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Droit pénal général
Précision sur la notion de caractère systématique du contrôle prévu à l’article 78-2 du Code de procédure pénale
Mots-clefs : Flux migratoires, Contrôles transfrontaliers, Contrôle des titres de séjour, Légalité, Conditions
Suffit à garantir le caractère non systématique des opérations de contrôle d’identité, un contrôle effectué de manière ciblée dans le temps et l’espace, dans une partie d’une gare où circulait un train utilisé par des filières d’immigration irrégulière afin de prévenir et de rechercher des infractions liées à la criminalité transfrontalière.
Un ressortissant de nationalité tunisienne, en situation irrégulière en France, avait été placé en rétention administrative à la suite d'un contrôle d'identité effectué dans une gare parisienne, sur instructions d'un chef de service de la brigade des réseaux ferrés, officier de police judiciaire, qui avait prescrit, pour une durée de quatre heures, des contrôles afin de vérifier le respect du port et de la détention des documents permettant de transiter et de séjourner en France. Pour mettre fin à cette rétention, une ordonnance retint que les contrôles n'avaient pas été effectués dans l'ensemble de la gare mais, au contraire, sur un quai précis, en fonction d'informations préalablement recueillies portant sur l'arrivée de migrants clandestins, alors que le caractère aléatoire, exigé par l'article 78-2, alinéa 8, du Code de procédure pénale, implique non seulement que le contrôle ne soit pas systématique mais encore que seul le hasard préside au choix des personnes contrôlées.
Statuant sur le pourvoi formé par le procureur général près la cour d’appel de Paris, la Cour de cassation rappelle, pour casser l’ordonnance rendue, les conditions légales des contrôles de titres de séjour, ainsi que leurs enjeux.
Précisons que le contrôle d’un titre de séjour est un contrôle de réglementation institué pour assurer l’efficacité d'une mission de police administrative spéciale.
Une première décision du Conseil constitutionnel (Cons. const. 5 août 1993, n° 93-323 DC, § 15) en a admis le principe, relevant que « ces contrôles sont effectués en vue d'assurer le respect des obligations, prévues par la loi, de détention, de port et de présentation de titres et documents ». En renvoyant à une contrainte imposée par le législateur pour réguler l'accès au territoire, le Conseil constitutionnel ne mentionnait aucune norme constitutionnelle qui fonderait un tel contrôle.
Le Conseil a ensuite confirmé sa position en affirmant que ces contrôles sont effectués « dans le cadre d'un régime administratif d'autorisation préalable » et interviennent « en dehors de la recherche d'auteurs d'infractions et en l'absence de circonstances particulières relatives à la prévention d'atteinte à l'ordre public » (Cons. const. 13 août 1993, n° 93-325 DC, § 14). Cette précision visait à faire le départ entre des contrôles de sécurité justifiés par des impératifs constitutionnels, c’est-à-dire par « la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions » (Cons. const. 13 mars 2003, n° 2003-467 DC, § 8), et les purs contrôles de réglementation. Celui diligenté au titre de l'article 78-2 du Code de procédure pénale prend fin avec l'identification d'un individu, à charge pour l'autorité y ayant procédé de relayer son opération, s'il y a lieu, par des mesures judiciaires ou administratives.
En l’espèce, le contrôle avait abouti à la rétention de la personne contrôlée. Cependant, le premier président de la cour d’appel de Paris avait, par ordonnance, annulé cette mesure au nom de l’interdiction des contrôles systématiques. En effet, une garantie de fond est assurée par l'interdiction de contrôles généralisés qui viseraient indistinctement toute personne circulant dans la zone de contrôle (Cons. const., 13 mars 2003, n° 2003-467 DC, § 10). En outre, la loi n° 2012-1560 du 31 décembre 2012 ayant réformé les contrôles des titres de séjour, relative à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d'aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées, avait tiré les conséquences de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne et de la Cour de cassation prohibant les contrôles systématiques aux frontières (CESEDA art. L. 611-1. CJUE 22 juin 2010, Melki et Abdeli, n° C-188/10 et C-189/10 (pour la France). CJUE 19 juill. 2012, Adil, n° C-278/12 (pour les Pays-Bas). Civ. 1re, 6 juin 2012, n° 10-25.233). Pour tenir compte de cette jurisprudence, l'article 78-2 du Code de procédure pénale, modifié par l'article 69 de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, prévoit depuis lors que les contrôles peuvent être effectués dans une zone comprise entre la frontière terrestre de la France avec les États parties à la convention de Schengen et une ligne tracée à 20 kilomètres en deçà, ainsi que dans les zones accessibles au public des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouverts au trafic international et désignés par arrêté, « pour la prévention et la recherche des infractions liées à la criminalité transfrontalière », pour six heures au plus, et ne doivent pas « consister en un contrôle systématique des personnes présentes ou circulant dans les zones ».
La Cour de cassation a, en l’espèce, précisé la notion de caractère systématique du contrôle prévu à l’article 78-2 du Code de procédure pénale. Ainsi, il résultait du procès-verbal de police que le contrôle, circonscrit à la partie de la gare où circulait un train utilisé par des filières d'immigration irrégulière, avait été réalisé pour la prévention et la recherche des infractions liées à la criminalité transfrontalière, pendant une durée n'excédant pas six heures, d'une manière ciblée, dans le temps et l'espace, suffisant à garantir le caractère non systématique des opérations.
Civ. 1re , 25 mai 2016, n° 15-50.063
Références
■ Cons. const. 5 août 1993, n° 93-323 DC, AJDA 1993. 815, note P. Wachsmann.
■ Cons. const.13 août 1993, n° 93-325 DC, D. 1994. 111, obs. D. Maillard Desgrées du Loû ; Dr. soc. 1994. 69, étude J.-J. Dupeyroux et X. Prétot ; RFDA 1993. 871, note B. Genevois ; Rev. crit. DIP 1993. 597 ; ibid. 1994. 1, étude D. Turpin.
■ Cons. const. 13 mars 2003, n° 2003-467 DC, D. 2004. 1273, obs. S. Nicot ; RSC 2003. 614, obs. V. Bück.
■ CJUE 22 juin 2010, Melki et Abdeli, n° C-188/10 et C-189/10, AJDA 2010. 1231 ; D. 2010. 1719, obs. S. Lavric ; ibid. 1545, édito. F. Rome ; ibid. 1640, chron. F. Donnat ; ibid. 2524, point de vue J. Roux ; AJ pénal 2010. 343, obs. J.-B. Perrier ; RFDA 2010. 458, note P. Gaïa ; Constitutions 2010. 392, obs. A. Levade ; ibid. 519, obs. A. Levade et E. Saulnier-Cassia ; Rev. crit. DIP 2011. 1, étude D. Simon ; RSC 2010. 709, chron. L. Idot ; RTD civ. 2010. 499, obs. P. Deumier ; RTD eur. 2010. 577, étude J. Dutheil de La Rochère ; ibid. 588, étude D. Sarmiento ; ibid. 599, chron. L. Coutron ; Rev. UE 2015. 562, étude S. Van Raepenbusch.
■ CJUE 19 juill. 2012, Adil, n° C-278/12, AJ pénal 2012. 439.
■ Civ. 1re, 6 juin 2012, n° 10-25.233, AJDA 2012. 1133 ; D. 2012. 1552, obs. G. Poissonnier.
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