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Droit européen et de l'Union européenne
Précisions des conditions de refus de titre de séjour et des mesures d’expulsion aux ressortissants des pays tiers ayant la garde exclusive d’un mineur, citoyen de l’Union
Mots-clefs : Droit de séjour, Citoyenneté de l’Union, Ressortissants des pays tiers, Décision d’éloignement, Antécédents pénaux, Article 20 TFUE
À l’issue de deux arrêts rendus le 13 septembre 2016, la Cour de justice de l’Union (CJUE) a précisé que des mesures nationales ayant pour effet le refus automatique d’un titre de séjour et l’adoption de mesures d’expulsion à l’encontre d’un ressortissant d’un État tiers, parent d’un enfant, citoyen de l’Union, au seul motif de l’existence d’antécédents pénaux, sont contraires au droit de l’Union.
À l’issue de deux arrêts rendus le 13 septembre 2016, la Cour de justice de l’Union (CJUE) a précisé que des mesures nationales ayant pour effet le refus automatique d’un titre de séjour et l’adoption de mesures d’expulsion à l’encontre d’un ressortissant d’un État tiers, parent d’un enfant, citoyen de l’Union, au seul motif de l’existence d’antécédents pénaux, sont contraires au droit de l’Union.
En l’espèce, dans deux affaires distinctes, deux ressortissants non UE, ayant été condamnés pénalement, se sont vus notifier un refus de titre de séjour (aff. C-165/14) et une mesure d’expulsion (aff. C-304/14) par l’Espagne et le Royaume-Uni, États membres d’accueil où leurs enfants, dont ils ont eu la garde exclusive, ont la nationalité.
Saisies et afin de trancher le litige, les juridictions nationales (Cour suprême d’Espagne et le Tribunal supérieur du Royaume-Uni) ont dans le cadre de la procédure préjudicielle (TFUE, art. 267) interrogé la CJUE afin de savoir si l’existence d’antécédents pénaux, peut justifier à elle seule, l’adoption de telles mesures ayant pour effet de priver les enfants des ressortissants de leur droit de séjourner librement au sein de l’Union conformément à l’article 20 du TFUE.
Concernant la directive n° 2004/38/CE: la Cour précise dans un premier temps que la directive relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et séjourner librement sur le territoire des États membres (Dir. n° 2004/38/CE), s’applique à tous les citoyens qui se rendent ou séjournent dans un État membre autre que celui dont ils ont la nationalité (art. 3). En l’espèce, les enfants mineurs « n’ayant jamais fait usage de leur droit de libre circulation et ayant toujours séjourné dans l’État membre dont il possède la nationalité » (§ 40), ne peuvent relever de la notion de « bénéficiaire » au sens de l’article 3 de la directive.
Concernant l'article 20 TFUE: la CJUE rappelle dans un second temps, que l’article 20 du TFUE confère à toute « personne ayant la nationalité d’un État membre le statut de citoyen de l’Union » (§ 69). En outre, il s’oppose « à des mesures nationales ayant pour effet de priver les citoyens de l’Union de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par leur statut de citoyen de l’Union » (§ 71 ; V. CJUE 8 mars 2011, Ruiz Zambrano, aff. C-34/09, § 42). Partant de là, selon la Cour, les enfants sont privés de la jouissance de leur droit conféré par leur statut de citoyen de l’Union dès lors qu’une mesure d’expulsion ou le refus d’un titre de séjour a pour conséquence de conduire le ressortissant hors du territoire de l’Union suivi par le mineur dont il a la garde exclusive.
Toutefois, la CJUE ajoute que les États membres peuvent invoquer des dérogations au droit de séjour lorsque celles-ci sont justifiées par le maintien de l’ordre public et la sauvegarde de la sécurité publique caractérisés par une « menace réelle, actuelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société », compte tenu des infractions pénales commises par le ressortissant concerné. La Cour considère néanmoins que « cette conclusion ne saurait être tirée de manière automatique sur la seule base des antécédents pénaux de l’intéressé » (§ 85), devant notamment prendre en considération « le comportement personnel de l’individu concerné, la durée et le caractère légal du séjour de l’intéressé sur le territoire de l’État membre concerné, la nature et la gravité de l’infraction commise, le degré de dangerosité actuel de l’intéressé pour la société, l’âge des enfants en cause et leur état de santé, ainsi que leur situation familiale et économique » (§ 86).
Il appartient alors aux juridictions nationales d’apprécier, in concreto, le degré de dangerosité mis en balance avec le principe de proportionnalité, l’intérêt supérieur de l’enfant et le respect des droits fondamentaux (art. 7 et 24 de la charte des droits fondamentaux de l’Union).
CJUE 13 sept. 2016, Alfredo Rendón Marín c/ Administración del Estado, n° C-165/14 et CJUE, 13 sept. 2016, Secretary of State for the Home Department c/ CS, n°C-304/14
Références
■ Directive n° 2004/38/CE du 29 avril 2004
Article 3
« 1. La présente directive s'applique à tout citoyen de l'Union qui se rend ou séjourne dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité, ainsi qu'aux membres de sa famille, tels que définis à l'article 2, point 2), qui l'accompagnent ou le rejoignent. »
■ Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne
Article 20
« 1. Il est institué une citoyenneté de l'Union. Est citoyen de l'Union toute personne ayant la nationalité d'un État membre. La citoyenneté de l'Union s'ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas. »
■ Charte des droits fondamentaux de l’Union
Article 7
« Respect de la vie prive et familiale. Toute personne a droit au respect de sa vie prive et familiale, de son domicile et de ses communications. »
Article 24
« Droits de l’enfant. 2 : Dans tous les actes relatifs aux enfants, qu’ils soient accomplis par des autorités publiques ou des institutions privés, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale. »
■ CJUE 8 mars 2011, Gerardo Ruiz Zambrano c/Office national de l’emploi (ONEm), n° C-34/09: AJDA 2011. 479 ; D. 2011. 1325, note S. Corneloup ; ibid. 2012. 390, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ; RFDA 2011. 1225, chron. L. Clément-Wilz, F. Martucci et C. Mayeur-Carpentier ; ibid. 2012. 377, chron. L. Clément-Wilz, F. Martucci et C. Mayeur-Carpentier ; RDSS 2011. 449, note C. Boutayeb et A. Raccah ; Rev. crit. DIP 2012. 352, note J. Heymann ; RTD eur. 2011. 564, obs. E. Pataut ; ibid. 2012. 23, étude S. Platon ; ibid. 398, obs. F. Benoît-Rohmer ; Rev. UE 2013. 45, chron. E. Sabatakakis ; ibid. 2014. 596, étude H. Pongérard-Payet.
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