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Droit commercial et des affaires
Point sur l’ordonnance du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives
Mots-clefs : Procédures collectives, Procédure de sauvegarde accélérée, Projet de plan, Insuffisance d'actifs, Liquidation, Déclaration de créances, Rétablissement professionnel
L’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, prise en application de la loi n°2014-1 du 2 janvier 2014 qui entrera en vigueur le 1er juillet 2014, renforce les objectifs poursuivis depuis 2005 s’agissant d’entreprises en difficulté. Les rédacteurs du texte ont souhaité rendre plus attractifs les mécanismes existants notamment en matière de prévention, en favorisant en amont l’apport de crédit aux entreprises. Pour synthétiser l’apport de cette considérable réforme, qui contient 117 articles, on peut en dégager les maîtres-mots qui sont : anticipation, rapidité, simplicité.
■ Anticipation
L’anticipation, et plus exactement la faveur affichée à l’anticipation des difficultés, est au cœur des réformes intervenues depuis 2005 et elle apparaît, à nouveau, comme l’une des préoccupations majeures. C’est pourquoi, les mesures de prévention ont été rénovées afin d'inciter les chefs d’entreprise à y recourir, ce qui se révèle au travers de différents mécanismes.
▪ Extension du pouvoir d’alerte
Jusqu’alors réservé au président du Tribunal de commerce, le pouvoir d’alerte est désormais reconnu au président du Tribunal de grande instance (C. com., art. L. 611-2-1). Désormais, il concernera aussi les professions libérales indépendantes et les entreprises agricoles.
▪ Amélioration de l’octroi des délais de grâce et de paiement
Les nouvelles dispositions relatives aux délais de grâce et de paiement tendent à faciliter la prévention des difficultés. Le principe selon lequel les délais octroyés au débiteur ne peuvent résulter que d’un accord consenti par les créanciers est maintenu. Dorénavant, le bénéfice des délais accordés pendant la négociation de l’accord profitera aux garants et coobligés qui ne pouvaient se prévaloir, jusqu’à présent, que de ceux inscrits dans l’accord (C. com., L. 611-10-2). Cette disposition bienvenue permet d’inciter les créanciers à soutenir l'entreprise dès le début des négociations.
La protection du débiteur est également accrue par l’article L. 611-10-1, alinéa 2, du Code de commerce qui étend la compétence du juge qui a signé l’accord. Ce dernier peut octroyer des délais de paiement en cours d’exécution de l’accord amiable (régis par le droit commun puisque par renvoi aux articles 1244-1 et 1244-3 du Code civil).
▪ Incitation du débiteur à recourir aux procédures de prévention
Il est désormais fait échec aux clauses contractuelles prévoyant la déchéance automatique du terme en cas de recours à une procédure de prévention. Désormais, « est réputée non écrite toute clause qui modifie les conditions de poursuite d’un contrat en diminuant les droits ou en aggravant les obligations du débiteur du seul fait de la désignation d’un mandataire ad hoc […] ou de l’ouverture d’une procédure de conciliation […] ou d’une demande formée à cette fin » (C. com., art. L. 611-16). Cela incitera sans aucun doute les débiteurs en difficulté à solliciter une procédure de prévention.
▪ Incitation des créanciers à consentir des apports en trésorerie, biens ou services
Favoriser le recours aux mesures préventives permet d’anticiper des difficultés qui obéreraient la situation de l’entreprise. Pour que l’activité puisse être relancée, le débiteur doit donc obtenir de la trésorerie ou l’apport de biens ou de services. Le renforcement des mesures de prévention devait donc nécessairement s’accompagner de dispositions incitant les créanciers, souvent réticents, à consentir des crédits à l’entreprise. Le nouvel article L. 611-11 du Code de commerce devrait alléger leur crainte puisqu’il étend le privilège de conciliation aux créanciers qui, au cours de la négociation de l’accord, ont apporté de nouveaux financements (et non plus seulement aux créanciers parties à l’accord homologué). Ce privilège est renforcé dans la mesure où les créanciers qui en bénéficient ne seront automatiquement plus soumis au plan de sauvegarde ou de redressement mais uniquement s’ils l’acceptent (C. com., L. 626-20, I, 1° et 3°).
Les rédacteurs du texte ont également su saisir la nécessité d’accélérer les procédures et de lever certains points de blocage pour faciliter la clôture des procédures. Le leitmotiv est alors la rapidité.
■ Rapidité
Pour répondre à cet objectif de célérité l’ordonnance prévoit la création d’une nouvelle procédure de sauvegarde dite « accélérée », la réduction des délais de liquidation grâce à l'allégement des opérations de réalisation d’actifs ou, encore, la mise en place de diverses mesures tendant à éviter la paralysie de la procédure par les associés.
▪ Sauvegarde accélérée
Les articles L. 628-1 et suivants du Code de commerce régissent la nouvelle procédure de sauvegarde accélérée. Elle produira ses effets à l’égard des créanciers non financiers, par opposition à la sauvegarde financière accélérée, qui ne s’adressait qu’aux créanciers financiers.
Ouverte à la suite d’une conciliation, cette procédure permettra d’élaborer un plan avec les principaux créanciers (qui sont nécessairement membres d’un comité). D’une durée de trois mois (C. com., L. 628-8), elle offrira donc une solution de réorganisation rapide au débiteur.
Cependant, cette procédure reste distincte de la sauvegarde de droit commun non seulement parce qu’elle n’affecte pas les salariés, mais encore, parce que le tribunal ne pourra pas imposer de délais de paiements uniformes aux créanciers non membres de comités.
▪ Possibilité pour les créanciers membres d’un comité de proposer un projet de plan
Le projet de plan à l’initiative d’un créancier membre d’un comité est également introduit dans la procédure de sauvegarde de droit commun (C. com., art. L. 626-30-2). Avant l’ordonnance, cette initiative n’était cantonnée qu’à de simples propositions, soumises à l’appréciation de l’administrateur, avant d’être présentée aux créanciers.
▪ Mesures tendant à éviter l'inertie de la procédure du fait d’un associé ou d’un actionnaire
L’article L. 631-19-1 du Code de commerce prévoit que le projet de plan puisse impliquer l’entrée au capital d’un tiers. Il devra nécessairement être soumis à l’assemblée des associés. C’est nouveau. Le projet pourra, en effet, être imposé malgré la volonté contraire des associés ou actionnaires. Ainsi, lorsque les capitaux propres de la société n’ont pas pu être reconstitués à hauteur de la moitié du capital social, l’administrateur pourra demander « la désignation d’un mandataire en justice chargé de convoquer l’assemblée compétente et de voter sur la reconstitution du capital à hauteur du minimum prévu au même article, à la place du ou des actionnaires opposants » (C. com., L. 631-19-1).
L’article L. 624-20 innove en rendant exigible le montant non libéré du capital social. Désormais, un associé ou un actionnaire récalcitrant pourra être mis en demeure par le mandataire judiciaire de verser ces sommes (C. com., L. 622-20).
▪ Clôture pour insuffisance d’actif facilitée
L’ordonnance apporte des réponses à deux obstacles rencontrés en matière de clôture de la procédure de liquidation (C. com. art. L. 643-9).
Alors que la clôture pour insuffisance d’actif ne pouvait être prononcée que s’il était démontré que les opérations de liquidation étaient rendues impossibles en raison de l’insuffisance d’actif, à l’avenir, il sera possible de justifier cette clôture en prouvant que les opérations de liquidation ont un intérêt disproportionné par rapport aux difficultés de réalisation des actifs résiduels. Il n’est, en effet, pas nécessaire d’exposer plus de frais qu’il sera possible d’en obtenir une fois le ou les actifs réalisés.
On pouvait attendre d’une loi portant simplification qu’elle remplisse l’objectif qu’elle s’était fixée.
■ Simplification
▪ Simplification de la déclaration et vérification des créances
L’ordonnance est également intervenue pour simplifier les déclarations de créances en admettant que « le créancier peut ratifier la déclaration faite en son nom jusqu’à ce que le juge statue sur l’admission de la créance » (C. com., L. 622-24, al. 2). Exit la nécessité de justifier d’un pouvoir.
Pour éviter que le débiteur de mauvaise foi ne taise l’ouverture d’une procédure collective dans le cadre d’une instance en cours (ce qui aurait pour effet d’empêcher le créancier de déclarer ses créances dans les délais et rendrait la décision rendue non avenue), il est maintenant prévu à l’article L. 622-22 que le débiteur doit informer son créancier de l’ouverture de la procédure dans les 10 jours. La sanction prévue à l’article L. 653-8 du Code de commerce est dissuasive pour le débiteur qui, s’il s’abstenait de procéder à cette formalité, pourrait être sanctionné par une mesure d’interdiction de gérer.
Si le débiteur peut contester les créances déclarées par ses créanciers, il ne faut pas que cela lui offre la possibilité de retarder de manière excessive les opérations de vérifications des créances. C’est pourquoi, alors qu’il n’était tenu jusqu’à présent d’aucun délai pour porter ses observations à la connaissance du mandataire, il devra désormais respecter le délai qui sera fixé par décret du Conseil d’État.
Le relevé de forclusion a également été remanié. Le délai d’un an dont bénéficiait un créancier qui ignorait sa créance au moment de l’ouverture de la procédure est abandonné au profit d’une disposition prévoyant que le délai de déclaration ne court qu’à compter de la date à laquelle il est établi que le créancier ne pouvait ignorer l’existence de la créance (C. com., L. 622-26, al. 3). L’ordonnance modifie également l’une des conditions permettant d’obtenir le relevé de forclusion. Il ne sera plus nécessaire de prouver que l’omission sur la liste des créanciers était volontaire de la part du créancier.
▪ Simplification du retour à la vie des affaires
C’est l’une des innovations marquantes de cette réforme.
Une procédure de rétablissement professionnel, inspirée des procédures existantes en matière de surendettement, a été créée (C. com., L. 645-1 et s.). Elle est destinée aux entrepreneurs personnes physiques, à l’exclusion de ceux ayant choisi le statut d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée.
Seul le débiteur peut prendre l’initiative de cette procédure. Il ne doit pas avoir connu une clôture de liquidation pour insuffisance d’actif dans les cinq dernières années, ni avoir employé un ou plusieurs salariés durant les six derniers mois.
Bien évidemment un seuil sera fixé par décret en Conseil d’État concernant le montant maximal de l’actif existant. Après vérification de sa situation patrimoniale, le tribunal pourra prononcer la clôture de la procédure qui entraînera l’effacement des dettes.
Cette nouvelle procédure permettra de ne pas ouvrir de liquidations judiciaires dans lesquelles les frais de procédure ne peuvent pas être recouvrés.
Ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, JO 14 mars
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