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Droit de l'entreprise en difficulté
Précision sur la mise en œuvre de la responsabilité du créancier
La chambre commerciale de la Cour de cassation a tranché, dans un arrêt rendu le 19 septembre 2018, la question des actes passés par une société à responsabilité limitée placée en liquidation lors de la période suspecte, en s’appuyant sur le champ d'application de l'article L. 650-1 du Code de commerce.
Une société à responsabilité limitée a déposé le 17 mai 2011 une requête à fin d'ouverture d’une procédure de conciliation sur le fondement des articles L. 611-4 et R. 611-22 du Code de commerce. Un protocole d'accord fut signé le 30 mai 2011 entre la société et son principal créancier, une société de crédit, qui avait concédé un prêt à la société débitrice. L’accord a été homologué le 10 août 2011 comprenant diverses garanties et conférant à la société de crédit le bénéfice du privilège prévu par les dispositions de l'article L. 611-11 du Code de commerce à concurrence du montant prêté. En d’autres termes, dans le cadre de la procédure de conciliation, la société a conféré à la banque le privilège « de l'argent frais » par l'homologation de l'accord de conciliation.
Par un jugement du 28 septembre 2011, le tribunal de commerce a constaté l'état de cessation des paiements de la société et une procédure de liquidation judiciaire a été mise en place, avec la désignation d’un liquidateur judiciaire. La date de cessation de paiement a été fixée au 1er janvier 2011.
Le liquidateur a assigné la société de crédit et une banque en responsabilité et en annulation de diverses opérations réalisées pendant la période suspecte. Il soutint que de très importants mouvements de fonds se sont produits sur les comptes bancaires détenus par la société débitrice dans les livres d’une banque et de la société de crédit et que ces comptes avaient anormalement fonctionné. La société débitrice avait donc profité des dates de valeur en vigueur auprès de ces banques pour poursuivre une activité irrémédiablement compromise. Selon le liquidateur, la banque et la société de crédit ont soutenu abusivement et frauduleusement la société débitrice, et cela a contribué à l'insuffisance d'actif de cette dernière. Elles auraient ainsi commis des fautes causant un préjudice à l'ensemble des créanciers de la société et devraient être condamnées à réparer le dommage en application des dispositions des articles L. 650-1, L. 611-4 et suivants du Code de commerce.
Par un arrêt rendu le 17 novembre 2016, la cour d’appel de Nîmes ne fait pas droit à la demande du liquidateur, qui forma un pourvoi en cassation.
La Cour de cassation rejeta le pourvoi formé contre l’arrêt d’appel. Selon la chambre commerciale de la Cour de cassation, l’article L. 650-1 du Code de commerce limite la mise en œuvre de la responsabilité du créancier à raison des concours qu’il a consentis. Cet article ne fait pas la distinction entre le fait du créancier d’avoir déclaré ou non une créance au passif du débiteur placé en procédure collective. Ainsi, la cour d’appel a justement retenu que la généralité des termes de ce texte ne permettait pas d’exclure du bénéfice de son application un créancier qui ne serait plus créancier au jour de l’ouverture de la procédure collective. Cela reviendrait au contraire à ajouter une condition non prévue à la loi. En conséquence, la banque qui a consenti un concours à la société débitrice sous la forme de découvert en compte était fondée à se prévaloir des dispositions protectrices de l'article L. 650-1 du Code de commerce.
De ce fait, selon les termes de l’article L. 650-1, les créanciers qui apportent leur soutien à un débiteur en difficulté ne peuvent pas voir leur responsabilité engagée, sauf en cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou de prise de garanties disproportionnées.
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