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Libertés fondamentales - droits de l'homme
Port du masque : toujours et partout ?
Le 6 septembre 2020, le Conseil d’État a précisé les critères permettant d'apprécier le caractère proportionné ou non d’une mesure de police en période de pandémie.
Le juge des référés était saisi, en appel, par le ministre de la santé de deux ordonnances rendues par les tribunaux administratifs de Lyon, concernant les arrêtés du 31 août 2020 du préfet du Rhône portant obligation du port du masque de protection pour les personnes de onze ans ou plus sur la voie publique ou dans les lieux ouverts au public des villes de Lyon et de Villeurbanne pour la période du 1er au 15 septembre 2020 ; et de Strasbourg, concernant l’arrêté du 28 août 2020 du préfet du Bas-Rhin imposant le port du masque pour les piétons de onze ans et plus dans les communes de plus de 10 000 habitants de l’Eurométropole de Strasbourg et les autres communes de plus de 10 000 habitants du département du Bas-Rhin pour la période du 29 août au 30 septembre 2020.
Le juge des référés du tribunal administratif de Lyon avait, par une ordonnance du 4 septembre 2020, enjoint au préfet du Rhône de modifier les arrêtés litigieux ou d’édicter de nouveaux arrêtés, afin d’exclure de l’obligation du port du masque les lieux des communes concernées qui ne sont pas caractérisés par une forte densité de population ou par des circonstances locales susceptibles de favoriser la diffusion du virus SARS-CoV-2 et les périodes horaires durant lesquelles aucun risque particulier de propagation de ce virus n’existe, au plus tard le mardi 8 septembre 2020 à 12 heures, en prévoyant que, à défaut, l’exécution des arrêtés du 31 août 2020 serait suspendue à compter de cette échéance.
Le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg avait également, par une ordonnance du 2 septembre 2020, enjoint au préfet du Bas-Rhin d’édicter un nouvel arrêté excluant de l’obligation du port du masque les lieux des communes visées par son arrêté du 28 août 2020 et les périodes horaires qui ne sont pas caractérisés par une forte densité de population ou par des circonstances locales susceptibles de favoriser la propagation de la covid-19, au plus tard le lundi 7 septembre 2020 à 12 heures, en prévoyant que, à défaut, l’exécution de l’arrêté du 28 août 2020 serait automatiquement suspendue à compter de cette échéance.
Le juge des référés du Conseil d’État, saisi par le ministre de la santé, a réformé ces deux ordonnances le 6 septembre 2020.
■ Que prescrit l’article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire en matière de compétence du Premier ministre pour lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19 ?
Le juge de référés du Conseil d’État rappelle qu’en vertu de l’article 1er de la loi du 9 juillet 2020, le Premier ministre peut, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, réglementer la circulation des personnes jusqu’au 30 octobre 2020. Si cette réglementation se situe dans un champ géographique qui n'excède pas le territoire d'un département, le Premier ministre peut habiliter le représentant de l'État dans le département à prendre lui-même des mesures relatives à la circulation des personnes, après avis, rendu public, du directeur général de l'agence régionale de santé. Toutefois, les mesures doivent toujours être « strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu » et peuvent faire l’objet d’un référé devant le juge administratif. Il est également rappelé que le non-respect des mesures prises peuvent entraîner une « amende d’un montant forfaitaire de 135 euros, et, en cas de récidive dans les quinze jours, d’une amende de cinquième classe ou, en cas de violation à plus de trois reprises dans un délai de trente jours, de six mois d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende ainsi que de la peine complémentaire de travail d’intérêt général ».
De plus, l’article 1er du décret n° 2020-860 du 10 juillet 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans les territoires sortis de l'état d'urgence sanitaire et dans ceux où il a été prorogé habilite le préfet du département à rendre le port du masque obligatoire lorsque les circonstances locales l'exigent quand le décret précité ne le prévoit pas.
■ Comment apprécier si une mesure de police est proportionnée ?
Après avoir rappelé qu’une mesure de police doit poursuivre un but d’intérêt général, le juge des référés du Conseil d’État estime qu’il convient dès lors de tenir compte des conséquences de la mesure pour les personnes concernées et de son caractère approprié.
■ Quels éléments le préfet doit-il prendre en compte afin de rendre une mesure de police effective ?
- Importance de la lisibilité de la mesure en période de pandémie. Afin d’être bien comprise et appliquée par toutes les personnes concernées, la mesure doit être simple et lisible. Simplicité et lisibilité permettent l’effectivité.
- Délimitation des zones « masquées ». Les zones où le port du masque est obligatoire peuvent être délimitées de manière suffisamment large afin d’englober de façon cohérente les points du territoire caractérisés par une forte densité de personnes ou une difficulté à assurer le respect de la distance physique. Cette délimitation permet aux personnes qui se rendent dans ces zones d’avoir aisément connaissance de la règle applicable et de ne pas enlever puis remettre leur masque à plusieurs reprises au cours d’une même sortie.
- Horaires d’application de la mesure ? Le préfet a la possibilité de « définir les horaires d’application de cette règle de façon uniforme dans l’ensemble d’une même commune, voire d’un même département, en considération des risques encourus dans les différentes zones couvertes par la mesure qu’il adopte ». « Il doit, toutefois, tenir compte de la contrainte que représente, même si elle reste mesurée, le port d’un masque par les habitants des communes concernées, qui doivent également respecter cette obligation dans les transports en commun et, le plus souvent, dans leur établissement scolaire ou universitaire ou sur leur lieu de travail. »
■ Quelles sont les conséquences pour les arrêtés des préfets du Rhône et du Bas-Rhin ?
Ces arrêtés litigieux, s’ils ne portent atteinte à aucune liberté fondamentale (liberté d'aller et de venir et droit de chacun au respect de sa liberté personnelle impliquant en particulier qu’il ne puisse subir de contraintes excédant celles qu’imposent la sauvegarde de l’ordre public ou le respect des droits d’autrui), doivent toutefois être revus sur certains points :
- Les arrêtés du préfet du Rhône sur l’obligation du port du masque dans les communes de Lyon et de Villeurbanne. La densité particulière de ces communes, de plus de 10 000 habitants par kilomètres carrés, et leurs caractéristiques ne permettent pas, dans un souci de cohérence nécessaire à l’effectivité de la mesure prise, d’enjoindre au préfet de délimiter certaines zones des deux communes où le port du masque ne serait pas obligatoire. De plus, demander au préfet d’appliquer l’obligation du port du masque uniquement à certains horaires, qui seraient uniquement pendant la nuit, aurait un intérêt très limité. Toutefois, en raison de l’étendue du territoire concerné, l’obligation du port du masque ne peut être imposé aux personnes pratiquant des activités physiques ou sportives.
- L’arrêté du préfet du Bas-Rhin imposant le port du masque pour les piétons de onze ans et plus dans les communes de plus de 10 000 habitants de l’Eurométropole de Strasbourg et les autres communes de plus de 10 000 habitants du département du Bas-Rhin. Comme pour les arrêtés du préfet du Rhône, l’obligation du port du masque uniquement à certaines périodes horaires n’est pas retenue par le juge des référés en raison de son intérêt très limité. Toutefois, certaines zones d’au moins plusieurs communes visées par l’arrêté, notamment lorsqu’un centre-ville peut être facilement identifié, pourraient, eu égard à leurs caractéristiques, être dispensées de l’obligation du port du masque. Cette possibilité doit être en cohérence avec l’effectivité de la mesure. Le juge des référés du Conseil d’État enjoint ainsi au préfet du Bas-Rhin de prendre, au plus tard le mardi 8 septembre à midi, un nouvel arrêté ou de modifier son arrêté du 28 août 2020 pour limiter, dans les communes concernées, l’obligation de port du masque à des périmètres permettant de prendre en compte de façon cohérente les lieux caractérisés par une forte densité de personnes ou une difficulté à assurer le respect de la distance physique.
■ Conclusion
Que ce soit à Lyon, Villeurbanne ou dans les communes du département du Bas-Rhin, lorsque le masque est obligatoire, il doit être porté à n’importe quelle heure du jour et de la nuit.
À Lyon et Villeurbanne, le port du masque est obligatoire toujours et partout. Le préfet ne peut toutefois pas obliger les personnes à pratiquer « masqué » des activités physiques et sportives (V. les nouveaux arrêtés du 7 sept. 2020).
Dans les communes du département du Bas-Rhin, le préfet doit revoir sa copie et limiter l’obligation de port du masque à des zones de forte densité de personnes ou lorsqu’il est difficile de faire respecter la distanciation physique (V. le nouvel arrêté du 7 sept. 2020).
CE 6 septembre 2020, n° 443751 Lyon et Villeurbanne
CE 6 septembre 2020, n° 443750 Bas-Rhin
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