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Droit pénal général
Point sur une notion de droit pénal : la légitime défense
Mots-clefs : Légitime défense, Infraction, Fait justificatif
L'affaire du « bijoutier de Nice », qui a occupé la première place médiatique ces derniers jours, donne l'occasion de faire le point sur une notion du droit pénal : la légitime défense.
Si tout individu en danger a le droit de recourir à la force pour se défendre, ce droit est strictement encadré par le Code pénal aux articles 122-5 et 122-6. La défense ne doit pas être confondue avec un quelconque droit de vengeance.
La légitime défense, fait justificatif de l’infraction, ne peut être admise que si plusieurs conditions sont réunies. Ces conditions sont relatives à la fois à l'agression et à la riposte (acte défensif).
▪ S’agissant, tout d'abord, de l’agression, le Code pénal reconnaît la légitime défense des personnes, et la légitime défense des biens. La seule différence réside dans la gravité de l'agression. Ainsi, en matière d'agression contre les personnes, une « atteinte » quelconque suffit à caractériser l'agression contre les personnes, qu'il s'agisse de soi-même ou d'un tiers (légitime défense d'autrui). La victime de l'agression peut alors être menacée dans sa vie, dans son intégrité corporelle. En revanche, l'agression contre les biens doit être obligatoirement « un crime ou un délit ». Le législateur a donc exclu les contraventions du domaine des agressions légitimantes contre les biens.
L'agression doit en outre présenter trois caractères cumulatifs. Elle doit être :
– réelle : l'agression doit exister de manière certaine, les objectifs de l'agresseur étant univoques. Cependant, la légitime défense est admise en cas d'agression simplement apparente et vraisemblable. Seule une agression imaginaire est exclue du bénéfice de la légitime défense ;
– actuelle : l'agression et la riposte doivent se situer dans une même unité de temps. Dès lors qu'un temps trop long s'est écoulé entre l'agression et la riposte, ce laps de temps est incompatible avec la permanence ou la présence du danger. Le danger doit exister au moment de la défense. La fuite de l'agresseur semble en conséquence exclure la légitime défense. Ainsi, l'agression n'est plus actuelle lorsqu'un propriétaire, après avoir ouvert sa porte et rencontré un cambrioleur qui tente de tirer sur lui avec une arme à feu enrayée puis s'enfuit, rentre chez lui, prend un fusil, ressort et fait feu sur le voleur (Paris, 22 juin 1988).
– injuste : l'article 122-5 du Code pénal exige « une atteinte injustifiée ». Il ne saurait y avoir agression si l'acte est juste, c'est-à-dire autorisé ou ordonné par la loi.
▪ S’agissant, ensuite, de la riposte (l’acte de défense), elle doit revêtir certains caractères pour être considérée comme légitime. Une exigence de proportionnalité est posée par la loi : la défense doit être nécessaire et mesurée. L'article 122-5 alinéa 1er du Code pénal précise qu'il y a légitime défense des personnes « sauf s'il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l'atteinte » et l'alinéa 2 précise que « l'acte [de riposte, autre qu'un homicide volontaire] est strictement nécessaire au but poursuivi dès lors que les moyens employés sont proportionnés à la gravité de l'infraction ». Est donc exclu toute légitimation de l'homicide volontaire accompli en se protégeant d'une agression contre les biens.
L'appréciation du caractère nécessaire et proportionné de la riposte appartient souverainement aux juges du fond. A été considéré comme disproportionné le fait d’occasionner des blessures graves en tirant deux coups de feu sur un individu qui tentait de voler des bonbons dans un distributeur (Poitiers, 4 avr. 1996).
▪ Concernant, enfin, la question de la preuve de la légitime défense, le principe est que la charge de la preuve incombe à la partie poursuivie. Celui qui invoque le bénéfice de la légitime défense doit démontrer les conditions d'existence de celle-ci.
Par exception, une présomption de légitime défense existe dans des cas particuliers. Selon les termes de L'article 122-6 du Code pénal « Est présumé avoir agi en état de légitime défense celui qui accomplit l'acte : 1o pour repousser, de nuit, l'entrée par effraction, violence ou ruse dans un lieu habité ; 2o pour se défendre contre les auteurs de vols ou pillages exécutés avec violence ». Présomption simple, elle est susceptible de preuve contraire.
En outre, la légitime défense reconnue par le juge pénal ne peut donner lieu devant la juridiction civile à une action en dommages-intérêts de la part de celui qui l’a rendue nécessaire (Civ. 2e, 22 avr. 1992). La légitime défense est donc également un fait justificatif au civil.
Références
■ Code pénal
« N'est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d'elle-même ou d'autrui, sauf s'il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l'atteinte.
N'est pas pénalement responsable la personne qui, pour interrompre l'exécution d'un crime ou d'un délit contre un bien, accomplit un acte de défense, autre qu'un homicide volontaire, lorsque cet acte est strictement nécessaire au but poursuivi dès lors que les moyens employés sont proportionnés à la gravité de l'infraction. »
« Est présumé avoir agi en état de légitime défense celui qui accomplit l'acte :
1° Pour repousser, de nuit, l'entrée par effraction, violence ou ruse dans un lieu habité ;
2° Pour se défendre contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence. »
■ Paris, 22 juin 1988, D. 1988. IR 244.
■ Poitiers, 4 avr. 1996, Juris-Data, n° 042 588.
■ Civ. 2e, 22 avr. 1992, Bull. civ. II, no 127 ; D. 1992. 353, note Burgelin ; Dr. pénal 1992. 226.
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