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Droit de la famille
Porter le nom du père n’est pas toujours dans l’intérêt de l’enfant !
Mots-clefs : Établissement judiciaire du lien de filiation, Nom de famille, Adjonction du nom du père, Intérêt supérieur de l’enfant
La Cour de cassation rappelle qu’au regard du contexte familial, il n'est pas toujours de l'intérêt de l'enfant de porter le nom de son père.
Suite à l’établissement judiciaire du lien de filiation paternel d’une enfant, les juges d’instance ont décidé, en application de l’article 331 du Code civil d’accoler à son nom celui de son père. Ce dernier s’y oppose et interjette appel de cette décision. La cour d’appel lui donne raison au motif tiré d’un risque éventuel pour l’enfant, du fait du désintérêt du père, de confronter en permanence l’enfant, par le simple énoncé de son nom, au rejet dont il est l’objet de la part d’un père qui n’entend pas s’intéresser à lui.
La mère de l’enfant forme alors un pourvoi en cassation en s’appuyant sur l’intérêt supérieur de l’enfant, de son droit de préserver son identité et que le motif évoqué par la cour d’appel serait un motif hypothétique, ce qui équivaut à un défaut de motif.
Mais les magistrats de la Haute juridiction rejettent le pourvoi en considérant qu’au regard du contexte familial il n’était pas de l’intérêt de l’enfant de porter le nom du père. En effet, ils affirment, d’une part, que le nom n’avait pas d’incidence sur le lien de filiation, qui était judiciairement établi et n’était plus contesté. Et d’autre part, accoler au nom de la mère celui d’un père qui n’entendait pas s’impliquer dans la vie de l’enfant risquait de confronter en permanence ce dernier au rejet dont il était objet de la part de son père.
L’analyse de la présente décision permet de soulever deux éléments importants :
Dans un premier temps les magistrats de la Haute juridiction rappellent que le nom n’a pas d’incidence sur le lien de filiation. En l’espèce, le lien de filiation paternel a été établi par expertise biologique sur demande judiciaire. Le père ne conteste pas la filiation mais refuse que l’enfant porte son nom, et ceci pour des raisons qui nous sont inconnues à la lecture de l’arrêt. Ainsi, le fait de refuser que l’enfant porte son nom ne revient pas à une contestation du lien de filiation.
Dans un second temps, les magistrats de la Cour de cassation rappellent la supériorité de l’intérêt de l’enfant. Cette supériorité implique que le juge prenne en compte le contexte familial, à savoir le rejet de l’enfant par le père qui n’entendait pas s’impliquer dans la vie de l’enfant. Ainsi, les magistrats de la Haute juridiction ont considéré qu’accoler le nom du père à celui de la mère risquait de confronter en permanence l’enfant au rejet dont il est l’objet de la part de son père.
La notion d’intérêt supérieur de l’enfant résulte de la convention de New York du 26 janvier 1990 qui dans son article 3, § 1, précise que dans toutes les décisions concernant les enfants, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale. Cette convention est d’applicabilité directe depuis l’arrêt de la première chambre civile du 18 mai 2005 (n° 02-206.13). La notion d’intérêt supérieur de l’enfant, n’étant pas définie de manière explicite, permet aux juges de rendre leurs décisions en fonction de considérations subjectives, de fait et non de droit. Pour échapper à la subjectivité de cette notion, il revient donc aux juges d’apporter un soin particulier à la motivation de leur décision.
Tel est le cas en l’espèce puisque les juges prennent en compte le contexte familial dans son ensemble, et surtout l’absence d’intérêt du père pour son enfant. La décision rendue en l’espèce s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence qui a déjà refusé, au motif de l’intérêt supérieur de l’enfant, que celui-ci ne porte pas le nom de son père (Civ. 1re, 8 juill. 2015, n° 14-20.417).
Civ. 1re, 11 mai 2016, n° 15-17.185
Références
■ Convention de New York relative aux Droits de l’Enfant du 26 janvier 1990
Article 3, § 1
« 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale. »
■ Civ. 1re, 18 mai 2005, n° 02-20.613, D. 2005. 1909, note V. Egéa ; ibid. 2007. 2192, obs. A. Gouttenoire et L. Brunet ; AJ fam. 2005. 274, obs. T. Fossier ; RDSS 2005. 814, étude C. Neirinck ; Rev. crit. DIP 2005. 679, note D. Bureau ; RTD civ. 2005. 556, obs. R. Encinas de Munagorri ; ibid. 585, obs. J. Hauser ; ibid. 627, obs. P. Théry ; ibid. 750, obs. P. Remy-Corlay.
■ Civ. 1re, 8 juill. 2015, n° 14-20.417.
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