, susceptibles de mettre en danger le fonctionnement global de l'espace Schengen (Règlement (UE) n° 1051/2013). 

Le rétablissement des contrôles ne peut se faire unilatéralement, il faut préalablement avoir consulté les autres États du groupe Schengen et la Commission européenne. Lors de la crise des migrants, les rétablissements des contrôles en Allemagne ou en Hongrie n’ont pas respectés ces conditions. 

L’espace Schengen constitue ainsi un acquis du droit de l’Union, auquel il ne peut être porté atteinte, à moins que les États membres concernés décident de lui apporter des corrections. Cette situation s’est présentée à de nombreuses reprises, pour la dernière fois en 2013. Cette dernière modification a élargi les hypothèses de rétablissement momentané de frontières.

Référence

■ Protocole n° 19 sur l'acquis de Schengen intégré dans le cadre de l'union européenne 

■ Règlement (UE) no 1051/2013 du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2013 modifiant le règlement (CE) no 562/2006 afin d'établir des règles communes relatives à la réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures dans des circonstances exceptionnelles.

■ CJUE, 22 juin 2010Aziz Melki et Selim Abdeli, C-188/10 et C-189/10, AJDA 2010. 1231 ; D. 2010. 1719, obs. S. Lavric ; AJ pénal 2010. 343, obs. J.-B. Perrier ; RFDA 2010. 458, note P. Gaïa ; Constitutions 2010. 392, obs. A. Levade ; Rev. crit. DIP 2011. 1, étude D. Simon ; RTD civ. 2010. 499, obs. P. Deumier ; RTD eur. 2010. 577, étude J. Dutheil de La Rochère.

 

Auteur :V. B.

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