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Droit des sûretés et de la publicité foncière
Portée de la compensation intervenue entre le créancier et la caution sur la dette garantie
Mots-clefs : Cautionnement, Compensation
Le débiteur principal ne peut opposer au créancier la compensation intervenue entre ce dernier et la caution.
Le débiteur principal peut-il opposer au créancier la compensation intervenue entre ce dernier et la caution ?
Une réponse négative ressort si clairement des termes de l’article 1294 du Code civil qu’il paraît vain de prétendre le contraire ; un arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 13 mars 2012 le confirme. L’alinéa 2 du texte précité prévoit en effet que « le débiteur principal ne peut opposer la compensation de ce que le créancier doit à la caution ». C’est pourtant la solution inverse qui était défendue dans une affaire portée jusque devant les Hauts magistrats.
Une personne physique s’était portée caution solidaire du remboursement d’un prêt contracté par une SCI auprès d’une banque. Les échéances du prêt étant demeurées impayées, l’établissement de crédit a actionné en exécution de son engagement la caution, laquelle a riposté en invoquant le caractère disproportionné du cautionnement qu’elle avait souscrit, imputant au créancier des manquements à son obligation de mise en garde à l’égard de la caution (v. Com. 17 juin 1997 ; Com. 3 mai 2006). Les juges du fond ont accueilli cette critique et condamné la banque à verser à la caution des dommages-intérêts d’un montant égal à celui de la dette née du cautionnement, ordonnant dans le même temps la compensation des créances réciproques entre les parties (v. art. 1234, 1289 s., et 2311 C. civ.). Privée de son recours contre le débiteur accessoire, le créancier a alors engagé une procédure de saisie immobilière contre le débiteur principal, lequel a tenté de lui opposer l’extinction partielle de sa dette résultant de la compensation ordonnée au profit de la caution.
L’argument ayant été écarté par la cour d’appel, le débiteur principal s’est pourvu en cassation, invoquant à nouveau l’extinction de sa dette par l’effet de la compensation intervenue entre le créancier et la caution. Le pourvoi est rejeté, sans surprise.
Par essence accessoire, le cautionnement disparaît avec l’extinction de l’obligation principale (art. 2313 C. civ.). C’est ainsi, comme l’affirme l’article 1294 dans son premier alinéa, que la caution, fût-elle solidaire (Civ. 1re, 1er juin 1983) peut se prévaloir de l’extinction de l’obligation garantie par la compensation de ce que le créancier doit au débiteur principal (même si ce dernier renonce à l’invoquer : Com. 26 oct. 1999. – v. Albiges et Dumont-Lefrand, no 179). Accessorium sequitur principale.
Mais l’adage ne peut être inversé : le sort du principal ne suit pas celui de l’accessoire ! Le débiteur principal ne se trouve donc pas libéré par l’extinction de l’obligation de la caution (v. Albiges et Dumont-Lefrand, no 200). L’arrêt rapporté vient illustrer la solution s’agissant de l’extinction de l’obligation de la caution par compensation avec sa créance de dommages-intérêts sur le créancier : une telle compensation n’éteint pas la dette principale garantie. La chambre commerciale de la Cour de cassation approuve dès lors la cour d’appel d’en avoir « exactement déduit que le recours de la [banque] contre la SCI débitrice principale demeurait intact ».
Com. 13 mars 2012, no 10-28.635
Références
■ Albiges et Dumont-Lefrand, Droit des sûretés, 3e éd., Dalloz, col. « Hypercours », 2011, no 179 s.
■ Accessorium sequitur principale
[Droit civil]
« L’accessoire suit le principal en ce sens que le bien principal communique sa condition juridique au bien qui s’agglomère à lui. »
[Droit civil]
« Extinction de 2 dettes réciproques jusqu’à concurrence de la plus faible.
La compensation n’est possible que si les dettes sont certaines, liquides et exigibles. »
Source : Lexique des termes juridiques 2012, 19e éd., Dalloz, 2011.
■ Com. 17 juin 1997, n°95-14.105, Macron; R., p. 232 ; JCP E 1997. II. 1007, note D. Legeais ; Defrénois 1997. 1424, obs. Aynès ; RTD civ. 1998. 100, obs. Mestre, et 157, obs. Crocq.
■ Com. 3 mai 2006, no 04-19.315, D. 2006. AJ 1445, obs. Delpech ; JCP E 2006. 1890, note D. Legeais ; RDC 2007. 300, obs. Viney.
■ Civ. 1re, 1er juin 1983, no82-10.749, D. 1984. 152, note Aubert; RTD civ. 1984. 330, obs. Rémy.
■ Com. 26 oct. 1999, no 96-12.571, D. 2001. Somm. 696, obs. Aynès ; JCP 2000. I. 209, n°6, obs. Simler.
■ Code civil
« Les obligations s'éteignent :
Par le paiement,
Par la novation,
Par la remise volontaire,
Par la compensation,
Par la confusion,
Par la perte de la chose,
Par la nullité ou la rescision,
Par l'effet de la condition résolutoire, qui a été expliquée au chapitre précédent,
Et par la prescription, qui fera l'objet d'un titre particulier. »
« Lorsque deux personnes se trouvent débitrices l'une envers l'autre, il s'opère entre elles une compensation qui éteint les deux dettes, de la manière et dans les cas ci-après exprimés. »
« La caution peut opposer la compensation de ce que le créancier doit au débiteur principal ;
Mais le débiteur principal ne peut opposer la compensation de ce que le créancier doit à la caution.
Le débiteur solidaire ne peut pareillement opposer la compensation de ce que le créancier doit à son codébiteur. »
« L'obligation qui résulte du cautionnement s'éteint par les mêmes causes que les autres obligations. »
« La caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal, et qui sont inhérentes à la dette ;
Mais elle ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur. »
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