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[ 18 mai 2018 ] Imprimer

Droit des obligations

Pourparlers et accord de volontés

Suite à la résiliation de plein droit d’un contrat de bail commercial, et en l’absence d’une rencontre de volontés sur les conditions essentielles d’un nouveau contrat, les courriers échangés entre les parties ne constituent que des pourparlers.

Le présent arrêt contribue à définir la frontière entre les pourparlers, qui ne permettent pas encore de conclure à la formation d’un contrat et l’accord de volontés qui, en revanche, conduit à ce résultat, en matière de bail commercial. 

En l’espèce, un restaurant, appartenant à une communauté de commune, et donné à bail commercial à une société depuis le 1er janvier 2007, a été détruit à la suite d’un incendie. Après les travaux de rénovation effectués par la communauté de communes, la société exploitante a repris son activité le 23 décembre 2012. Le 6 mai 2013, le propriétaire a fait sommation à la société de régulariser un nouveau bail aux conditions différentes du précédent, tandis que cette dernière l’a assigné aux fins de voir juger que le bail à effet du 1er janvier 2017 se poursuivait.

La cour d’appel a constaté la résiliation du bail conclu en 2007, et déclaré, par conséquent, la société occupante sans droit ni titre. Celle-ci a donc formé un pourvoi en cassation.

La Cour de cassation rejette le pourvoi, au motif que les correspondances échangées entre les parties n’établissaient pas une rencontre de volontés sur les conditions essentielles du bail, mais se situaient au stade des pourparlers préalables, et que les paiements effectués par la société revêtaient un caractère équivoque. Dès lors, elle énonce que la cour d’appel a pu en déduire, que la preuve du commencement d’exécution d’un nouveau contrat, n’était pas rapportée. 

Il s’agissait donc ici, non seulement de savoir si le contrat initial se poursuivait ou non, mais également de déterminer, dans le cas de la résolution du contrat initial, si les parties, à l’occasion de leurs discussions, se situaient au stade de la période précontractuelle, ou dans la phase d’exécution d’un nouveau contrat. 

Tout d’abord, la cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, constate la résiliation du bail conclu en 2007, alors que la société soutenait que ce bail s’était poursuivi. Il semble s’agir en l’espèce d’une application de l’article 1722 du Code civil, qui prévoit la résiliation de plein droit du bail en cas de destruction fortuite de la chose louée. 

Ensuite, les juges du fond se sont attachés à déterminer si toutefois un nouveau contrat de bail s’était formé, par un échange de volontés entre la société exploitante et la communauté de communes. Rappelons en effet que le contrat de bail est un contrat consensuel ; il se forme dès lors, par un échange de consentements sur les éléments essentiels du contrat, sans conditions de forme spécifiques. En ce qui concerne le contrat de bail commercial, la jurisprudence considère que l’accord doit porter sur la nature du contrat (Civ. 3e, 18 mars 1980, n° 78-13.125), la désignation des locaux, les activités autorisées, la durée du contrat (Civ. 3e, 5 déc. 2001, AJDI 2002. 129, obs. M.-P. Dumont), et, enfin, le prix du loyer. Or, selon l’appréciation souveraine des juges du fond, les termes employés durant les négociations, n’établissent pas une telle rencontre de volontés.

De la même façon, la Cour indique que la preuve d’un commencement d’exécution n’est pas rapportée, les paiements invoqués par la société présentant une nature équivoque. 

La solution ne peut donc être favorable à la société : les parties, en l’absence d’échange de volontés sur les conditions essentielles du contrat de bail, se situent au stade des pourparlers. 

Désormais codifiées par la réforme du droit des obligations (Ord. n° 2016-131 du 10 février 2016 ratifiée par L. n° 2018-287 du 20 avr. 2018 : V. C. civ., art. 1112 s.), les négociations contractuelles obéissent à un régime spécifique: les pourparlers entre la société et le bailleur pourront donc être librement rompus, sous réserve du respect du devoir de bonne foi. La rupture déloyale entraînera la mise en jeu de la responsabilité extracontractuelle de l’auteur de la rupture et l’obligera à indemniser son partenaire des dépenses et des frais engagés en raison de la négociation.

Civ 3e, 5 avr. 2018, n° 17-14-668

Références

■ Fiches d’orientation Dalloz : Négociations précontractuelles ; Consentement (Contrat)

■ Civ. 3e, 18 mars 1980, n° 78-13.125 P.

■ Civ. 3e, 5 déc. 2001, n° 00-14.294 : AJDI 2002. 129, obs. M.-P. Dumont.

 

Auteur :Violette Laville

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