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Droit du travail - relations individuelles
Précisions quant à la renonciation à la clause de non-concurrence
Mots-clefs : Contrat de travail ; Clause de non-concurrence ; Faculté de renonciation ; Nullité de la clause dans son ensemble
C’est un double enseignement que cet arrêt de rejet du 2 décembre 2015 livre quant à l’insertion d’une faculté de renonciation dans une clause de non-concurrence. Non seulement une clause de non-concurrence ne peut comporter une faculté de renoncer à tout moment, avant ou pendant la période d’interdiction, aux obligations qu’elle fait peser sur le salarié, mais encore une telle clause doit être annulée dans son ensemble.
Il s’agissait en l’espèce d’un salarié technico-commercial, responsable des ventes, qui avait démissionné pour être embauché peu de temps après par un nouvel employeur, en violation apparente de sa clause de non-concurrence. Saisie de l’affaire, la Cour de cassation approuve l’arrêt d’appel infirmatif en ces termes : « Ayant relevé que la clause réservait à l’employeur la faculté de renoncer à tout moment, avant ou pendant la période d’interdiction, aux obligations qu’elle faisait peser sur le salarié, la cour d’appel qui a retenu que ce dernier avait été laissé dans l’incertitude quant à l’étendue de sa liberté de travailler, en a exactement déduit que cette clause devait être annulée en son ensemble »
La Haute juridiction a déjà eu l’occasion d’encadrer la renonciation à la clause de non-concurrence par l’employeur. On sait d’abord que la faculté de renoncer doit avoir été contractuellement prévue. La clause de non-concurrence est en effet « stipulée dans l’intérêt de chacune des parties au contrat de travail », une contrepartie financière étant exigée pour sa validité depuis le revirement de 2002 (Soc. 10 juill. 2002, n° 00-45.135. V. également : Soc. 11 mars 2015, n° 13-22.257). La Cour de cassation estime ensuite, depuis un arrêt du 13 juillet 2010, que « le salarié ne pouvant être laissé dans l'incertitude quant à l'étendue de sa liberté de travailler, la clause par laquelle l'employeur se réserve la faculté, après la rupture, de renoncer à la clause de non-concurrence à tout moment au cours de l'exécution de celle-ci doit être réputée non écrite » et qu’en « l'absence de disposition conventionnelle ou contractuelle fixant valablement le délai de renonciation par l'employeur à la clause de non-concurrence, celui-ci ne peut être dispensé de verser la contrepartie financière de cette clause que s'il libère le salarié de son obligation de non-concurrence au moment du licenciement » (Soc. 13 juillet 2010, n° 09-41.626. V. depuis : Soc. 22 sept. 2010, n° 08-45.341 ; Soc. 10 avr. 2013, n° 12-12.717 ; Soc. 19 nov. 2014, n° 13-18.566 ; Soc. 21 janv. 2015, n° 13-24.471).
L’affirmation du caractère illicite de la faculté de renonciation « à tout moment, avant ou pendant la période d’interdiction » était donc prévisible.
L’apport du présent arrêt consiste en revanche à préciser que la nullité ne peut être cantonnée à la seule faculté de renonciation. En l’espèce, l’employeur n’a pas entendu renoncer à la clause. Bien au contraire, il se plaint de sa violation par le salarié. La situation est donc inversée contrairement à celle d’autres espèces où il s’agissait de l’employeur qui souhaitait renoncer à la clause et se trouver ainsi libérer du versement de la contrepartie financière. Faut-il alors relever une contradiction entre le présent arrêt et ceux rendus précédemment ? Dans ces derniers, n’est-ce pas uniquement la faculté de renonciation qui se trouve « réputée non écrite » ? Il faut cependant se souvenir que la nullité affectant la clause de non-concurrence est une nullité relative. Dans les affaires où l’employeur souhaite renoncer à la clause de non-concurrence, aucune demande de nullité n’est formulée. Le salarié se contente de rétorquer que l’employeur ne peut pas se prévaloir de la faculté de renonciation et les juges peuvent seulement constater le caractère non-écrit de cette dernière.
Comment, par ailleurs, justifier la nullité totale de la clause de non-concurrence ? Pour la Cour de cassation, la stipulation d’une faculté de renonciation « à tout moment » laisse le salarié dans « l’incertitude quant à sa liberté de travailler ». Cette incertitude affecte donc non seulement la faculté de renonciation, mais encore l’obligation de non-concurrence elle-même.
En somme, la Cour de cassation poursuit le raisonnement à son terme : si la prévision d’une telle faculté de renonciation laisse le salarié dans l’incertitude quant à sa liberté de travailler, il faut considérer que la restriction apportée à cette liberté par la clause de non-concurrence est elle-même illicite. La solution peut paraître sévère, mais elle tend à préserver l’effectivité d’une liberté fondamentale.
Soc. 2 décembre 2015, n° 14-19.029.
Références
■ Soc. 10 juill. 2002, n° 00-45.135 P, D. 2002. 2491, note Y. Serra ; ibid. 3111, obs. J. Pélissier ; ibid. 2003. 1222, obs. B. Thullier.
■ Soc. 11 mars 2015, n° 13-22.257 P, D. 2015. 689 ; ibid. 1384, chron. E. Wurtz, F. Ducloz, C. Sommé, S. Mariette et N. Sabotier ; ibid. 2526, obs. Centre de droit de la concurrence Yves Serra ; Dr. soc. 2015. 465, obs. J. Mouly.
■ Soc. 13 juill. 2010, n° 09-41.626 P, D. 2010. 1885, obs. L. Perrin ; ibid. 2540, obs. Centre de droit de la concurrence Yves Serra ; Dr. soc. 2010. 1118, obs. J. Mouly.
■ Soc. 22 sept. 2010, n° 08-45.341.
■ Soc. 10 avr. 2013, n° 12-12.717.
■ Soc. 19 nov. 2014, n° 13-18.566.
■ Soc. 21 janv. 2015, n° 13-24.471 P, D. 2015. 271 ; ibid. 829, obs. J. Porta et P. Lokiec ; ibid. 2526, obs. Centre de droit de la concurrence Yves Serra ; Dr. soc. 2015. 206, chron. S. Tournaux.
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