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Droit des sûretés et de la publicité foncière
Précisions sur la durée du nantissement garantissant le remboursement d’un prêt
Sauf volonté contraire des parties, le prêteur bénéficiaire du nantissement d’un contrat d’assurance sur la vie donné en garantie du remboursement du prêt, a droit au paiement de la valeur du rachat tant que celui-ci n’a pas été remboursé.
Civ. 1re, 10 mars 2021, n° 20-11.917
Dans le prolongement des récentes décisions rendues en matière de nantissement (V. notamment Civ. 2e, 2 juill. 2020, n° 19-11.417 et 19-13.636 qui consacre au profit du créancier titulaire d’un nantissement de créance un droit exclusif au paiement, excluant tout concours des autres créanciers du souscripteur, même privilégiés ; Civ. 2e, 17 sept. 2020, n° 19-10.420; Civ. 2e, 10 déc. 2020, n° 19-19.340), l’arrêt du 10 mars 2021 confirme l’efficacité de cette sûreté en affirmant que, sauf volonté contraire des parties, la durée du nantissement donné en garantie d’un prêt se prolonge jusqu’au remboursement complet de ce dernier.
Dans cette affaire, une banque avait accordé à une société deux prêts, garantis par un nantissement constitué par un tiers portant sur son contrat d’assurance sur la vie. Quelques années plus tard, la société débitrice était placée en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire sans que les prêts garantis ne soient intégralement remboursés. Prétendant que le nantissement avait expiré, le constituant assigna l’assureur et le créancier nanti aux fins d’exercer ses droits sur le contrat d’assurance sur la vie et d’obtenir le paiement de dommages et intérêts. Exerçant son droit au paiement, la banque nantie sollicita, quant à elle, le paiement de la valeur de rachat du contrat d’assurance-vie auprès de l’assureur, qui s’exécuta.
La Cour de cassation accueille le pourvoi de la banque et de l’assureur contre l’arrêt de la cour d’appel qui avait considéré que le nantissement avait expiré en même temps que les prêts garantis, à la date fixée comme terme de la dernière échéance de remboursement. Elle apporte, par cette décision, des précisions utiles concernant à la fois la durée d’un prêt et celle du contrat de nantissement souscrit pour le garantir.
■ La durée du contrat de prêt
En l’espèce, les contrats de nantissement n’indiquaient pas la durée précise de la garantie accordée et se contentaient de mentionner le terme des prêts garantis. Face au silence du contrat, la cour d’appel avait recherché la commune intention des parties et avait déduit de cette référence au terme des prêts que le nantissement accordé au créancier avait la même durée que ces derniers.
Restait alors à déterminer la durée des prêts garantis. Pour les juges du fond, la survenance du terme initialement convenu par les parties avait mis fin aux contrats de prêt et partant, provoqué l’extinction du nantissement, interdisant au créancier de solliciter la mise en œuvre de la garantie après cette date.
Pour la cour d’appel, le terme du prêt s’analyse donc comme un terme extinctif qui borne la durée de vie du contrat : sa survenance provoque l’extinction du prêt indépendamment du remboursement effectif de ce dernier par le débiteur et indépendamment de la prorogation du terme imposée par un plan de redressement.
Le pourvoi réfutait cette analyse et soutenait que « le contrat de prêt s’éteint par le remboursement des fonds remis à l’emprunteur, et non par l’arrivée de la dernière échéance ».
La Cour de cassation valide ce raisonnement et affirme, au visa des anciens articles 1234 et 1185 du Code civil, « qu’un contrat de prêt prend fin lors du remboursement des fonds prêtés, nonobstant l’existence éventuelle d’un rééchelonnement des échéances ».
La Cour de cassation indique ainsi clairement que la survenance du terme du prêt ne provoque pas l’extinction de ce dernier. Bien que la distinction du terme extinctif et suspensif ne soit pas toujours aisée à mettre en œuvre (V. en ce sens : L. Lawson-Body, « Réflexions sur la distinction entre le terme extinctif et le terme suspensif », LPA 2002, n° 169, p. 3 s.), il ressort de la référence faite par l’arrêt à l’ancien article 1185 du Code civil que le terme stipulé au contrat retarde uniquement l’exécution de l’obligation de remboursement pesant sur l’emprunteur et s’analyse comme un terme suspensif. Il ne saurait, en revanche, mettre fin au contrat de prêt qui ne surviendra qu’avec l’exécution, par le débiteur, de son obligation de restitution.
Tant que cette obligation n’a pas été exécutée, le nantissement donné pour la garantir ne saurait, en principe, s’éteindre.
■ La durée du nantissement donné en garantie du remboursement d’un prêt
Selon l’article 2355 du Code civil, « le nantissement est l’affectation en garantie d’une obligation d’un bien meuble incorporel ou d’un ensemble de biens incorporels, présents ou futurs ».
Lorsque le nantissement est constitué dans le cadre d’un contrat de prêt, l’obligation qu’il a pour objet de garantir est précisément l’obligation de remboursement contractée par le débiteur.
Il était donc audacieux pour les juges de fond, en l’absence de stipulations expresses des parties, de priver le nantissement de son objet même en affirmant qu’il « avait cessé de produire effet à la date de la dernière échéance et ne pouvait donc plus être mis en œuvre ultérieurement, malgré l’absence de remboursement intégral du prêt ».
Et ce d’autant plus que l’article 2365 du Code civil permet au créancier d’attendre l’échéance de la créance nantie pour mobiliser sa garantie et faire valoir son droit exclusif au paiement (V. Civ. 2e, 2 juill. 2020, préc.).
Ainsi, lorsqu’il garantit l’exécution de l’obligation de remboursement d’un prêt, le nantissement ne saurait s’éteindre avant le remboursement de ce dernier. Sauf évidemment lorsque les parties ont expressément fixé une durée précise au nantissement qui pourra, dans ce cas, s’éteindre avant que le prêt ne soit intégralement remboursé (C. civ., art. 2358).
En l’espèce, toutefois, aucune clause ne permettait de mettre en évidence une telle volonté des parties de mettre fin au nantissement avant l’exécution de l’obligation de remboursement.
La Cour de cassation casse donc l’arrêt de la cour d’appel et affirme que « sauf volonté contraire des parties, le prêteur, bénéficiaire du nantissement d’un contrat d’assurances sur la vie donné en garantie du remboursement d’un prêt, a droit au paiement de la valeur de rachat tant que celui-ci n’a pas été remboursé ».
La solution dégagée contribue ainsi à faire du nantissement une sûreté efficace pour le créancier, en particulier dans l’hypothèse où, comme l’espèce, ses droits sont compromis par l’ouverture d’une procédure collective à l’égard du débiteur.
Références
■ Civ. 2e, 2 juill. 2020, n° 19-11.417 et 19-13.636 P: D. actu 28 juill. 2020, obs. R. Bigot ; D. 2020. 1940, note J.-D. Pellier ; ibid. 1917, obs. J.-J. Ansault et C. Gijsbers ; Rev. prat. rec. 2020. 6, obs. D. Cholet et A. Provansal ; ibid. 7, obs. D. Cholet et O. Salati ; ibid. 2021. 25, chron. O. Salati ; RTD civ. 2020. 666, obs. C. Gijsbers ; ibid. 946, obs. N. Cayrol ; JCP 2020. Doctr. 1052, n° 15, obs. P. Delebecque ; Rev. Prat. Récidive. 2020.7, obs. D. Cholet et O. Salati
■ Civ. 2e, 17 sept. 2020, n° 19-10.420 P : D. 2020. 1836 ; RTD civ. 2020. 946, obs. N. Cayrol
■ Civ. 2e, 10 déc. 2020, n° 19-19.340 : Gaz. Pal. 2021, n° 9, p. 66, note X. Leducq
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